La mort de Sam Cooke : Une source intarissable de légendes et de complots

05/03/2022 mis à jour: 04:19
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Sam Cook

La mort de l’inventeur de la soul music, survenue le 11 décembre 1964, fait encore aujourd’hui l’objet de nombreuses spéculations, souvent farfelues. Elle est surtout en opposition totale avec l’image de gendre idéal véhiculée par le chanteur américain.

Cette soirée est fraîche. Mais pour Sam Cooke, elle ne manque pas d’animation. Ce 11 décembre 1964, il est au Martoni’s, un bar-restaurant très chic situé dans le quartier de Hollywood à Los Angeles. Le chanteur vient d’achever une série de concerts et a les poches pleines de billets. 5.000 dollars en cash, paraît-il.

 Le producteur Al Schmitt et sa femme le rejoignent, tout sourires, et l’alcool coule vite. Peu à peu, Sam Cooke se rapproche d’une jeune femme que le couple Schmitt ne reconnaît pas. Une prostituée, peut-être. Elle s’appelle en fait Elisa Boyer et est âgée de 22 ans. Après les langoureuses embrassades, Sam Cooke explique à Al Schmitt qu’il va s’absenter quelques minutes, qu’ils n’ont qu’à se rejoindre plus tard au PJ’s, un nightclub prisé lui aussi.
Alors, les Schmitt s’y rendent, comme prévu. Mais sur place, l’attente de leur ami se fait longue et le couple décide de rentrer se coucher. Sans savoir que le chanteur a fini par se pointer, tard, trop tard pour que les videurs le laissent rentrer. À son bras, Elisa Boyer était toujours là.
 

«Où est la fille?»
 

Il est désormais 2h35 du matin. Sam Cooke et Elisa Boyer réservent une chambre à l’Hacienda Hotel, à une dizaine de kilomètres du PJ’s. C’est Cooke qui a conduit. Quelques minutes plus tard, la gérante de l’hôtel, Bertha Franklin, qui s’occupe seule de l’accueil, voit le chanteur débarquer en trombe dans son bureau. Il est débraillé, presque nu, et visiblement alcoolisé. «Où est la fille?», hurle-t-il en empoignant les bras de la femme. Bertha Franlin tente de se défendre. Elle le mord, le griffe, lui rend quelques coups… Elle parvient à attraper son pistolet, un calibre .22, et tire trois fois en direction de son agresseur. Deux balles s’enfoncent dans le mur, l’autre dans la poitrine de Sam Cooke qui s’effondre, hagard. Il parvient malgré tout à se relever, se jette de nouveau sur Bertha Franklin qui lui assène un violent coup sur la tête. De nouveau, Sam Cooke s’écroule. «Vous m’avez tiré dessus», lui lance-t-il incrédule. Ce seront ses derniers mots. Il avait 33 ans.
 

Voici donc la version officielle du meurtre de Sam Cooke. Elle n’a rien de glorieuse, est assez banale dans un pays comme les États-Unis. Elle est triste, glauque et pathétique. Elle est également en opposition totale avec la carrière brillante de celui que la communauté afro-américaine voyait alors comme un leader informel. «Au moment de sa mort, Sam Cooke est une immense star, assure Frédéric Adrian, auteur de plusieurs biographies d’icônes de la soul music dont une sur Nina Simone. Il passe à la télévision, même dans des émissions blanches, il a plusieurs chansons qui ont fait le crossover comme sa reprise en anglais de “Sous les ponts de Paris”. Il a un côté gendre idéal, petit costume, petite cravate, tout ce qu’il faut pour plaire à un large public.» Ça, c’est côté face. 
 

Mort d’un meneur
 

Côté pile, Sam Cooke mène comme une double vie. Il n’est pas le seul, très loin de là. Bien des mastodontes de la chanson sont, dans leur vie privée, en décalage par rapport à l’image qu’ils renvoient au public. Il vient du gospel, cette musique sacrée, superbe, qui cache aussi quelques vices. «Le circuit gospel était assez fauché, continue Frédéric Adrian. Les musiciens tournaient dans les églises, et comme l’argent manquait, les chanteurs devaient souvent se débrouiller pour loger chez les paroissiennes.» Avec son groupe, les Soul Stirrers, il connaît le succès durant les années 1950, puis s’envole en solo en 1956 vers, progressivement, des cimes plus R&B. 

En 1961, Sam Cooke monte son propre label, SAR Records, chose rarissime pour un chanteur noir de son temps. «Il prend possession de sa musique. Il est un modèle de réussite afro-américaine.» Cerise sur un gâteau déjà bien garni, il est considéré comme l’inventeur de la soul, notamment grâce à son album live One Night Stand, enregistré au Harlem Square Club en 1963. 

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