Au moins 100 000 Palestiniens sont encore bloqués dans les régions de Jabaliya, Beit Lahia et Beit Hanoun, au nord de Ghaza, privés de nourriture, d’eau, de soins médicaux et d’électricité en raison d’un blocus imposé par l’armée sioniste depuis le 6 octobre dernier, soit plus de trois semaines, durant lesquelles, des bombardements aériens et terrestres ont tué plus d’un milliers de Palestiniens et dévasté de nombreuses habitations et infrastructures de base.
Pendant ce temps, les forces d’occupation poursuivaient leur offensive militaire contre le centre et le sud de l’enclave, dont le bilan est de 43 020 personnes tuées et 101 110 autres blessées depuis le 7 octobre 2023. Dans une déclaration aux médias, le ministère de la Santé à Ghaza a affirmé hier qu’il «ne restait qu’un seul membre du personnel médical sur environ 70», un pédiatre, à l’hôpital Kamal Adwan, après qu’Israël ait tué, détenu et forcé au déplacement de nombreux autres.
Hier, alors que la radio militaire israélienne annonçait l’arrestation de 600 personnes dans le cadre de son opération contre l’hôpital Kamal Adwan, avant qu’elle ne se retire de l’établissement, ne laissant derrière elle que morts, dévastation et désolation, dans un message vidéo poignant, le Dr Houssam Abou Safia, directeur de cet hôpital qui abritait près de 600 personnes, dont 150 malades, 200 déplacés ayant fuit les bombardements et plus d’une centaine de membres du personnel, n’a pu retenir ses larmes. «Nous avons tout perdu à l’hôpital, même nos enfants. Tout ce que nous avions réalisé a été brûlé, ils ont brûlé nos cœurs, ils ont brûlé l’hôpital et tué mon fils parce que nous assumons une mission humanitaire. Nos enfants se sont fait tués. J’ai enterré mon fils à l’intérieur des murs de l’hôpital. Ils nous ont punis en tuant nos enfants sous nos yeux, pour les enterrer de nos mains», a déclaré Abou Safia, après avoir vécu l’enfer, sous les bombardements, l’assaut des soldats israéliens, à l’hôpital, durant plusieurs jours, privé d’eau, de nourriture, de médicaments et l’électricité. Hier, l’armée d’occupation a annoncé avoir retiré deux divisions et laissé une seule aux alentours de l’hôpital, qui a subi d’énormes dommages et la destruction de ses équipements. Après l’annonce de la radio militaire, l’armée sioniste a rendu public un communiqué dans lequel elle a affirmé avoir arrêté «environ 100» Palestiniens qu’elle a présentés comme «des terroristes». Déclaration démentie par les membres de l’équipe médicale assiégés par les soldats durant plusieurs jours, qui affirment que plusieurs dizaines de leurs collègues avaient été emmenés vers une destination inconnue.
Le Dr Houssam Abou Safia a déclaré que la plupart des chirurgiens avaient été arrêtés par l’armée sioniste. Conséquence, les opérations chirurgicales ne pouvaient être effectuées. Le même scénario a été vécu par le personnel médical et les malades à l’hôpital indonésien Al Awda, qui a fait l’objet de tirs d’obus alors que son personnel et ses malades ont été privés d’eau, de nourriture, de médicaments et d’électricité, qui sert à faire fonctionner la centrale de production d’oxygène, vitale pour l’hôpital.
Décidées à vider le Nord de sa population, les forces d’occupation ont multiplié les ordres de déplacement pour pousser les habitants à quitter leurs maisons. Des milliers ont fini, sous la menace des bombes et des armes, par prendre les chemins incertains et sans garanties de retour et des dizaines de milliers d’autres ont préféré braver la mort et les terribles conditions de vie que d’abandonner leurs terres.
Le camp de Nuseirat ciblé
Hier, l’armée sioniste a poursuivi ses bombardements aériens au nord, en particulier contre le camp de réfugiés et dans la ville de Beit Lahia, en faisant exploser des dizaines de maisons, et maintenu le blocus sur le ravitaillement, l’eau, les médicaments et le carburant, alors que des frappes ont été menées au centre et au sud de l’enclave. Les raids ont ciblé le camp de Nuseirat, au centre, tuant un Palestinien et blessant plusieurs autres, un rassemblement de citoyens dans le quartier de Shujaiya, à l’est de la ville de Ghaza, le camp de réfugiés de Bureij, dans le centre, et les environs de la clinique Al Zaytoun, au sud-est de la ville de Ghaza. Selon le ministère de la Santé à Ghaza, entre samedi et hier matin, 96 Palestiniens ont été tués dans des raids et bombardements de l’artillerie lourde, et 277 autres ont été blessés, alors qu’en trois semaines seulement plus d’un millier de personnes, majoritairement des femmes et des enfants, ont été tuées au Nord, notamment à Jabaliya, Beit Lahia et Beit Hanoun. En fin d’après-midi, le bilan faisait état de 32 personnes tuées à Ghaza, dont 15 au nord de l’enclave.
Pour sa part Euro-Med Monitors pour les droits de l’homme a affirmé que depuis le début du mois en cours, soit moins d’un mois, l’armée d’occupation a ciblé 39 fois les centres de refuge, tuant 188 Palestiniens et causant des blessures à des centaines d’autres. L’ONG a indiqué par ailleurs que les hôpitaux, les centres de soins et les écoles, que la population prend comme refuge lors des bombardements ou après le bombardement de bâtiments résidentiels, ont été la cible de 64 offensives depuis le mois d'août dernier, dont 69 au mois d’octobre, au cours desquelles 672 Palestiniens ont été tués et plus d’un millier ont été blessés. Parmi ces attaques, 57 ont eu lieu au nord de Ghaza et 8 au centre.
Israël justifie toujours ses attaques contre les civils
Dans une déclaration, le chef de la Politique extérieure de l’Union européenne a déclaré que «90% de la population de Ghaza vivent dans des conditions catastrophiques et souffrent de la famine», avant d’exprimer son refus de «toute déportation des Palestiniens de Ghaza et de Cisjordanie de leurs terres». Pour lui, «Israël justifie toujours ses attaques contre les civils par la présence des combattants parmi eux. Il est impossible de refaire la composante du Moyen-Orient sur la base de la violence et le sang». Il a exigé «un cessez-le-feu, la libération des otages et la fin de l’impunité», avant de souligner que l’Union européenne «n’accorde aucun soutien militaire à Israël» et que les deux ministres israéliens extrémistes Smotrich et Ben Gvir «continuent de lancer des messages de haine à l’égard des Palestiniens». Pendant ce temps, à Tel-Aviv, les membres de la Knesset s'apprêtaient à voter deux projets de loi qui interdisent à l’Unrwa, l’Agence onusienne pour les réfugiés palestiniens, de porter aide et assistance à ces derniers en Israël et dans les Territoires palestiniens qu’il occupe.
Prévue la matinée, l’adoption de ces textes, ayant suscité condamnation par de nombreux Etats occidentaux, y compris parmi les alliés de l’Etat hébreu, comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Canada, la France, et les USA, a eu lieu à la fin de la journée (durant la nuit). Accusée par Israël de soutenir «les terroristes», l’Unrwa est devenue le témoin gênant du génocide qui empêche Israël d’enlever le statut de réfugiés aux Palestiniens chassés de leurs terres et abolissant ainsi leur droit au retour. «Si ce projet de loi est adopté et mis en œuvre, ce sera un désastre», a déclaré Juliette Touma, directrice de la communication de l’Agence. «L’Unrwa est la plus grande organisation humanitaire à Ghaza… Qui peut faire son travail ?» a-t-elle ajouté. L’un des projets de loi vise à interdire à l’Unrwa d’opérer sur le territoire israélien, stipulant que l’Agence «ne doit établir aucune représentation, fournir aucun service, ni mener aucune activité sur le territoire israélien». Cela conduira à la fermeture du siège de l’Unrwa à Al Qods (Jérusalem-Est) et la suppression des visas pour le personnel de l’Agence.
Ces textes ont été présentés par des députés du parti conservateur extrémiste Likoud, du Premier ministre, qui a déjà une majorité multipartite de près d’une centaine de députés sur les 120 qui composent la Knesset.
Dans une lettre publiée par le journal britannique The Guardian, Hamish Falconer, ministre du Royaume-Uni pour le Moyen-Orient, a écrit qu’«une telle décision, à un moment où la crise humanitaire à Ghaza est catastrophique et s'aggrave, ne serait ni dans l'intérêt d'Israël ni réaliste».
Revenant de la frontière entre l’Egypte et Ghaza, selon le journal, Falconer a déclaré : «J’ai vu de mes propres yeux des milliers de camions attendant de traverser la frontière (...). Certains étaient là depuis des mois. Il y avait des entrepôts remplis d’articles de première nécessité – du matériel médical, des sacs de couchage et des bâches pour l’hiver. Les convois humanitaires ont été attaqués à plusieurs reprises et le niveau d’aide qui y parvient est bien trop faible.»
Falconer a exprimé ses appréhensions quant aux justificatifs de l’Etat hébreu à propos de sa politique. «Le Hamas est une organisation terroriste brutale, elle se cache derrière les civils de Ghaza, mais toutes les parties doivent faire tout leur possible pour protéger les civils et respecter pleinement le droit international humanitaire (…). Israël doit protéger les civils, même si cela implique de faire des choix difficiles. Trop souvent, dans la traque du Hamas, nous avons vu des civils en payer le prix. Le gouvernement israélien doit prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter les victimes civiles et pour garantir que l’aide puisse circuler librement vers Ghaza et par tous les moyens humanitaires terrestres», a écrit le ministre, précisant que «tant que les violences des colons ne seront pas prises en compte, le gouvernement envisagera de prendre d’autres mesures».
Sa lettre intervenait alors que sept pays occidentaux, dont le Royaume-Uni, la France, les USA et l’Allemagne, ont signé une déclaration commune, dans laquelle ils appellent Israël à revenir sur l’adoption des deux projets de loi, en estimant qu’il «est crucial que l’Unrwa et les autres organisations de l’ONU soient pleinement en mesure de fournir une aide humanitaire et leur assistance à ceux qui en ont le plus besoin, en remplissant efficacement leur mandat».
Il est à souligner, par ailleurs, que la Knesset devra aussi adopter deux autres projets de loi, l’un pour interdire aux familles des détenus palestiniens de rendre visite à ces derniers dans les prisons, dans le cas où ils auraient pris part à l’attaque du 7 octobre, et l’autre pour enlever la citoyenneté et exclure du territoire les Palestiniens soupçonnés d’avoir été mis au courant par leurs proches des attaques du 7 octobre 2023.