Souvent, lorsque l’on m’interroge sur l’Algérie, j’aime citer cette métaphore d’un de ses plus éminents écrivains, Mohamed Dib : «...On oublie souvent que la mer, avant tout, n’a pas d’âge ; sa force réside en cela...».(1)
Ainsi, en politique, on ne peut échapper lorsqu’on veut travailler sur l’Algérie au caractère particulier de sa situation géographique. Située dans une position centrale sur le versant sud de la Méditerranée, elle est à la fois un interlocuteur privilégié de l’Europe, mais aussi un ambassadeur de l’Afrique, légitime et sérieux dans les rapports Sud-Nord.
Pour le législateur français, la citation de Mohamed Dib n’a pas encore de résonance dans son quotidien. Pourtant, cette mer Méditerranée, si calme et aux rives sud comme nord, berceau culturel de l’humanité, doit, avec l’Algérie, résonner régulièrement dans les coulisses de l’Assemblée nationale française et de son hémicycle. Elle doit résonner, car la mer méditerranéenne, si lumineuse, est aussi aujourd’hui un obstacle, un piège pour des jeunes qui y laissent leur vie par absence souvent de projets et de perspectives, croyant que le Graal se trouve sur la rive nord.
Ainsi, nous avons besoin que des projets, portés par les Français en Algérie et dont, à ne pas douter, beaucoup d’entre eux sont d’origine algérienne, soient encadrés, accompagnés et promus, pour réussir des passerelles plus solides entre l’Algérie et la France et dans tous les domaines. Nous avons besoin que les Français en Algérie s’impliquent auprès de la jeunesse algérienne afin de lui donner des perspectives dans ce pays immense par sa diversité culturelle et ses atouts territoriaux.
Le législateur français doit prendre conscience que les Français, en Algérie, ne sont pas une communauté homogène, ni un réseau de privilégiés, mais des intelligences, une richesse de pensées et de diversités dans des secteurs variés et prêts à participer au développement des échanges entre les deux pays.
Dans le domaine du sport, la fameuse finale de football entre l’Algérie et la France, lors des Jeux méditerranéens de 1975 qui se sont tenus à Alger, n’est qu’un lointain souvenir. Le football, à l’époque, était loin du star system qui a finalement fait dériver, ce sport vers le capitalisme financier plus que tout autre sport.
On ne peut comparer la vie, à l’époque, des géniaux amateurs de l’équipe de Rachid Mekhloufi qui avaient fait plier l’équipe de France par leur talent et fougue, aux footballeurs professionnels mondialisés comme les Mahrez et Slimani.
A l’heure où l’Algérie s’apprête à recevoir, fin juin, les Jeux méditerranéens à Oran, et la France les Jeux olympiques en 2024, Il est opportun que des projets entre les deux pays fassent jours pour élaborer des échanges d’expériences sur des sujets essentiels pour le sport, comme, par exemple : rendre les infrastructures durables, faire évoluer le droit et la propriété intellectuelle et promouvoir l’instruction sportive...
La 9e circonscription des Français de l’étranger est née de la réforme constitutionnelle de 2008. Lors de la première mandature de 2012-2017, sous la députation de Pouria Amirshahi, des rencontres d’experts de l’énergie ont été organisées à l’Assemblée nationale française.
Avec, comme chef de file, l’économiste Abderrahmane Mebtoul, elles devaient construire une feuille de route pour l’avènement d’une transition énergétique maghrébine. L’initiative était louable, mais fut interrompue.
A l’heure où l’Europe voit son Green Deal fragilisé sur le flanc Est du Vieux continent, il serait urgent de relancer des réflexions au sujet de l’avènement d’une politique énergétique durable euro-méditerranéenne, où l’Algérie jouera un rôle majeur et central.
Si les ressources d’énergies renouvelables algériennes, et particulièrement le solaire, peuvent être une bénédiction pour l’Europe, la France qui depuis plus d’un siècle a fait ses preuves comme leader mondial dans la production (EDF et Engie), l’industrie de l’équipement (Schneider, Legrand) et la distribution d’infrastructures et de produits électriques (Sonepar, Rexel), doit par une politique de transfert technologique accompagner le tissu industriel algérien dans ce secteur.
On ne peut imaginer le nombre d’enfants de la diaspora algérienne, à tous les niveaux hiérarchiques qui font la fierté de ces entreprises par leur savoir-faire. Nombreux d’entre eux ont commencé leurs études supérieures en Algérie avant de rejoindre le marché du travail en France.
C’est un juste retour que ces Franco-Algériens, devenus des experts dans leur spécialité, participent à la dynamisation du monde de l’entreprise de leur pays d’origine. Là est encore le rôle du législateur chargé des Français de l’étranger doit viser à impulser une politique de partenariat auprès des autorités françaises comme algériennes.
L’Afrique, dans la recomposition géopolitique actuelle, est en train de redevenir comme à l’époque de la guerre froide la proie à toutes les convoitises extérieures. La France, par la faiblesse de son économie du moment, ne peut plus jouer seul un rôle de garant de politique sécuritaire, du moins en Afrique de l’Ouest.
La crise au Sahel n’est pas uniquement politique. Elle est aussi sociale, économique et culturelle. L’Algérie a besoin de retrouver dans ses frontières sud une coopération vertueuse avec ses voisins comme le Mali et le Niger.
Une coopération qui doit aussi passer par la réalisation de projets allant du secteur de la production culturelle, comme dans le domaine de la musique, à des accords pour le montage d’entreprises frontalières, faisant la promotion de savoir-faire en produits locaux.
Car, comme le soulignent certaines entreprises : «Les frontières qui délimitent l’étendue d’un territoire ne sont qu’essentiellement politiques. Ces zones ne sont pas aussi imperméables lorsqu’il s’agit d’activités économiques.»
Il y a tant à faire dans de nouvelles relations franco-algériennes politiques, économiques et géopolitiques équilibrées et surtout à valeurs ajoutées partagées. Il serait dommage de mettre un point final à cette contribution sans les illustrer par une pensée d’un auteur de l’Algérie. Et pourquoi pas encore Mohamed Dib, un des pères de la littérature francophone de témoignage. Il écrit : «Où allons-nous ? L’essentiel est que nous y allions ensemble» (2).
(1) Qui se souvient de la mer. Aux éditions du Seuil.
(2) Le maître de chasse. Aux éditions du Seuil.
Par Jean-Claude Fontanive
Candidat à la 9e circonscription des Français de l’étranger
Maghreb – Afrique de l’Ouest
«Agissons ensemble»