La forêt est-elle perdue d’avance ?

11/09/2022 mis à jour: 02:09
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Les connaisseurs de la forêt algérienne, universitaires, forestiers, experts, naturalistes, économistes et sociologues sont unanimes pour affirmer que la forêt algérienne est condamnée à disparaître ou, au mieux, être réduite à quelques lambeaux. 

Les conditions minimales pour le sauvetage de ce qui reste et la restauration de ce qui peut l’être n’étant pas réunies et ne pouvant l’être avant plusieurs décennies. Avant tout, levons des équivoques entretenues par les pouvoirs publics pour tronquer la réalité. Les 4,1 millions d’hectares de forêt dont on parle le plus souvent correspondent en vérité à la superficie du Domaine forestier national (DNF) qui ne renferme en réalité que 1,3 million d’ha de forêt proprement dite, c’est-à-dire une population d’arbres dense et en bonne santé. Le reste du DNF est formé de 1,8 million d’ha de maquis, autrement dit de la forêt dégradée irréversiblement, et 3000 ha de pelouses et sols nus dits à «vocation forestière». Avec cela, on compte près d’un million d’ha de reboisement. 

, comme le contestent des spécialistes en citant le cas du Barrage vert, «qu’on nous montre un seul reboisement qui a été une réussite». Tous ces chiffres, tient-on à préciser, sont sujets à caution même avec la photo satellite venue à la rescousse depuis le lancement des satellites de l’Agence spatiale algérienne.
La forêt se gère sur de longues périodes, 40-50 ans au minimum. Un peu moins pour le chêne-liège, espèce méditerranéenne qui résiste aux incendies. C’est la même durée qu’exigent les politiques, les stratégies, les programmes et les plans de gestion de ce patrimoine dont on ne dira jamais assez les bénéfices et les avantages qu’il offre gratuitement. 
 

Aujourd’hui, la forêt algérienne est vulnérable, fragilisée par toutes les agressions qu’elle a subies. Le feu et ses causes, l’invasion par les activités d’une population en pleine croissance, la fragmentation des massifs avec la densification des réseaux, le surpâturage, l’exploitation irraisonnée de ses ressources, le défrichement, l’urbanisation, les loisirs, etc. auxquels il faut ajouter maintenant les effets du changement climatique. Au fil des ans, le feu étant passé plusieurs fois sur les mêmes espaces, la forêt a fini par perdre ses capacités de résilience. 

Et si, dans l’immédiat, toutes les conditions de sa survie venaient à être réunies, il faudrait au moins 25 ans pour espérer voir les premiers signes d’un dynamisme retrouvé. Or, ces conditions – une volonté politique affirmée, réelle et non simulée, une gouvernance délestée des mœurs et pratiques politiques en cours, une gestion rigoureuse à l’abri des interférences et du parasitage conjoncturels et tous les moyens et méthodes modernes et performants – sont de toute évidence loin de voir le jour à court terme.
 

Et si par miracle elles sont mises en place dans l’immédiat, les pouvoirs publics ne pourront agir qu’à moitié sans l’adhésion de tous les segments de la société, scientifiques, médias, formations politiques et professionnelles, ONG et bénévoles, qui contribuent, contrôlent et corrigent librement et sans entraves la mise en œuvre des politiques et des plans. Une exigence qui fait appel à un sens élevé de responsabilité forgée par une bonne instruction, une solide éducation et un niveau culturel capable de saisir les enjeux de la protection des forêts et de ses écosystèmes. 

Or, nous en sommes loin et pour y remédier, il faut déjà commencer par repêcher l’école et l’université.

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