Lancement du collectif citoyen «L’Algérie au cœur» : Marseille commémore le 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie

07/06/2022 mis à jour: 07:22
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Dans le cadre des activités commémorant le 60e anniversaire de l’indépendance algérienne, qui fleurissent un peu partout en France à l’approche du 5 juillet, un collectif citoyen, composé d’une quinzaine d’associations, s’est constitué à Marseille, qui se veut ville miroir d’Alger à cette occasion. 
 

A travers une déclaration transmise à El Watan, cette structure qui a pris pour nom «L’Algérie au cœur», indique s’être mise en place pour contribuer au travail de mémoire sur la colonisation ici en France, avec une vision apaisée et plus fidèle aux faits historiques. 
 

Dans ce cadre, une première conférence-débat a été organisée le 27 mai dernier sous le thème : «De l’Algérie coloniale à l’indépendance, la construction du jeune Etat-nation ; comment sortir du conflit de mémoires ?» Initiée par l’ANPNPA (Association nationale des pieds-noirs progressistes et leurs amis, ndlr), la 4ACG (Anciens Appelés en Algérie et leurs Amis contre la guerre, ndlr) et l’association Touiza Solidarité, cette rencontre a été marquée par plusieurs interventions, notamment celles du politologue et historien Olivier Le Cour Grandmaison et le sociologue Aïssa Kadri. 
 

Après une prise de parole inaugurale de Jacques Pradel, président de l’ANPNPA, le bal a été ouvert par Le Cour Grandmaison, toujours sans concession. Il apporta une précision historique de taille : «L’expression ‘‘la guerre d’Algérie’’ est, au mieux, inexacte, puisqu’il n’y a pas eu une guerre d’Algérie mais bien plusieurs qui débutent avec les opérations militaires relatives à la conquête et à la pacification de ce territoire en 1830. Opérations dirigées par le général Bugeaud et réalisées par ses colonnes infernales qui ont ravagé le pays, pratiqué de terribles enfumades, massacré et déporté les civils dans le cadre d’une guerre qui doit être qualifiée de totale. 

Guerre encore lorsque les armées françaises sont mobilisées pour rétablir l’ordre colonial, très sérieusement menacé par l’insurrection dirigée par le bachaga El Mokrani en 1871.» Et au conférencier de poursuivre : «Au pire, cette expression occulte l’histoire en faisant croire, à dessein ou par omission, que le conflit, qui a débuté le 1er novembre 1954, est unique et donc exceptionnel en raison des méthodes pour le moins particulières employées par les militaires avec l’aval des gouvernements de l’époque. 

Lorsqu’on change de perspectives en privilégiant une plus longue durée, il est clair qu’il n’en est rien. 

A preuve, la torture, les exécutions sommaires, les destructions de villages et d’oasis ont été couramment utilisées avant cette date. Plus encore, elles furent en quelque sorte la norme dès lors que les autorités coloniales estimaient que la domination française était gravement compromise.» 
 

Au sujet de la reconnaissance des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par la France en Algérie, entre1830 et 1962, l’auteur de Coloniser. Exterminer (Fayard, 2005) indique que le président français, Emmanuel Macron, «s’obstine dans le refus de les reconnaître de façon pleine, entière et précise, contrairement à d’autres anciennes puissances coloniales européennes, comme la Grande-Bretagne et l’Allemagne, notamment ».

De son côté, le Pr Aïssa Kadri note que «dans l’approche sur la question des mémoires, cette histoire en longue durée est souvent occultée au profit d’une mise en avant de souffrances qui sont ramenées au même niveau comme celles ‘‘d’ennemis complémentaires’’, selon la formule de Germaine Tillion. Or, c’est l’entreprise coloniale qui est la cause originelle de tous les malheurs algériens ! C’est le colonialisme qui est, suivant Fanon, ‘‘la violence à l’état de nature’’. 

Et renvoyer dos à dos, à partir du présent, les protagonistes de la confrontation, permet d’occulter à bon compte les fondements historiques des violences». Le co-auteur de l’ouvrage La guerre d’Algérie revisitée (Karthala, 2015) met en garde contre les tentations révisionnistes de ce qu’était la réalité coloniale : «On ne peut faire comme si on était dans un self-service de réponses, selon les contextes, à des souffrances. Tout se passe comme si on était sur un marché des souffrances où chacun trouverait sa médication ; cela élude l’essentiel, une reconnaissance d’Etat des effets et conséquences d’une colonisation sans merci, radicale ».
 

Voulant conclure sur un message d’espoir sur la possibilité qui existe toujours de régler sereinement la question mémorielle entre l’Algérie et la France, il souligne : «En 1962, au moment de l’indépendance, sitôt les violences de l’été tues, des solidarités extraordinaires entre pieds-noirs, pieds-rouges et Algériens se sont nouées autour de la construction de l’Algérie indépendante. 

Il y a là un exemple de ce que pourrait être l’avenir ».Le débat s’est poursuivi en abordant, entres autres, la problématique de l’écriture de l’histoire et la « vérité des faits », qui devraient être traitées par des historiens des deux rives. 

Ce qui nécessite, selon les participants, non seulement l’ouverture des archives, mais aussi travailler sur l’école, l’éducation et la culture dans les deux pays. Ils insistèrent, enfin, sur l’importance d’écrire une «histoire connectée» et sans tabous, permettant aux jeunes Algériens et Français de se la réapproprier dans sa pluralité. 


Paris / De notre bureau

 

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