La lutte contre la désertification et la sécheresse : Quelles stratégies de prévention et voies efficaces pour éradiquer la désertification ?

30/06/2024 mis à jour: 03:04
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Dans cette contribution majeure, j’essaye de rappeler que l’Algérie abrite des milieux naturels qui expliquent en grande partie la richesse de la biodiversité dont la flore et la végétation en soulignant l’importance de la préservation de la biodiversité et à la redynamisation des écosystèmes.

Il est important d’évoquer en quelques mots que la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (LCD), publiée en 1994, définit la désertification comme « la dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et sub-humides sèches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines.

Il est bon de savoir que l’agriculture émet trois gaz à effet de serre, le premier, du gaz carbonique par la déforestation, le labour du sol et la mécanisation ; le second, du méthane émis surtout par la digestion des ruminants, et le troisième, le protoxyde d’azote, émis par les engrais de synthèse.

Que le méthane et le protoxyde d’azote sont des gaz au pouvoir réchauffant nettement plus puissants que le CO2.
Les conséquences de ces émissions sur le climat sont l’augmentation des températures, les inondations, les canicules, les irrégularités de la pluviométrie, les variations de début et de fin de saison, la diminution des ressources en eau, la stimulation de pandémies, la recrudescence de certaines maladies infectieuses ou parasitaires comme celles transmises par le moustique tigre. 

La désertification a des conséquences importantes sur les ressources en eau, les sols, la biodiversité, les systèmes de production agricoles, et par conséquent sur les hommes qui vivent des services rendus par les agroécosystèmes. Le bien-être des populations humaines dépend de la santé des écosystèmes et de la qualité des services naturels qui en résultent.
 

Les principales causes de la désertification

Nul ne peut ignorer que les causes qui sont à l’origine de la désertification sont les causes naturelles et les causes humaines ou anthropiques.
 

Les principaux facteurs naturels qui contribuent à la désertification sont les suivants :
 

  • La faiblesse des précipitations freine la régénération du couvert végétal.
    La sécheresse qui tue la végétation et expose les sols à l’érosion avec une grande perte des moyens d’existence des agriculteurs ou éleveurs.
  • La conversion des terres de parcours en terres de cultures accélère la dégradation des sols.
     
  • L’érosion des sols par le vent et l’eau peut entraîner la perte de la couche arable, essentielle à la croissance des plantes, et peut entraîner une dégradation des sols.
     
  • Les changements de température peuvent entraîner une diminution des précipitations.
     
  • Les tempêtes de sable ou poussière causées par l’érosion éolienne induisant plusieurs problèmes.
     
  • Les activités humaines, principales causes de la désertification se résument par :
     
  • Les mauvaises pratiques agricoles, telles que l’utilisation excessive des engrais chimiques et pesticides, la monoculture, la non planification des cultures ou rotation.
     
  • La déforestation contribue fortement à l’érosion de la biodiversité, au dérèglement du cycle de l’eau, au réchauffement climatique et à la fragilisation des populations locales qui dépendent des écosystèmes forestiers pour subvenir à leurs besoins.
     
  • Les surpâturages et les coupes abusives du couvert végétal sont à l’origine de la disparition de la végétation et provoquent une érosion des sols avec une désertification permanente. Ce qui a de graves conséquences non seulement pour la faune et la flore, mais aussi pour la durabilité humaine et environnementale.
     
  • La croissance démographique galopante et sa non maîtrise peut amplifier les pénuries alimentaires, la pauvreté, et accroître la demande d’eau. 
    Les incendies sont en grande majorité d’origine humaine et peuvent être des causes importantes de désertification. Ils sont à la fois une cause et une conséquence du réchauffement climatique.
     
  • La conversion des terres agricoles et celle de la couverture naturelle des terres, comme les forêts ou les prairies, à d’autres usages, pour l’urbanisation ou autres au détriment des espaces ruraux.
     

Les conséquences de la désertification et de la sécheresse

En plus du cadre environnemental, la désertification impacte aussi le domaine socio-économique.
Nous pouvons citer les risques économiques, l’augmentation de la pauvreté, l’accroissement des migrations, les troubles sociaux, l’insécurité, la famine, l’apparition de maladies, la perte de la productivité et de la fertilité des sols, et de la biodiversité, les émissions de gaz à effet de serre.
 

Avec la désertification, nous pouvons connaître une baisse de rendements dus à la dégradation des sols et peut mettre la sécurité alimentaire en péril.

Quelles sont les voies à court terme à mettre en place pour lutter contre la désertification, la dégradation des terres et les changements climatiques ?   
 

L’agroforesterie qui est une voie prometteuse pour lutter contre la désertification et le réchauffement climatique. C’est un mode d’occupation du sol et un ensemble des techniques d’aménagement des terres impliquant la combinaison d’arbres à usages multiples soit avec les cultures, soit avec l’élevage, soit avec les deux, dans le respect des traditions locales.

L’agro- écologie qui est une alternative de conservation et de restauration de la fertilité des sols appelée « semis direct sur couvert végétal ou SCV », permet de stopper l’érosion, d’améliorer la capacité d’absorption de l’eau, d’atténuer le compactage du sol, de stabiliser les rendements agricoles et d’améliorer la productivité des cultures et de stocker le carbone.

La gestion de l’eau par exemple par la construction d’ouvrages comme les retenues collinaires pour aider à stocker l’eau et l’utiliser dans l’irrigation d’appoint pendant les périodes sèches des stades sensibles des cultures.
L’agriculture régénératrice ou amélioration et la protection de la fertilité des sols par l’encouragement de l’utilisation de la fumure organique et du compost.

Le reboisement et la plantation des arbres forestiers et fruitiers adaptés, des essences et variétés anciennes et locales. La protection contre le vent et le vent de sable à un lien avec les performances des périmètres irrigués.
Le changement des pratiques agricoles s’explique par l’agriculture de conservation en arrêtant les labours et en assurant une couverture végétale toute l’année qui améliorent la fertilité du sol et l’augmentation des rendements et de la production agricole.

Le biochar est une solution alternative qui est reconnu pour ses vertus sur la productivité des sols et des cultures, l’économie d’eau, la production et la santé animale, la santé et l’environnement, la filtration, la purification, le traitement de l’eau, et la lutte contre le dérèglement climatique et la réduction des émissions de gaz à effets de serre.
 

La génomique et les ressources génétiques sont aussi un moyen utile pour lutter et s’adapter au réchauffement climatique avec le développement de variétés de cultures tolérantes à la sècheresse y compris la production animale.
L’agropole qui est un pôle de développement économique axé sur l’industrie agroalimentaire autour de l’agriculture, la transformation alimentaire et la distribution. Il joue un rôle important dans la stratégie nationale de sécurité alimentaire par l’accroissement de la productivité des filières agro-industrielles prioritaires et ciblées et le développement des chaines de valeurs.

La promotion des énergies vertes (solaire, éolienne, biogaz, biomasse) apportera une contribution importante à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et donc à la lutte contre le changement climatique.
L’implication des populations, l’information, la sensibilisation à mener dans la durée, et l’éducation à la protection de l’environnement et du développement durable qui débute en milieu scolaire.
 

Description des moyens de lutte traditionnelles

Les oasiens des régions sahariennes luttent depuis toujours contre le vent et les tempêtes de sable qui ont tendance à envahir leurs jardins et culture.

L’exemple de la lutte dans l’Oued Souf, une région de palmeraies d’erg avec de véritables essaims de palmiers noyés au moins en partie dans l’erg oriental. Des haies de protection ou barrières circulaires de sable sont installées avant la confection du Ghott et la plantation avec les djerids ou palmes sèches et une herbe sèche rigide appelée le drinn.

Les moyens utilisés consistent à utiliser la force du vent, non seulement pour éviter l’ensablement, mais aussi pour dégager le sable des jardins ou ghotts. L’oasien ne cherche pas à arrêter le vent, mais il le domestique, se servant de sa force et des matériaux transportés au niveau du sol, pour ériger des haies naturelles de protection.
L’oasien entretien soigneusement les petites haies protectrices et les change de place lorsque, avec les saisons, le vent change de sens.

En résumé, on peut dire que la lutte contre le vent et le vent de sable du Souf consiste à garantir les cultures en se servant du sable lui-même pour élever un mur de protection et à se servir du vent pour déblayer la plantation.

De l’enjeu de cette lutte, dépend la vie des palmiers dattiers et des oasiens de la région.
L’exemple des palmeraies de l’Oued Rhir établies sur des plaines souvent en bordure des chotts sont protégées contre le vent et le vent de sable par des murs en terre surmonté avec des haies en djerids ou palmes séches.

Des tabias sont faites dans les oasis du Sahara septentrional et qui consistent, à la confection d’une simple armature de djérids avec un remplissage de végétaux quelconques ou de broussailles ou en fibrociment en Tunisie.
L’amélioration de la protection avec l’irrigation est possible en installant sur la zone périphérique en plus ou tout simplement à la place des tabias, des bandes de plantations de brise-vent avec des arbres adaptés qui résistent au manque d’eau et qui peuvent attendre 5 à 6 m en 4 ans.


Il y a des moyens de lutte techniques connus et utilisés dans différents pays du monde pour lutter contre le vent, la fixation des sables mobiles et leur envahissement.

L’exemple de la fixation des dunes en Tunisie, Lybie, de la phyto-amélioration des sables mobiles et la technique de bandes boisées en U.R.S.S, dans le désert du Rajashanen Inde, au Sénégal, au Niger, à Madagascar, les dunes littorales en France,..
 

La flore saharienne utile pour lutter contre le vent et le vent de sable

La végétation spontanée ou cultivée joue un rôle fort important dans la lutte contre le vent et l’ensablement. Il est nécessaire d’approfondir des études et recherches sur la flore spontanée, le changement de la vie végétale et du paysage lorsque les conditions climatiques sont modifiées, soit naturellement, soit artificiellement.
 

Il y a une nomenclature des plantes sahariennes utiles pour la fixation du sable dans le Sahara septentrional dont plusieurs espèces de tamarix Gallica ou Tharfa, le Tamarix Articulata ou Ethel, de jujubier (ou SEDR), le Retama Retan ou (Rtem en arabe), l’Aristida pungens (en arabe le Drinn), l’Atriplex,  l’Imperata Cylindrica ( en arbe Dis), l’Ephreda Alata ( en arabe Alenda) le Gymnocarpus Fructuosus, le Parkinsonia acculeata, , le Cornulaca en (arabe Had),  le peuplier d’Euphrate, le Salsola, le Deverra scoparia ( en arabe  Guzzah) , le Calligonum Comosum ( en arabe Arta), Calligonum Azel ( en arabe Azel), l’Euphorbe, la Canne d’Egypte, de provence, le pistacia atlantica (en arabe Batoum) un arbre qui peut atteindre 10 m, le Sesbania Egyptaca, …
 

Ce sont des arbustes, des arbrisseaux, des graminées, des plantes buissonnantes, des plantes herbacées.
Les meilleurs résultats ont été obtenus avec les espèces de la flore spontanée ou subspontanée, des plantes spécifiquement sahariennes aussi bien se développant spontanément que multipliées par l’homme, la réussite est certaine. Cela ne veut pas dire qu’il faille s’abstenir d’introduire des espèces nouvelles.

Elles ont une capacité à s’adapter aux changements climatiques et aux conditions physiques et biotiques ou résilience.
Une biodiversité qui présente un taux d’extinction important et une perte du patrimoine génétique.

Nous savons que les écosystèmes procurent de nombreux bénéfices à l’homme (nourriture, eau, ressources génétiques, etc.). Ces services, dits « écosystémique », sont dégradés n, et à long terme, leur pérennité est menacée.
 

L’expérience Algérienne du Barrage vert, un programme de développement intégré, qui a cependant permis d’améliorer le taux de couverture forestière et d’assurer une occupation de l’espace et une exploitation des sols. Grâce à la protection et la production des plantes ligneuses et fourragères, il a limité l’exode rural et parfois même créés des nouveaux emplois ; mais surtout, il a permis l’accumulation d’expériences dans le domaine de la lutte contre la désertification, la sécheresse et celui du développement intégré, qui pourraient être maintenant partagés avec d’autres pays, malgré la diversité des conditions écologiques et socio-économiques.


Le projet de la Grande Muraille Verte, un projet novateur et ambitieux qui doit traverser 11 pays d’Afrique d’Ouest en Est, du Sénégal jusqu’à Djibouti sur 7500 km pour lutter contre la désertification et, dont les principaux objectifs se résument à rester 100 millions d’hectares de terre, de disposer de 250 millions de tonnes de crédits carbone et de créer 10 millions d’emplois dans les zones rurales. Un projet lancé en 2007qui semble avoir du mal à progresser, à 6 ans de la fin des délais prévus.
 

Conclusion

Pour mieux protéger la biodiversité, valorisons les espaces naturels, la ressource bois, leur gestion, leur résilience et leur dynamique et anticipons les risques climatiques.

Les systèmes de production devraient être diversifiées de sorte que, s’il y a un problème de sécheresse, il y aura toujours des activités qui pourront continuer d’assurer la subsistance des populations touchées jusqu’à la fin de cette calamité.La désertification a un impact écologique et économique et elle représente un défi pour la recherche. 

Avec les savoirs de différents acteurs (les associations, les agriculteurs, la société civile, …) concernés, les chercheurs s’attachent à comprendre la désertification et travaillent sur des solutions permettant de mettre un frein à la dégradation des terres et de réhabiliter les terres dégradées. Entre les savoir-faire locaux et les savoirs scientifiques.

 

Dr Mohamed Bouchentouf

Ingénieur-Docteur en Agronomie
Docteur en Environnement et Développement Durable

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