Le Premier ministre algérien vient d’annoncer le 17 septembre 2023 une révision du calcul du PIB sans divulguer la méthode le faisant passer de 183 milliards de dollars (source FMI) à 220 milliards de dollars fin 2022 et en incluant, selon ses propres propos, la sphère informelle 240/245 milliards de dollars donnant donc 20 à 25 milliards de dollars le montant de la sphère informelle, alors que pour la Banque d’Algérie cette dernière représente plus de 6200 milliards de dollars fin 2021 (source APS), soit 45,25 milliards de dollars, une grande différence, montrant comme cela a été souligné par le président de la République l’effritement du système d’information. L’objet de cette présente contribution est d’analyser, objectivement, la méthode du calcul du PIB et ses limites lié au système d’information
1. Pour le FML, la Banque mondiale, de l’OCDE, dont les données sont publiées officiellement, pour l’Algérie les indicateurs macro-économiques sont les suivants pour 2022 : le PIB courant de : 187 milliards de dollars pour un PIB par tête d’habitant de 41501 dollars, le PPA de 13 324, le taux de chômage de 14/15/%, incluant la sphère informelle, le taux d’inflation (moyenne 2022) : 9,7% ; un solde budgétaire de -12,3% du PIB ; une dette publique de 63% du PIB, l’encours de la dette extérieure à moyen et long terme, faible de 1,3 milliard de dollar, un taux de change de : 137 dinars un dollar et 147 dinars un euro et une situation financière relativement bonne grâce essentiellement aux cours des hydrocarbures entre 2022/2023 (85 milliards de dollars de réserves de change fin août 2023.
Contrairement aux rapports internationaux, le Premier ministre annonce une révision du calcul du PIB sans divulguer la méthode, et après réévaluation, le PIB a atteint 233 milliards de dollars en 2022, et le PIB moyen par habitant a atteint 5187 dollars pour la même année. Selon les organisations internationales, FMI, Banque mondiale, OCDE, OMC, le groupe des BRICS et afin de pouvoir faire des comparaisons objectives entre pays, il n’appartient pas à un Etat de calculer selon sa propre méthode, sans une collaboration internationale, son PIB.
Le calcul objectif du PIB doit reposer sur une information fiable. Si les données sont biaisées au niveau micro-économique, la sommation au niveau national est donc forcément biaisée ne reflétant pas la situation économique réelle d’un pays donné et dans ce cadre, la numérisation par des calculs exacts donnera une fausse appréciation (voir ouvrage du professeur Abderrahmane Mebtoul, Office des Publications Universitaires OPU, Alger, 1982, cours de doctorat - Valeur, prix et croissance économique).
Dans la majorité des pays et des institutions internationales, le calcul du PIB correspond à la somme des valeurs ajoutées (du secteur public et privé) à laquelle s’ajoute la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), mais aussi les taxes sur des produits particuliers comme les produits pétroliers, le tabac et l’alcool ou encore les produits importés (droit de douanes).
En contrepartie de ces taxes, les subventions reversées par l’État sont logiquement retranchées. Le produit intérieur brut au prix du marché vise à mesurer la richesse créée par tous les agents privés et publics au niveau national pendant une période donnée, en l’occurrence l’année représentant le résultat final de l’activité de production des unités productives résidentes. Il peut se calculer de trois façons.
Premièrement, selon l’optique de la production, en faisant la somme des valeurs ajoutées de toutes les activités de production de biens et de services et en y ajoutant les impôts moins les subventions sur les produits.
Deuxièmement selon l’optique des dépenses, en faisant la somme de toutes les dépenses finales (consacrées à la consommation ou à l’accroissement de la richesse) en y ajoutant les exportations moins les importations de biens et services. Troisièmement selon l’optique du revenu, en faisant la somme de tous les revenus obtenus dans le processus de production de biens et de services (revenus salariaux, excédent brut d’exploitation et revenu mixte) et en y ajoutant les impôts sur la production et les importations moins les subventions.
2. Pour une appréciation objective, le calcul du PIB doit tenir compte de trois facteurs.
Premièrement, le PIB global ne tient pas compte des inégalités. On peut avoir un PIB moyen qui augmente alors que les revenus pour une majorité de la population.
T. Piketty et E. Saez ayant mené une étude aux Etats-Unis démontrent que la moitié de la croissance américaine est due aux individus les plus riches, et Xavier Timbeau estime que cette correction des inégalités donnerait une mesure beaucoup plus juste de l’activité économique. Ainsi, la comparaison des niveaux de PIB permet de donner que des éléments quantitatifs qui ne sont pas toujours pertinents pour analyser des niveaux de bien-être et ne permet pas de comparer des niveaux de satisfaction, puisque la notion de niveau de satisfaction reste subjective et diffère selon les pays, les cultures ou encore les régions.
Le PIB ignore ce qui est qualitatif, comme le bien-être, les loisirs, la sécurité, le niveau d’éducation, de santé et les libertés au sens large, qui contribuent au développement économique et social d’une Nation L’IDH l’indice du développement humain du PNUD qui intègre trois facteurs : l’espérance de vie à la naissance, car elle est significative des conditions de vie à venir des individus (alimentation, logement, eau potable…) et de leur accès à la médecine ; le niveau d’éducation, qui détermine l’autonomie tant professionnelle que sociale de l’individu et le revenu national brut par habitant, révélateur du niveau de vie des individus et ainsi de leur accès à la culture, aux biens et services, aux transports, me semble plus approprié.
Car le PIB ignore ce qui est qualitatif, comme le bien-être, les loisirs, la sécurité, , le niveau d’éducation, de santé et les libertés au sens large, qui contribuent au développement économique et social d’une Nation.
Deuxièmement, le calcul du PIB utilise uniquement les prix du marché renvoyant au débat entre les économistes, les néo-classiques, les néo-keynésiens et les marxistes sur la valeur, qui en fait pas consensus et surtout ne disposant pas de prix de marché pour le secteur non marchand et le calcul au niveau des organisations internationales se faisant se fait à partir des coûts de production.
Pour le secteur marchand, les prix résultent de la manipulation, d’un rapport de force ou d’un monopole, les prix du marché étant donc biaisés, notamment à cause d’un phénomène de «rentes». Aussi, le PIB ne prend pas en compte le travail non énuméré que l’on fait pour soi-même (travail domestique dominant en Afrique), le bénévolat et le travail en noir. Troisièmement, le PIB ne prend pas en compte les effets environnementaux.
Certaines activités économiques créent des dommages non intégrés dans le calcul du PIB. dont les émissions de carbone qui ont un coût pour les générations futures, modifiant l’équilibre climatique dégradant l’environnement supporté par les générations futures, posant la question de l’arbitrage entre les urgences présentes et les inquiétudes futures.
Quatrièmement, au niveau international, le PIB est évalué en monnaie locale puis converti en dollar. Or, toute dévaluation de la monnaie locale convertie en dollar lui-même fluctuant fait baisser le PIB en dollars courants le PIB, la réévaluation ayant un effet contraire, ce qui rend les comparaisons dans le temps hasardeuses.
Aussi, afin de corriger les effets de l’inflation, et de l’économie informelle, on calcule le PIB en parité de pouvoir d’achat PPA. En conclusion, Morgenstern, le fondateur de la recherche opérationnelle, a mis en garde contre la manipulation des statistiques et a écrit à la fin de sa vie l’ouvrage fondamental «Comment mentir grade aux statistiques»