La Norvège, l’Espagne et l’Irlande reconnaissent conjointement l’état de palestine : Un grand pas pour la cause palestinienne

23/05/2024 mis à jour: 17:53
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Photo : D. R.

La Norvège, l’Irlande et l’Espagne ont annoncé hier, dans une démarche coordonnée, leur reconnaissance officielle de l’Etat de Palestine. Cette reconnaissance entrera en vigueur le 28 mai. L’Autorité Palestinienne, l’OLP et le mouvement Hamas ont salué avec ferveur cette décision en faveur du peuple palestinien et son droit à l’autodétermination, tandis qu’Israël a rappelé ses ambassadeurs à Oslo, Dublin et Madrid.

A u milieu de l’épouvantable apocalypse qui s’acharne sur Ghaza, depuis près de huit mois maintenant, sous l’abominable déluge de feu israélien, une espérance dans la nuit sanglante palestinienne : trois pays européens ont déclaré hier leur reconnaissance officielle de l’Etat de Palestine. Il s’agit de la Norvège, de l’Espagne et de l’Irlande. Les trois pays qui sont parmi les plus engagés en faveur du peuple palestinien et son droit à l’autodétermination, et qui depuis longtemps militent pour une solution à deux Etats, ont annoncé que cette reconnaissance entrera en vigueur le 28 mai.

Chacun des pays concernés a fait cette annonce de son côté,mais il s’agit à l’évidence d’une démarche concertée. Le Premier ministre norvégien, Jonas Gahr Store, a organisé hier une conférence de presse à Oslo spécialement pour cette annonce. Il était accompagné de son ministre des Affaires étrangères, Espen Barth Eide. «Le gouvernement norvégien a décidé que la Norvège reconnaîtra la Palestine en tant qu’Etat.

Au milieu d’une guerre qui fait des dizaines de milliers de morts et de blessés, nous devons maintenir en vie la seule alternative qui offre une solution politique aussi bien aux Israéliens qu’aux Palestiniens : deux Etats, vivant côte à côte, dans la paix et la sécurité, a déclaré le Premier ministre norvégien, selon un document rendu public par son service de presse.

Et de préciser : «La reconnaissance officielle de la Palestine par la Norvège en tant qu’Etat entrera en vigueur le mardi 28 mai 2024. Un certain nombre d’autres pays européens partageant les mêmes idées reconnaîtront également officiellement la Palestine à la même date. Ces pays feront leurs propres annonces. Au total, 143 pays ont déjà reconnu l’Etat palestinien.»

«Pas de paix sans une solution à deux États»

«Le peuple palestinien a un droit fondamental à l’autodétermination. Israéliens et Palestiniens ont le droit de vivre en paix dans leurs Etats respectifs. Il n’y aura pas de paix au Moyen-Orient sans une solution à deux Etats. Il ne peut y avoir de solution à deux Etats sans un Etat palestinien. En d’autres termes, un Etat palestinien est une condition préalable à la réalisation de la paix au Moyen-Orient», a insisté le Premier ministre norvégien.

Jonas Gahr Store n’a pas manqué de rappeler les fameux Accords d’Oslo de 1993 qui, bien qu’inachevés et fortement critiqués, avaient tout de même permis de donner corps à un embryon d’Etat palestinien après la proclamation de celui-ci à Alger en 1988. «La reconnaissance par la Norvège d’un Etat palestinien a lieu un peu plus de 30 ans après la signature du premier accord d’Oslo en 1993», observe le PM norvégien.

Il relève dans la foulée que «depuis lors, les Palestiniens ont franchi des étapes importantes vers une solution à deux Etats. En 2011, la Banque mondiale a conclu que la Palestine satisfaisait aux critères clés requis pour fonctionner en tant qu’Etat. Des institutions nationales ont été créées pour fournir à la population des services essentiels. Néanmoins, la guerre à Ghaza et l’expansion continue des colonies illégales en Cisjordanie ont rendu la situation en Palestine plus difficile qu’elle ne l’a été depuis des décennies».

M. Store fait remarquer, par ailleurs, que  «depuis les Accords d’Oslo (...), la Norvège et de nombreux autres pays ont suivi une stratégie selon laquelle la reconnaissance suivrait un accord de paix. Cela n’a pas abouti». «En l’absence d’un processus de paix et d’une solution politique au conflit, les évolutions sont allées dans la mauvaise direction. Ni les Palestiniens ni les Israéliens ne peuvent vivre en sécurité.

C’est pourquoi nous devons penser différemment et agir en conséquence. Nous ne pouvons plus attendre que le conflit soit résolu avant de reconnaître l’Etat de Palestine», plaide Jonas Gahr Store.

«Un moment historique»

Simultanément, ce même mercredi, à Dublin, le Premier ministre irlandais, Simon Harris, accompagné de son ministre des Affaires étrangères, Micheal Martin, et du ministre de l’Environnement, Eamon Ryan, a annoncé la reconnaissance par l’Irlande de l’Etat de Palestine en précisant lui aussi que ce processus rentrera en vigueur le 28 mai comme à Oslo et Madrid. «L’Irlande reconnaît aujourd’hui la Palestine comme une nation parmi les nations avec tous les droits et les responsabilités que cela implique», a déclaré le Premier ministre irlandais, selon un communiqué officiel de son cabinet.

Et de souligner : «Nous avions espéré reconnaître la Palestine dans le cadre d’un accord de paix à deux Etats, mais nous reconnaissons plus tôt la Palestine pour maintenir vivant l’espoir d’une solution à deux Etats. Le rêve de l’Irlande est que les enfants israéliens et palestiniens du 28 mai 2024 grandissent pour devenir des voisins en paix.» Pour Simon Harris, «la seule façon d’arrêter la guerre et la mort est d’exploiter les qualités des deux nations».

Et de conclure : «Nous sommes honorés de reconnaître la Palestine en même temps que nos amis espagnols et norvégiens. Nous espérons que d’autres feront de même.» Micheal Martin dira que cette décision «est un moment historique pour l’Irlande». «Nous sommes profondément convaincus, poursuit le chef de la diplomatie irlandaise, qu’il ne peut y avoir de paix au Moyen-Orient tant que les peuples israélien et palestinien ne jouiront pas des mêmes droits à l’autodétermination, à la création d’un Etat, à la paix, à la sécurité et à la dignité. La reconnaissance de la Palestine n’est pas la fin d’un processus ; c’est le début. Nous sommes convaincus que la solution à deux Etats reste la seule option viable pour garantir une paix juste et durable et un avenir meilleur.»

Le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a annoncé à son tour hier la reconnaissance de l’Etat de Palestine par son pays devant les députés espagnols. « Mardi prochain, le 28 mai, l’Espagne adoptera en Conseil des ministres la reconnaissance de l’Etat palestinien», a-t-il déclaré avant une séance plénière du Congrès espagnol. « Cette reconnaissance n’est contre personne.

Ce n’est pas contre le peuple d’Israël (…) et encore moins contre les Juifs», a-t-il précisé. Selon l’agence de presse espagnole EFE, Pedro Sanchez a «communiqué la décision du gouvernement au roi Felipe VI, au secrétaire général de l’ONU António Guterres et aux présidents du Conseil européen et de la Commission européenne, Charles Michel et Ursula von der Leyen ».

Le 22 mars dernier, en marge d’un sommet européen, l’Espagne, l’Irlande, Malte et la Slovénie, avaient fait savoir, rappelle-t-on, que ces pays reconnaîtraient prochainement l’Etat de Palestine.

Le gouvernement slovène a adopté un décret le 9 mai actant la reconnaissance de l’Etat palestinien. Ce texte sera soumis d’ici au 13 juin à l’approbation du Parlement. Huit Etats membres de l’UE reconnaissaient jusqu’à présent l’Etat palestinien, à savoir la Suède, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la Bulgarie, la Roumanie, la République tchèque et Chypre. Ils seront bientôt 12, voire davantage à accueillir une représentation diplomatique palestinienne sur leur territoire.

«C’est le résultat de la courageuse résistance palestinienne»

Réagissant à cette annonce, la présidence de l’Autorité palestinienne a salué avec ferveur le soutien affiché par Oslo, Dublin et Madrid et en a profité pour appeler les autres pays à rallier ce formidable élan de solidarité. Hussein Al Sheikh, secrétaire général de l’OLP, s’en est félicité en postant ce message plein d’enthousiasme sur la plateforme X : «Des moments historiques au cours desquels le monde libre triomphe pour la vérité et la justice après de longues décennies de lutte nationale palestinienne, de souffrance, de douleur, d’occupation, de racisme, de meurtre, d’oppression, d’abus et de destruction auxquels le peuple palestinien a été soumis.

Nous remercions les pays du monde qui ont reconnu et reconnaîtront l’Etat indépendant de Palestine. Nous affirmons que c’est la voie vers la stabilité, la sécurité et la paix dans la région.» Le mouvement Hamas a également accueilli la nouvelle avec allégresse : «Nous considérons cela comme une étape importante vers l’affirmation de notre droit à la terre et à l’établissement d’un Etat palestinien avec Jérusalem pour capitale», a déclaré le parti d’Ismaïl Haniyeh dans un communiqué. Bassem Naïm, un cadre du mouvement, estime dans une déclaration à l’AFP que cette vague de reconnaissances «est le résultat de la courageuse résistance palestinienne».

«Nous pensons qu’il s’agit d’un tournant dans la position internationale sur la question palestinienne» a-t-il ajouté. Plusieurs pays et institutions internationales ont salué cet élan de solidarité dont plusieurs capitales arabes. L’Egypte, le Qatar, l’Arabie Saoudite ou encore la Jordanie y voient «une étape essentielle vers la solution à deux Etats». Le Conseil de Coopération du Golfe, l’Organisation de la coopération islamique ont, elles aussi, salué cette décision avec ardeur.

Le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a appelé les autres pays qui hésitent encore à reconnaître l’Etat palestinien à «suivre l’exemple de ces trois pays dans leur démarche courageuse».

Pour sa part, la France, qui a toujours plaidé pour une solution à deux Etats, a considéré que le moment n’était pas le bon pour franchir le pas. «Ce n’est pas un tabou pour la France», a précisé Stéphane Séjourné dans une déclaration à l’AFP. Le chef de la diplomatie française estime toutefois que les conditions ne sont pas réunies «à ce jour pour que cette décision ait un impact réel» sur le processus visant la solution à deux Etats.

«Cette décision doit être utile, c’est-à-dire permettre une avancée décisive sur le plan politique», a-t-il argumenté, avant de souligner : «Dans cette perspective, elle doit intervenir au bon moment pour qu’il y ait un avant et un après.» «Il ne s’agit pas seulement d’une question symbolique ou d’un enjeu de positionnement politique, mais d’un outil diplomatique au service de la solution à deux Etats vivant côte à côte, en paix et en sécurité.» Israël a évidemment très mal vécu ce geste fort envers les Palestiniens et a rappelé «pour consultations» ses ambassadeurs en Irlande, en Norvège et en Espagne. Par ailleurs, Tel-Aviv a convoqué les ambassadeurs de ces trois pays en Israël pour une «conversation de réprobation» de leur position. 

 

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