La Plage du Puits de Benisaf était une plage aux romantiques (1re partie)

04/07/2023 mis à jour: 12:32
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«Nous ne sommes que des grains de sable, mais nous sommes ensemble. Nous sommes comme les grains de sable sur la plage, mais sans les grains de sable, la plage n’existerait pas.»

Il y a le soleil, la forêt, la montagne, le ciel et la mer bleue, tout cet ensemble divin suscite une atmosphère agréable et un bonheur au milieu d’un entourage naturel et époustouflant, forçant l’esprit, la raison et le cœur de l’artiste pour féconder une culture estivale fascinante et vivante, semblable à la légende de ce fameux sphinx renaissant de ses cendres.

Cet endroit, ce lieu fantastique magnétise bien des pèlerins accoutumés cherchant la fraîcheur, le calme et le plaisir. L’histoire récente, mais glorieuse a contribué à son prestige et à sa renommée, qui a fait de la plage du Puits une destination semblable à un pèlerinage d’été, où chaque parole, geste et comportement émeut le cœur et intrigue l’esprit avec du bon sens. 

Elle est très prisée par les touristes de tout bord, les excursionnistes, les visiteurs, les vacanciers, et les amateurs de la plage ; c’est un fameux faubourg influent et dominant de la grande commune de Benisaf. Ce faubourg est merveilleux, épatant, sensationnel et magique, que certains ignorent.

 Il a en lui-même tout ce qui est difficile à comprendre, à expliquer, et à connaître, facile à vivre, il incarne et personnifie par ses signes, et par ses ornements bien distinctifs. La plage du puits était jadis un quartier de recréation pour l’ex-ville ouvrière (mine de fer) d’antan, et maritime (premier port de pêche). De ce fameux et beau quartier attractif nommé singulièrement : la Plage du Puits, vitrine constellée par excellence de la commune de Benisaf, pour ceux qui savent donner un sens profond de salamalec. 

Ce quartier unique savait parler à tous ceux qui étaient sourds par le poids de la beauté de son paysage naturel et artificiel, et en même temps savait écouter tous ceux qui étaient muets, par le poids des mots magiques que certains n’arrivent pas à saisir le sens naturel, c’était son propre mystère, qui se conjuguait à travers trois temps ; le temps de la nature, le temps de l’esprit et le temps du cœur ? 

C’était une piste qu’il fallait farfouiller entre la prospérité matérielle, la félicité morale et la beauté naturelle, les affaires, le pouvoir, et l’argent n’avaient pas de place dans les actions de l’esprit sain, et leurs réactions dans la raison. Le quartier de la Plage du Puits était entouré, et gardé en même temps par des tenanciers, et vigiles qui se personnifiaient en saints, patrons et sages de l’ancienne ville de Benisaf (ils avaient le pouvoir, la sagesse et aussi le sens de la responsabilité). C’était des «El Awliyas Essalihines» de Benisaf. 

En termes populaires, on les nommait ainsi : El Wali de Sidi Boucif ; El Wali de Sidi Brik et El Wali de Sidi Mohamed Bel Meddah, chacun d’eux hantait sa tanière sur le sommet de sa propre falaise du relief benisafien. Sur un triangle défensif (trois falaises) dominant respectivement le port, la ville et la plage du Puits, et au bas de chaque montagne (le dos de la montagne se situe une falaise qui se jette sur la mer bleue) dépendante de chacun de ses saints ou «El Awliyas», coulait il y a belle lurette un oued, et dont juste l’écho de leurs sobriquets persiste aujourd’hui; il y avait l’oued nommé «Ahmed» situé dans les parages de Sidi Boucif, l’oued baptisé «Benchellal» situé dans le voisinage de Sidi Brik, et enfin l’oued qualifié «Bel-Meddah» situé au niveau de la localité de Sidi Mohamed Bel Meddah, et c’est au bas de ce quadrillage de montagnes que le quartier de la Plage du Puits subsiste dans son alcôve.
 

Une ville abandonnée par ses habitants à la saleté quotidienne

Aujourd’hui, la commune de Benisaf n’est plus ce qu’elle était, elle est négligée par ses faux habitants, ou plus exactement par ses élites passives, par ses sages «nerveux», par ses notables, intérêts obligent, elle est délaissée pour ainsi dire. 

La commune de Benisaf est composée de segments bien distincts, et le plus important, celui qui fait la tonalité de la ville est bien la Plage du puits, l’unique bijou restant dans l’écrin de la ville. La Plage du puits mérite une narration plus raffinée, parce que cet endroit est connu par des gens, des personnalités physiques, et morales... des quatre coins du pays, et même au-delà de nos frontières. Historiquement, le passé du quartier de la plage a fui, et il est inutile de s’étaler sur cela. 

Ce que nous espérons aujourd’hui est vraiment absent dans sa spiritualité, mais le présent est à nous malgré nous, dans son insignifiance, nous le vivons, nous le disons, et nous le confessons à qui de droit, pour que la Plage devenue fragile et putrescible recommence à vivre la joie, le bonheur et le plaisir au milieu d’un environnement qui chasse la saleté, et la violence de l’esprit avant même celui du sol, et ses habitants refusent de se recroqueviller dans sa platitude pour dire que le quartier existe toujours mais ne vit pas Monsieur comme disait J. Brel. On ne peut pas corriger le passé, mais on peut corriger convenablement le présent pour vivre mieux dans le futur qui nous attend.
 

Trois zones, trois styles de vie

Le quartier en lui-même est un joli endroit enguirlandé d’une très belle plage, richesse naturelle épatante, et éternelle pour ceux qui savent faire de son usage un art, une culture, une joie, une détente, une valeur, un asile, où esprit et raison deviennent un ferment d’énergie humaine, par la force et la considération des beaux mots, le choc, et l’émotion des paysages. Une mer bleue délicieuse dont ses vagues grandes, ou petites selon le gré de la météo, se jettent continuellement sur le rivage constitué d’un sable doré,  s’étalant sur une bande busquée large d’une dizaine de mètres, sa couleur est dorée. 

Cette bande de sable est ancrée entre la mer qui la caresse par les câlins de ses vagues, et de jolis cabanons, et villas exotiques dont quelques-unes ont été par mérite baptisées de par leur beauté architecturale :il y a la villa «d’Azur», la villa du «Rêve bleu»... qui existent à ce jour... Ces habitations (cabanons, villas, chalets...) bien alignées composent une longue voie bien aménagée, pour en fin de compte constituer une belle et charmante avenue bordée de palmiers, servant de boulevards (promenades) surtout pour les estivants, et visiteurs. Au milieu du territoire du quartier ; des aires de jeux qui font le bonheur des jeunes et moins jeunes.

Une seconde zone d’habitations bien récente dont l’ architecture n’est pas du tout conforme avec le prestige panoramique de la façade de la plage, une troisième zone semi-habitable se situe au pied de la gigantesque falaise où demeure le saint marabout ou wali «Sidi Brik». 

Cette falaise constituée d’un ensemble de rochers, situé en retrait du littoral, la grandeur de cette gigantesque falaise pour ne pas dire montagne, vu d’en haut ou d’en bas, cela donne une crainte dans l’imagination de tout visiteur ou exactement étranger. Elle impressionne, épate et émerveille tout venant, elle procure du vertige à celui qui l’escalade ; mais une fois domestiquée, elle devient la protectrice du temple de ce faubourg, les habitants de la plage sont bien parrainés entre la somptueuse falaise (montagne) et la délicieuse mer, c’est une affaire ou peut-être même une question de décor que seul l’artiste est capable de dépister cette beauté d’où émerge l’utile et l’agréable de ce paysage naturel, et méconnu mais prodigieux. 

Sur cette même montagne, un autre quartier populaire avec ses trois nominations (Anahda-Sagla ou Boukoudan), il faut tout de même signaler que sur chaque montagne existe un quartier bien distinct de Benisaf. 

Le territoire se situant sur la bordure d’en haut de la montagne,  un vrai «front de mer» qui nous fait dévoiler un panorama «zoomé» extraordinaire (le parfait coucher du soleil d’été, l’île de Rachgoun, île de Kouidem, une vue d’en haut de la Plage du puits, du port, des autres montagnes, des forêts ou pinèdes de pin d’Alep...), du point de vue touristique, artistique, culturel et  économique, ils représentent des ressources à appellations multiples que nos responsables n’ont jamais su apprécier à leur juste valeur (richesse) pour le bien-être de tout ce qui se meut ; alors qu’un projet élaboré par l’Association de quartier pouvant donner de la vitalité (économique culturelle et touristique) pour la ville, n’a même pas trouvéde résonnance féconde auprès de ceux qui en principe devront être à l’écoute de la population benisafienne. 

C’est un endroit fructueux pour l’inspiration, censée donner un sens perçant, c’est aussi un véritable décor naturel dont sa rareté vaut une valeur incommensurable que seul le poète est en mesure de faire la découverte de cette beauté authentique et que les néoclassiques savent donner la valeur économique à partir de la rareté de la chose.

Par ailleurs, la géographie urbaine se dégrade et la physionomie du quartier de la plage se fane, par le délaissement, et le manquement irresponsable, la façade du front de mer a été totalement modifiée de façon désastreuse par ses habitants au vu et au su de qui de droit, la structure urbanistique est devenue chaotique à tel point que les dernières intempéries ont provoqué des dégâts catastrophiques (affaissement de terrains sur des habitations). 

Chacun fait ce que bon lui semble en toute impunité, car la bureaucratie empêche toute action, démarche ou processus légaliste ou plus exactement réglementaire par conséquent l’informel s’impose en tant que tel, parce qu’on a trop négligé la punition. Les esplanades de cafés (bistrots) ou troquets de jadis donnaient un goût à l’esprit des terrasses avec les beaux jours qui ne cessaient de revenir, les structures culturelles et sportives ont disparu, l’ex-stade de tennis dont une bâtisse est érigée en plein milieu de l’aire de jeu, un club de boules qui n’existe plus, une station de relevage d’eaux usées construite pour un faux décor.

 Tous les centres de culture se sont dissipés, nos jeunes désœuvrés et la facilité s’est enrobée dans l’oisiveté, qui amène nos jeunes vers des rivages mouvants garnis de désespoir à coup de pourquoi –Nah-ragh ! m’immole ! me drogue ! me suicide !....?. 

A Suivre
 

Par Benallal Mohamed , Actuel maire de Benisaf

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