La lèpre : Une maladie loin d’être éradiquée, mais toujours négligée

29/01/2023 mis à jour: 00:09
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Malgré les traitements existants, la lèpre continue de contaminer des milliers de personnes chaque année. Face à cette maladie touchant essentiellement les pays pauvres, la recherche se poursuit, mais les laboratoires sont peu nombreux à lui consacrer des fonds.

Mathias Duck, un aumônier paraguayen de 44 ans, connaissait déjà la lèpre, pour avoir travaillé dans un hôpital dédié aux malades. Malgré tout, lorsqu’il a lui-même été diagnostiqué en 2010, il lui a fallu «trois ans pour pouvoir en parler librement», dit-il à l’AFP.

Pathologie souvent jugée honteuse, la lèpre a le triste privilège de faire partie des 20 maladies tropicales considérées comme négligées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Causée par le bacille Mycobacterium leprae, cette affection transmissible s’attaque à la peau et aux nerfs périphériques, avec des séquelles potentiellement très graves. En 2022, un peu plus de 216 000 cas de lèpre ont été détectés à travers le monde, notamment au Brésil et en Inde, selon l’OMS.

La lèpre reste même «un problème majeur» dans 14 pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Des chiffres qui pourraient n’être que la partie émergée de l’iceberg, selon le docteur Bertrand Cauchoix, spécialiste de la maladie à la Fondation Raoul Follereau, en France : «Nous connaissons le nombre des malades dépistés, mais on ne compte pas les malades oubliés, non dépistés», qui pourraient être beaucoup plus nombreux, explique-t-il. Car la lèpre, favorisée par la promiscuité et des conditions de vie précaires, a une particularité: un temps d’incubation très long, de quelques années jusqu’à 20 ans. Auquel s’ajoute un délai de diagnostic, durant lequel le malade peut continuer de contaminer des proches. Depuis des décennies, un traitement médical existe, à base de trois antibiotiques. Pour Mathias Duck, six mois de traitement ont suffi : «J’ai été très chanceux, car j’ai été diagnostiqué et traité à temps, sans aucune infirmité.» Mais le traitement peut être plus long, jusqu’à douze mois, le rendant ainsi difficile à suivre dans les pays dépourvus de système de santé. «Il faut des infrastructures avec des soignants pour dispenser les médicaments, cela demande des moyens», rappelle Alexandra Aubry, professeure de biologie et spécialiste de la lèpre, au Centre d’immunologie et des maladies infectieuses (Cimi) à Paris.

«Pas d’argent sur la lèpre»

En outre, les antibiotiques existants sont donnés par la fondation du laboratoire suisse Novartis - qui les produit - via l’OMS. Bertrand Cauchoix pointe donc du doigt «un risque de tensions très grandes» en cas de problèmes sur la chaîne de fabrication de ces antibiotiques. Plus globalement, les laboratoires pharmaceutiques ne se bousculent pas pour produire de nouvelles molécules qui seraient plus facilement administrées. «Il n’y a pas d’argent sur la lèpre, uniquement des dons caritatifs», déplore ainsi le docteur Cauchois. En effet, la maladie est désormais quasi absente des pays occidentaux, et cantonnée à un nombre restreint de malades, dans des pays peu susceptibles de payer de nouveaux médicaments au prix fort. Dans son laboratoire de recherche à Paris - l’un des rares au monde capable de mener des essais sur cette bactérie, qui ne survit pas dans des boîtes de Petri - Alexandra Aubry évalue l’efficacité de chaque nouvel antibiotique arrivant sur le marché pour soigner d’autres affections. «On essaie d’identifier des associations d’antibiotiques», explique-t-elle. «On tente toutes les pistes possibles de simplification pour avoir des traitements plus courts, par exemple une fois par mois durant six mois.» Il existe aussi des projets de vaccins, d’autant plus rares que là aussi les fonds sont absents, dans une maladie dont le déclenchement est à retardement. «Il est très complexe d’avoir des financements pour cela. Pour évaluer l’efficacité d’un vaccin, il faut suivre la population vaccinée durant 10 à 15 ans», rappelle la professeure Aubry. «Si l’on compare avec ce qui est arrivé pour le Covid, c’est vraiment juste une goutte d’eau dans l’océan», renchérit Mathias Duck, qui réclame à la fois plus de recherche, et plus de volonté politique à travers le monde pour éliminer la maladie.

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