De 1980 à 2016, Hédi Hamel, journaliste algérien, multi primé, écrivain du sport, a couvert 10 éditions des Jeux olympiques d’été faisant de lui un observateur privilégié aux expériences pluridisciplinaires. Il a été constamment animé par le désir de suivre et côtoyer au plus près les champions, les stars planétaires, les hommes et les femmes ayant atteint le graal du sport mondial, les faits majeurs des plus grands évènements et connu le temple de l’Olympie, classé au patrimoine mondial de l’Unesco en 1989. De sa plume captive, Hédi Hamel nous dresse ici un inventaire d’un siècle olympique dans lequel il a choisi de mettre en exergue la dynamisation africaine mais aussi ceux, peu nombreux, ayant conquis une place dans le Panthéon olympique.
L’Afrique et les Jeux olympiques, c’est, à vrai dire, une histoire bouleversante, renversante, inconstante mais régulièrement couverte d’une émotion propre aux mythes. Il fut même question de boycott historique lors des JO de Montréal en 1976. 23 pays africains présents refusèrent, la veille de la cérémonie d’ouverture, d’y participer protestant contre la présence de la Nouvelle Zélande soutien de l’Afrique du Sud et son terrible régime de l’apartheid.
Le monde entier salua le courage mais aussi le sacrifice de l’ensemble du mouvement olympique africain conduit par deux dirigeants de grande envergure, le Congolais Jean Claude Ganga et le Tunisien Mohamed M’zali.
Jamais les Africains ne devront oublier l’audace, la détermination et l’intelligence de ces deux grands hommes qui ont fait vaciller le Comité olympique international et ses règles restrictives et obsolètes pour l’époque.
Pour la petite histoire, lors de de ces JO de Monréal 76, il faut rappeler que l’ancien président de la Confédération africaine de football, le Camerounais Issa Hayatou, était inscrit parmi les engagés aux 800m et devait disputer les premières séries..
Heureusement, le film olympique africain est sans limite de temps. En 1964, le Tunisien Mohamed Gammoudi et le Kenyan Kipchogue Keino (surnommé l’homme à la casquette blanche) bousculent la hiérarchie sur le 5000m et le 1500m.
Quatre ans plus tard, à Mexico Keino, pourtant malade, s’adjuge la médaille d’or du 1500m pendant que son compère Gammoudi décrochait l’or sur 5000m après sa médaille d’argent à Tokyo en 1964. Au cours de ces mêmes Jeux Kip Keino couronna la fin de sa carrière par… une autre médaille d’or, mais cette fois sur une distance qui lui était peu coutumière, le 3000m steeple.
Dans la Boxe aussi, les JO ont souri aux africains
A Tokyo en 2020 le Ghanéen Samuel Takyi décrocha une médaille de bronze exactement dans la lignée de celle en bronze aussi de l’Algérien Hocine Soltani (57 kg, en 1992) qui récidiva 4 ans plus tard à Atlanta en remportant encore une bronze en même temps que son compatriote Mohamed Bahari dans la catégorie des 75kg et encore une bronze pour le Tunisien Fathi Missaoui.
La moisson africaine s’enrichira en 2004 d’une très belle médaille d’argent attribuée à l’Egyptien Mohamed Aly (mais oui c’est son vrai nom) à Athènes en 2004.
Signalons que depuis son introduction en 2012 aux JO de Londres, la boxe féminine ne donna lieu à aucun résultat positif pour les Africaines.
Vous l’aurez compris, ce film olympique accorde la part belle à l’athlétisme. Sur les 10 éditions des JO que j’ai vécues, c’est vrai qu’il me revient en mémoire surtout quelques moments privilégiés comme ceux de Barcelone en 1992.
L’épreuve du 10 000m féminin ne devait donner lieu à aucune équivoque, si minime soit-elle, tant la domination de la spécialité par l’Ethiopienne Derartu Tulu était écrasante. Il en fut ainsi pendant toute la course jusqu’aux… derniers 100m. Tout près de franchir la ligne d’arrivée en vainqueur, Derartu se retourna et vit sa poursuivante… à bonne distance souffrir pour terminer. Il s’agissait de la Sud-Africaine Elena Meyer, la plus grande athlète de la nation arc en ciel.
Et que croyez-vous que fit Derartu Tulu ? Elle l’attendit pour… tomber dans les bras l’une de l’autre célébrant ainsi une double victoire africaine retentissante par ses contours et, bien sûr, marquant le retour spectaculaire du pays de Nelson Mandela dans la grande famille africaine.
Autre lieu, autre histoire de l’incroyable champion éthiopien Miruts Yfter, bronze sur 10 000m à Munich en 1972, promu à l’or indiscutablement sur 5000m le lendemain et qui fut victime d’une terrible crise d’estomac le clouant aux… toilettes. Huit ans plus tard aux JO de Moscou 1980, il est double champion olympique.
Mais ces Jeux de Munich, endeuillés par un attentat, révélèrent une séquence de dimension universelle qui restera gravée à tout jamais : Finale du 400m haies, un super favori, l’Américain Ralph Mann.
Libérés par le starter, les coureurs s’élancent… l’Ougandais John Akii Bua passe les haies avec une facilité étourdissante et finit la course en fusée stratosphérique : titre olympique, médaille d’or mais surtout… surtout record du monde pulvérisé en 47’ 42’’ !
Mais qui est donc cet inconnu longiligne au sourire ravageur qui courut sur un nuage ?
John Akii Bua, fou de joie, n’arrivait pas à s’apaiser poursuivi par une meute de caméras et photographes, il continuait à mimer des passages de haies imaginaires, tout en refaisant le tour de piste sous les clameurs de milliers de personnes médusées Le soir, sur toutes les TV du monde , impossible de manquer la séquence retentissante de ce John Akii Bua hélas trop tôt disparu des radars quelques années après puis emporté au ciel un beau jour. Hédi Hamel