L’arganier : Comment améliorer le taux de réussite des reboisements ?

18/05/2023 mis à jour: 03:59
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 Le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Mohamed Abdelhafid Henni, a posé mardi dernier, la première pierre du projet de construction du Centre national de valorisation de l’arganier et des ressources phytogénétiques sahariennes (CNDARPG) au niveau de la pépinière de Oued Djezz à Tindouf. 

Le ministre a rappelé, à cette occasion, l’importance majeure de l’arganier, connu pour ses vertus économiques mais également écologiques. En effet, l’arganier est particulièrement adapté aux zones arides du sud-ouest du pays. 

«Cet arbre fait partie de la famille des sapotacées et constitue la seule espèce de ce groupe de végétaux en Algérie, les autres sont tous situés en Afrique de l’Ouest», affirme Djamel Belaid, ingénieur agronome, spécialisé en vulgarisation des techniques innovantes. Le chercheur fait d’ailleurs savoir que l’arganier est un arbre originaire des zones tropicales qui s’est retrouvé isolé suite à l’assèchement du Sahara. 

«Il doit sa survie à des caractéristiques physiologiques et écologiques exceptionnelles qui lui auraient permis de s’adapter à un environnement devenu aride. Son système racinaire est un de ses principaux atouts», affirme-t-il. 

Si cette plante est reconnue pour avoir des vertus écologiques, c’est notamment grâce à ses racines superficielles ou racines traçantes, particulièrement développées, qui lui permettent de récupérer un maximum d’eau de pluie. Ces racines peuvent également, selon M. Belaid, récupérer l’eau de la rosée matinale. «Il s’agit d’un apport d’eau non pris en considération par les stations météorologiques traditionnelles alors que dans cet environnement aride, ces apports d’eau sont loin d’être négligeables», assure le spécialiste. 

A ce premier réseau de racine s’ajoute un système de racines pivotantes qui peuvent aller chercher l’eau jusqu’à plus de 30 mètres de profondeur. Toutefois, selon M. Belaid, l’aridité de plus en plus marquée du Nord-Ouest africain est préoccupante. En effet, cette augmentation de l’aridité du climat se manifeste par des quantités de pluies plus faibles et une irrégularité plus marquée. 

Déficit hydrique

Par ailleurs, si l’arganier présente un intérêt forestier, écologique et économique, la plante serait, selon le chercheur, menacé par l’érosion des sols et surtout par le bétail : chèvres et dromadaires, sans compter avec les coupes comme bois de chauffage voire même pour la production de charbon de bois. 

C’est pourquoi, M. Belaid estime que l’une des manières de valoriser cet arbre est d’avancer dans la connaissance de sa biologie pour réaliser des opérations de reboisement dans sa zone de prédilection, voire au-delà. 

«Pendant longtemps, le reboisement de l’arganier a donné de piètres résultats. Les travaux de recherche menés ces dernières années ont permis de lever les principaux obstacles», assure-t-il. De plus, l’arganier fait partie des espèces les moins gourmandes en eau, et ce qui lui permet justement de se satisfaire du manque d’eau réside dans sa façon de perdre ses feuilles. «Celles-ci ne tombent pas en hiver de façon saisonnière mais seulement lorsque l’arbre manque d’eau. Il s’agit d’une stratégie d’évitement», explique M. Belaid. 

Ainsi, en cas de déficit hydrique, la persistance des feuilles pourrait contribuer au dessèchement de l’arbre et à sa mort. Mais le fait qu’elles tombent limite le risque de dessèchement et de mort de l’arbre. Toutefois, cela représente un coût pour l’arganier. 

En effet, le spécialiste assure que la perte des feuilles interrompt le processus de fabrication de matière du fait de l’arrêt de la photosynthèse puisqu’il n’y a plus de feuilles et donc plus de chlorophylle. «Cependant, la quantité d’eau stockée dans le tronc et les branches suffit à assurer les fonctions vitales de l’arbre qui vit alors au ralenti jusqu’au retour de conditions plus favorables», affirme M. Belaid. 

Dès lors, l’arbre ne consomme plus d’eau et reste vivant, car les tissus de son tronc et de ses branches conservent suffisamment d’eau pour autoriser une survie de plusieurs mois, voire quelques années, jusqu’au retour de conditions favorables. Ainsi, si la sauvegarde de l’arganeraie permet de développer une activité économique locale et le maintien des populations rurales sur un vaste territoire. 

«Outre l’exploitation des fruits pour produire de l’huile d’argan, les arbres peuvent contribuer à un élevage de chèvres et de dromadaires à la condition que la charge d’animaux par hectare soit respectée afin d’éviter toute surexploitation», affirme le chercheur. Par ailleurs, la plantation d’arganier ne peut être que bénéfique pour l’environnement. 

En effet, la flore, l’ombre mais aussi la matière organique procurée par l’arbre créent un milieu favorable au développement d’autres espèces comme le  jujubier, les genêts ou encore les euphorbes. Quant à la faune, M. Belaid assure que des gazelles ont été aperçues au niveau de nouvelles plantations. Il s’agira donc d’assurer leur installation puis leur maintien. 

«Cela implique de la part des services forestiers des investissements dans la plantation et l’arrosage des jeunes arbres par irrigation au goutte à goutte», recommande le spécialiste. Ce dernier ajoute que cela implique également la participation des agro-pasteurs à la plantation et à l’entretien des espaces qu’elles occupent. 
                

Comment améliorer le taux de multiplication de l’arganier ?

Suite à la découverte du phénomène d’association avec les champignons, la production de plants en pépinière a été facilitée. En effet, les recherches ont établi que la plante permettait une grande facilité de multiplication à condition que des principes de base soient respectés. Le nombre de repousses à partir de souches d’arganiers âgés a très tôt orienté les chercheurs vers le bouturage. En quelques années a été maîtrisées les techniques de bouturage en laboratoire et notamment in vitro. Toutefois, une question reste en suspens à savoir le choix des plants à multiplier. Il faut savoir que l’arganier est particulier, les fleurs de l’arbre ne s’autofécondent que très rarement. La fécondation est donc croisée ce qui provoque un important brassage génétique et donc des formes très diverses. «Il s’agit là d’un atout qui a facilité l’adaptation de cette espèce à l’aridification de la région. Ce sont les individus qui présentaient les caractères de résistance aux longues périodes sans pluie qui ont survécu. Les autres ont disparus», explique M. Belaid. Pour les pépiniéristes, il s’agit donc de constituer des vergers de références ou parcs à clones disposant d’une large base génétique. Car rien ne serait plus grave, selon le chercheur, que de multiplier et de planter des arbres ne disposant pas des meilleurs caractéristiques permettant d’affronter le milieu aride. Une deuxième méthode de multiplication concerne la plantation de graines. Il est en effet possible, selon M. Belaid, de constituer des vergers à graines mais l’opération est longue est coûteuse. 

Comment améliorer le taux de réussite des reboisements ?

«Le succès du reboisement dépend avant tout du suivi des plants en pépinière», affirme M. Djamel Belaid. Selon lui, le substrat choisi doit être inoculé des champignons nécessaires à la symbiose. Il s’agit également, selon le spécialiste, d’éviter d’utiliser des sachets en polyéthylène car ceux-ci sont à l’origine d’un développement des racines en chignon, ce qui est peu propice à un enracinement profond. «Dans le cas de semis, il s’agit de réaliser un démariage précoce car le fruit donne naissance à 2 ou 3 plants qui peuvent se concurrencer», explique le chercheur. Afin d’améliorer le taux de réussite des reboisements, forestiers et universitaires se sont accordés sur un cahier des charges. «Les plantations ne doivent être réalisées qu’en novembre et décembre», affirme d’abord M. Belaid. Ensuite, les trous de plantation doivent être assez grands afin d’améliorer l’emmagasinement de l’eau. A cet effet, il précise : «Un ordre de 70 à 80 cm est souhaitable». Une fois le plant installé, le rebouchage du trou doit laisser au moins 20% de terre afin de constituée une bordure ou impluvium qui permettra de retenir l’eau des pluies ou des arrosages. Par ailleurs, ces arrosages sont déterminants au moment de la plantation et doivent se poursuivre jusqu’en mai à raison de 20 litres par plant. Enfin, pour inciter les entreprises de reboisement à améliorer le respect de ces règles, «il est suggéré de fractionner le paiement : une partie après plantation et une autre 9 mois après plantation à la condition qu’un taux de 80% soit atteint», conclut M. Belaid. 

 Par Sofia Ouahib 
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