Une semaine à peine après avoir fait exploser des milliers de téléavertisseurs et les talkies-walkies piégés, tuant des centaines de cadres et militants du Hezbollah à Beyrouth, la capitale libanaise, Israël exécute Hassan Nasrallah, le plus protégé et le plus discret des chefs du mouvement de la résistance libanaise, en larguant sur l’immeuble, où il prenait part à une réunion avec plusieurs de ses cadres, 85 bombes anti-bunker, qui pénètrent 30 m sous terre et 6 m dans le béton avant d’exploser, ne laissant aucune chance de survie aux cibles.
Au-delà du nombre de victimes et de l’ampleur des dégâts engendrés, l’opération met le Hezbollah face à un énorme défi : colmater les brèches provoquées par une infiltration de ses rangs par Israël, qui a permis de localiser et bombarder ses sites stratégiques, de piéger ses communications et d’assassiner ses leaders à n’importe quel moment et n’importe où, y compris dans son quartier général. Une journée avant cet assassinat, Reuters, citant des sources israéliennes qu’elle n’a pas nommées, a qualifié les «renseignements» obtenus par Israël sur le Hezbollah et son chef de «brillants».
Pourtant, depuis la guerre de 2006, Nasrallah a réduit considérablement ses apparitions publiques, limité ses déplacements et restreint son entourage direct. Cela ne l’a pas empêché d’être localisé deux heures avant que l’ordre de son assassinat ne soit donné par le Premier ministre, Benyamin Netanyahu, à partir de New York, où il venait de terminer un discours devant l’Assemblée général de l’Onu, dans une salle désertée par la majorité des représentants des Etats membres. Lors de sa conférence de presse samedi dernier, le porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari, a déclaré : «L’opération était complexe et planifié depuis longtemps (…) la cible a été atteinte en quelques secondes.»
Et de préciser : «Nous avions connaissance en temps réel de la réunion de Nasrallah avec les autres dirigeants pour planifier des attaques contre Israël.» Depuis le début de l’année en cours, «huit des neuf principaux commandants militaires du Hezbollah, principalement des forces d’élite» ont été tués «durant ces dernières semaines», a révélé le porte-parole.
Cette attaque a été précédée par de nombreux raids aériens israéliens, ciblant les sites de stockage d’armes, de drones et de missiles du mouvement chiite, dans son propre fief, à la vallée de la Bekaa, non loin de la frontière israélo-libanaise. Pour Netanyahu, cette série d’opérations ciblées a permis la décapitation du mouvement de résistance libanais, promettant de poursuivre sa bataille contre Israël.
Zone tampon ?
Si le Premier ministre israélien estime que l’élimination de Nasrallah constitue «un tournant historique», qui pourrait «changer l’équilibre des forces» dans la région, l’Iran, principal soutien financier et militaire du Hezbollah, promet «vengeance».
Une promesse déjà exprimée après l’assassinat, le 31 juillet dernier, à Téhéran, du premier dirigeant du Hamas palestinien, Ismaïl Haniyeh, par une frappe aérienne israélienne, sous le nez des mollahs, précédé 24 heures plus tôt par l’exécution de Fouad Choukr, un des responsables du Hezbollah à Beyrouth, par un raid aérien. Depuis, rien n’a été fait, à l’exception de ces salves de missiles sur Israël, annoncées à l’avance et suivies à travers le monde entier. Trahi par les siens, ravagé par les attaques israéliennes des dernières semaines, le Hezbollah est mis devant un défi important : celui d’identifier les espions et d’en nettoyer ses rangs et ses soutiens.
Si Israël a pu atteindre son chef, c’est qu’il a réussi à noyauter le cercle le plus proche de sa direction ou à recruter des «informateurs» parmi les plus hauts responsables du Liban, un pays transformé depuis longtemps en un nid d’espions travaillant pour le compte de nombreux services de renseignement, particulièrement ceux des Etats-Unis et de l’Etat hébreu.
Ainsi après avoir asséné des coups durs au Hamas à Ghaza et affaibli le Hezbollah au pays du Cèdre, Netanyahu, avec l’appui de Washington, se prépare à lancer sa grande offensive terrestre pour réoccuper le sud du Liban, pour en faire une zone tampon, à quelques jours seulement du 7 octobre, date à laquelle le Hamas et de nombreux autres groupes de résistance palestinienne ont mené l’opération «Le déluge d’Al Qods».
Si le Hamas et le Hezbollah ont subi de sévères contrecoups et perdu certaines batailles, ils n’ont cependant pas encore perdu la guerre. Les deux mouvements de résistance contre l’occupation israélienne, malgré l’affaiblissement de leurs ressources peuvent encore faire mal à l’entité sioniste et son allié américain, quoique ces derniers détiennent des moyens techniques sophistiqués. Aussi bien le successeur de Haniyeh que celui de Nasrallah se comptent parmi les combattants les plus opposés à Israël et les plus favorables à la poursuite de la guerre jusqu’à la fin de l’occupation.
De nombreux spécialistes du Moyen-Orient ont mis en garde contre une escalade qui pourrait atteindre d’autres pays de la région, comme la Syrie, l’Irak, la Jordanie et probablement l’Egypte. Les prochains jours seront déterminants pour la résistance palestinienne, l’avenir de la Palestine et celui de toute la région.