L’ancien ambassadeur de France à Alger impliqué dans une transaction frauduleuse : Xavier Driencourt pris la main dans le sac

24/09/2024 mis à jour: 00:01
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Depuis sa mise à la retraite, l’ancien ambassadeur de France à Alger ne rate aucune occasion pour tirer à boulet rouge sur l’Algérie. 

Une année à peine après sa mise à la retraite, il s’est mis à écrire un livre, L’énigme algérienne, de 14 chapitres, consacré à ses années passées à Alger en tant que chef de la mission diplomatique française auprès de l’Algérie, entre 2008-2012 et 2017-2020. Publié en 2022, l’ouvrage lui a permis d’être sur tous les plateaux de télévision et dans les colonnes des journaux. 

Depuis, il multiplie les déclarations, contributions, analyses et interviews sur l’Algérie en utilisant des expressions violentes, voire choquantes, pour un ambassadeur fraîchement admis à la retraite. «L’Algérie ne croit qu’aux rapports de force», «l’Algérie s’effondre sous nos yeux et va entraîner avec elle la France», «ils rient de notre naïveté», «45 millions d’Algériens veulent quitter leur pays pour venir vivre en France», sont quelques échantillons des phrases choc de l’ancien ambassadeur de France utilisées pour noircir le tableau de Algérie, un pays, ne cesse-t-il de répéter, de «corruption, d’affairisme et de mal-gestion». 

Pourtant, l’ancien ambassadeur a fait ses deux passages à Alger durant une période charnière du règne du défunt président déchu, Abdelaziz Bouteflika, où il a eu certainement à connaître ces oligarques qui ont profité de leur proximité avec le régime Bouteflika pour faire de la rapine et de la corruption, leur mode d’enrichissement. 

A ce titre, le diplomate à la retraite a été, rappelle-t-on, lui-même au centre de nombreux événements qui illustrent la nature du régime qui avait pris le pays en otage, après l’AVC qui a cloué sur une chaise roulante le défunt Président déchu. Son hospitalisation dans un hôpital militaire français durant des mois, où des réunions de personnalités de haut rang s’étaient tenues, ainsi que le secret qui a frappé son état de santé ont suscité de lourdes questions sur les relations algéro-françaises à cette époque où les sociétés françaises avaient raflé les plus importants marchés du secteur des transports. Secteur qui a d’ailleurs été éclaboussé par des affaires de corruption. 

C’est principalement durant cette période que la cession d’un terrain à haute valeur financière, appartenant à l’Etat français, a eu lieu au profit d’un des plus influents oligarques proches du cercle présidentiel. Le nom de Xavier Driencourt a été cité dans cette transaction qualifiée de «frauduleuse», et qui a engendré un manque à gagner aux Trésors publics algérien et français. 
 

La boîte noire des opérations du bradage des biens publics

En effet, Xavier Driencourt, alors ambassadeur de France à Alger, avait cédé un terrain de 10 517 m2, situé au 10 rue Sfindja, sur lequel se trouve une magnifique villa mauresque appelée El Zeboudj, propriété de l’Etat français, depuis 1936 et située à El Biar, en contrepartie de la somme de 500 millions de dinars (50 milliards de centimes), soit 47 545 DA/m2, alors que les services des domaines de la zone d’El Biar l’ont estimé à 230 000 DA/m2. Ce n’est pas tout. Si l’on se réfère aux informations publiées par le site du Sénat français, le prix affiché de la villa de 250 mètres carrés habitables est de 10 millions d’euros, alors que la vente a été conclue pour l’équivalent de 4,87 millions d’euros.

 Cette cession a été effectuée au profit de l’homme d’affaires incarcéré  Réda Kouninef, un des propriétaires du groupe KouGC, suivant une promesse de vente établie le 24 février 2011, renouvelée le 29 novembre 2011, par le notaire Salim Becha (en fuite en Espagne), la boîte noire des plus importantes opérations de bradage des biens publics, à Alger et dans d’autres régions du pays, opérés au profit (et avec la complicité) de nombreux hauts responsables de l’Etat durant près de trois décennies. Cela a permis au notaire d’avoir le carnet d’adresses le plus fourni qui lui permettait d’ouvrir les portes des bureaux des plus hautes personnalités du pays. 

Et pour lever le droit de préemption de l’Etat algérien, émis par la wilaya d’Alger et communiqué à l’ambassade de France par note verbale (n°287) en date du 23 février 2012, et conclure la transaction, le notaire a sollicité l’intervention de Abdelmalek Sellal, alors Premier ministre et qu’il connaissait de longue date. 

Des sources de l’administration foncière estiment que le montant déclaré de cette cession est très en deçà de sa valeur. A titre de comparaison, André Parant, le remplaçant de Xavier Driencourt, avait vendu en 2014, soit moins de trois ans plus tard, un terrain avoisinant, également propriété de l’Etat français, d’une superficie de 5051 m2 situé au n° 12 de la rue Dzizi Khoudja Fatih, à El Biar, au prix du marché, soit 1,21 milliard de dinars (121 milliards de centimes). 

Ce terrain, de moitié moins grand, a rapporté deux fois plus. 
Comment Xavier Driencourt peut-il expliquer sa décision de fixer à seulement à 500 millions de dinars le prix d’un terrain de 10 517 m2 situé dans un quartier huppé d’Alger alors qu’il en vaut beaucoup plus ? La réponse nous est donnée par des sources de l’administration foncière. «Réda Kouninef n’était pas n’importe quel homme d’affaires à l’époque. Il roulait sur un empire financier colossal. 

Dans cette transaction, il y a eu sous-évaluation. Une partie importante des fonds que ce bien a générés aurait été versée de l’autre côté de la frontière. Qui en a bénéficié ? C’est aux autorités françaises d’ouvrir une enquête pour élucider cette affaire qui lui a fait perdre beaucoup d’argent», déclare notre source. 

 

 

 

La version de l’ambassade de France à Alger

Contactée, hier, par nos soins, pour donner sa version concernant la transaction effectuée par Xavier Driencourt, l’ambassade France à Alger à répondu comme suit : «En 2009, la Mission économique française a procédé à l’estimation financière de la villa El Zeboudj, située au 10 de la rue Sefindja. Sa valeur avait alors été évaluée sur la base d’un prix de base de 4,5 M€. Une procédure de publicité de cette vente a été effectuée à l’été 2010. Une offre de 500 000 000 DA a été reçue en mars 2011 (soit 4.99 M€ au taux de chancellerie de l’époque), la Commission interministérielle chargée d’émettre un avis sur les opérations immobilières à l’étranger (CIME), instance officielle française présidée par un magistrat de la Cour des comptes, ayant sur cette base émis un avis favorable à la vente effective du site pour cette valeur. Cette cession a fait l’objet d’un arrêté publié au Journal officiel de la République française (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000027084675). La villa El Zeboudj a donc été vendue à un prix correspondant à l’estimation qui en avait été faite par la Mission économique. S’agissant de la villa Jourdan, vendue en 2014, elle a été évaluée au montant de 1 milliard 133 millions de dinars. Cette propriété, a priori plus attractive compte tenu de sa localisation et de sa surface, a suscité beaucoup plus d’intérêt que l’autre et a été vendue pour cette valeur d’expertise.»
 

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