La filiere du Biochar et la troisieme révolution verte : De la régénération des sols agricoles, la séquestration de carbone, l’énergie, l’électricité à la dépollution des sols et des effluents

03/06/2024 mis à jour: 21:37
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Il est d’un grand intérêt et crucial de rappeler que la sécheresse aggrave la dégradation des sols et que le changement climatique aggravera la sécheresse. Que la réduction du stockage de carbone dans les sols contribuant ainsi au réchauffement climatique nous interpelle.


Nul ne peut ignorer qu’actuellement de grandes quantités de déchets agricoles, municipaux et forestiers sont brûlées ou laissées à l’abandon après la récolte, ce qui dégage des gaz à effet de serre. Ma contribution consiste à partager avec vous ma longue et riche expérience sur les bienfaits de l’utilisation du biochar (une sorte de carbone écologique) appelé «la troisième révolution verte», sous différents climats, types de sols et différentes cultures. Ce carbone écologique est l’une des stratégies les plus prometteuses pour restaurer le carbone dans les sols appauvris, tout en séquestrant des quantités importantes de CO2 sur des durées à long terme.La COP21 a été un moment fort pour démontrer que l’agriculture pouvait être un levier efficace pour lutter contre le réchauffement climatique et que le biochar est une solution pour l’avenir.


Une trentaine d’années d’expertise sur le biochar et ses applications             

A l’époque, nous étions pionniers dans la recherche - action participative sur la biomasse-restauration des sols - énergie, explique le docteur Mohamed Bouchentouf, directeur de Programmes Innovation & Développement chez Pro-Natura International Paris.

 

Histoire du biochar : une pratique précolombienne
 

La fertilisation du sol par le charbon de bois est une pratique qui a été utilisée, il y a plus de 7 000 ans, par les Indiens précolombiens des régions amazoniennes. Les enrichissements que les Indiens précolombiens appliquèrent sur leurs champs consistaient principalement en un mélange de charbon de bois pulvérisé, appelé biochar, et de déchets organiques variés ayant produit une terre d’une remarquable fertilité. 


Celle-ci résulte de la présence de biochar qui agit comme un «nid» facilitant la fixation d’eau et de nutriments et le développement d’une riche population de micro-organismes, eux-mêmes responsables d’une meilleure croissance et résistance des plantes. 

Grâce à ce charbon végétal, ces sols, appelés terre noire (preta en portugais), sont encore aujourd’hui extrêmement fertilisants. La connaissance de la terre noire, perdue suite à la colonisation, a été redécouverte il y a quelques années seulement.
 

Les résidus de récolte ou biomasse : une matière première 

Cette innovation consiste à récupérer des résidus agricoles inutilisés ou d’autres types de biomasse renouvelable non valorisable d’une autre façon, pour les carboniser par pyrolyse en continu. Par exemple, les résidus agricoles comme la paille de blé et autres céréales, de riz, les grignons d’olives, les coques d’arachide, les tiges de soja, de tournesol, de sorgho, de coton, de mil, les cannes de maïs, les cabosses de cacao, la bagasse et autres résidus de la canne à sucre, les pailles de la savane, l’herbe à éléphant (miscanthus) et autres déchets ou type de biomasse comme les palmes sèches, les régimes de dattes, les résidus d’exploitation forestière, balle de riz, les plantes envahissantes comme le typha et le phragmite (roseaux des marais et des palmeraies), les branches mortes ou superflues élaguées, les parches et marcs de café, les sciures de bois, les coquilles de noix de coco, de noix, les bambous, les fientes de volailles peuvent être utilisés pour fabriquer le biochar. 


Le bois peut également être carbonisé sous toutes ses formes, y compris la sciure avec un rendement environ 3 fois supérieur aux procédés de carbonisation classiques. 
 

Procédé de pyrolyse 

La pyrolyse est la décomposition thermique de la biomasse par une augmentation importante de la température pour obtenir d’autres produits en l’absence d’oxygène. 
 

Toutes sortes de biomasse peuvent être utilisées. Au besoin, un séchoir et un broyeur peuvent être rajoutés afin de préparer la biomasse pour la pyrolyse.
 

Le biochar ne doit pas être confondu avec le charbon de bois produit traditionnellement. En effet, d’une part il ne s’agit pas exactement du même matériau, d’autre part la production du charbon de bois aggrave la déforestation et produit des gaz à effet de serre : CO2, méthane… 
 

Le biochar se présente sous forme de petits fragments noirs, légers et extrêmement poreux. Composé en majeure partie de carbone, sa composition va dépendre de la nature de la biomasse utilisée.
La productivité de biochar est de 30 à 40% du volume de la biomasse utilisée (humidité inférieure à 15%), en fonction de sa composition.
 

C’est du charbon vert produit exclusivement à partir de biomasse renouvelable par un processus de carbonisation.
Ses vertus agronomiques 

Notre expérience sous les différents climats a montré que l’introduction d’environ 10 tonnes de biochar par hectare peut augmenter la productivité des cultures entre 50 et 200%. Cette seule application crée et maintient une fertilité de longue durée, augmente la séquestration de carbone et lutte contre le changement climatique. Le biochar est relativement plus efficace sur les sols pauvres. 
 

Aujourd’hui, la recherche démontre les effets mesurables du biochar sur les propriétés agronomiques, c’est-à-dire biologiques, chimiques et physiques du sol.
 

• Propriétés biologiques 

Stimulation de l’activité biologique des sols (+40% de champignons de mycorhize), le développement des micro-organismes. Le biochar aurait un effet bénéfique sur les mycorhizes, un champignon du sol qui vit en symbiose avec les racines des plantes.


En facilitant le développement des bactéries et des champignons, le biochar favorise une meilleure structuration du sol.
 

 • Propriétés chimiques 
Améliore les propriétés de réserve et d’échange en éléments nutritifs (+50% d’échanges cationiques)
Augmente la teneur en matière organique du sol.
 

 • Propriétés physiques 
 

Fort en teneur en carbone, il améliore la porosité du sol, facilite la circulation de l’eau et de l’air, favorise l’oxygénation des racines.
Des expériences ont montré que la teneur en eau d’un sol sableux passait de 5% à plus de 65% en volume, suite à l ’apport du biochar.
 

La longévité du biochar dans le sol peut atteindre plusieurs milliers d’années, ce qui permet de les considérer comme de véritables puits de carbone absorbant et stockant sous forme de carbone du CO2 de l’atmosphère.
L’impact du biochar est, cependant, plus important dans les sols dégradés ou appauvris que dans ceux contenant déjà beaucoup de matière organique. Le biochar est donc particulièrement approprié aux sols pauvres et soumis à la sécheresse, son utilisation peut jouer un rôle majeur pour améliorer la qualité des sols et, par conséquent, la sécurité alimentaire et la santé dans les systèmes agricoles tropicaux, y compris dans les zones désertiques.
 

D’autres effets du biochar : 


  · Il augmente la capacité de rétention des éléments minéraux et la disponibilité du phosphore dans le sol
  · Il dépollue les sols 
  · Il réduit la fuite des nitrates 
  · Il participe à l’épuration du sol et de l’eau
  ·Une meilleure croissance et résistance des plantes aux maladies
    ·Une meilleure amélioration de la productivité des sols et des cultures
   ·Plus le sol est pauvre, plus l’effet est important 
   ·Il présente un ph compris entre 7 et 10, et il est donc une alternative bon marché et accessible au chaulage.
  ·Il joue un rôle important dans l’accroissement du pH des sols acides (+ 1 unité pH utile contre l’acidification).
  ·La stabilité de sa structure fait du biochar un puits permanent de carbone.
  ·Il se comporte comme un restructurant et un régénérateur du sol, et il peut être comme un catalyseur via des mécanismes d’action.
 

La santé et la production animale

Le biochar a également un rôle à jouer dans l’élevage pour l’amélioration de la santé des animaux et de l’augmentation de la production.

D’autres pays développent le biochar à travers le monde Pour des pays de l’Union européenne, l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, le Portugal et d’autres comme le Canada, les Etats-Unis, le Japon, le Brésil, la Suisse, l’Angleterre, le Sénégal, le Kenya, le Ghana, le Burkina Faso, l’Egypte, le Cambodge, la Chine, l’Indonésie, le Laos, l’Inde et l’Australie, le biochar est vendu dans un grand nombre de pays incluant les USA, l’Angleterre, l’Allemagne, la Suisse, le Japon, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. De plus au Japon, en Angleterre, le biochar est officiellement accepté en agriculture organique.

 

Homologation du Biochar en France en tant qu’hydro-rétenteur- août 2015

Après deux ans d’instruction, l’homologation du biochar par le ministère français de l’Agriculture comme Hydro-retenteur est maintenant une réalité sous le nom Hydrochar wb1 n° 6150003 depuis le mois d’août 2015.
Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a ainsi reconnu le biochar comme une «technologie à émissions négatives» en 2018, créant un emballement pour ce produit jusqu’alors méconnu.

 

Nous avons utilisé le biochar en combinaison avec de multiples autres innovations techniques dans les pays suivants :

Algérie - Brésil/Guyane - Brésil/ Rio de Janeiro - Burkina Faso – France - Ghana- Haïti- Côte d’Ivoire - Mauritanie- Nigeria- Sénégal - Tanzanie - Tchad –Rwanda - Sénégal - Suisse. 
Des études de faisabilité et des projets pilotes ont été lancés dans un grand nombre de pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie centrale pour la promotion de cette innovation.
 

Les domaines d’application de la technologie du biochar 

  •Améliorer la productivité des sols et des cultures
Le biochar se présente sous forme de 6 granulométries différentes (variant entre 0 à 100 microns jusqu’à 4mm) sous forme de particules fines et il est combiné avec des engrais organiques. Il peut être introduit dans plusieurs types de sols, selon leurs caractéristiques et le climat.
Le biochar est un amendement permettant d’améliorer la fertilité et la stabilité des sols cultivés, d’une part, et, d’autre part, de stocker du carbone dans les sols à moyen et long termes.


⁃  • Lutter contre les changements climatiques
Avec la croissance et le cycle végétatif, les plantes absorbent du CO2, produisant ainsi de la biomasse qui contient du carbone.
La photosynthèse absorbe le CO2 de l’atmosphère, le biochar stocke le carbone sous une forme solide et bénéfique. 
Le biochar réduit aussi les émissions d’autres gaz à effet de serre, incluant le méthane et l’oxyde nitreux. 
Une étude récente estime que 12% des émissions de gaz à effet de serre émis par l’activité humaine pourraient être compensés par l’usage du biochar. La stabilité de sa structure fait du biochar un puits permanent de carbone.
⁃   • Energie - Electricité
Le biochar, en combinaison avec de l’amidon, permet de fabriquer des briquettes de combustibles qui peuvent être utilisées pour fabriquer de la chaleur et de l’électricité. La transformation de la combustion de briquette en électricité est effectuée par cogénération. Ce principe comporte un aléa, celui de rejeter des émanations gazeuses, néanmoins des solutions pourraient être étudiées pour minimiser cet impact. La briquette en combustion pour le chauffage ou la cuisson ne dégage que très peu de CO2 dans l’atmosphère.⁃


• Dépollution des sols
Le biochar a une forte capacité à dépolluer les sols, car sa capacité de rétention et d’échange cationique (CEC) est extrêmement forte. Selon la nature des pollutions, des études pédologiques permettront de déterminer si le sol devra être enlevé (excavation) puis traiter dans des bacs ou si des plantes, par leur pouvoir d’extraction, suffisent à dépolluer. Cette méthode permet d’abattre de façon très significative tous les polluants dans les sols, tels que les métaux lourds, les insecticides, les pesticides, les hormones, les hydrocarbures, etc.
• Dépollution des effluents
 

Le biochar, de par ses composants, permet d’établir une meilleure surface de contacts pour les bactéries et les polluants, ce qui permet d’augmenter le pouvoir de filtration des plantes dans le cas de traitement des effluents chargés. La combinaison biochar/phytoépuration sur la base d’une étude préalable devrait permettre d’obtenir de l’eau potable en sortie d’une installation, quel que soit le niveau de pollution de l’effluent en amont.
Exemple de la Chine en matière d’agriculture verte pour lutter contre les changements climatiques avec le biochar. 
Alors que les efforts de la Chine pour réduire les émissions de GES étaient axés principalement sur les secteurs industriels et de l’énergie, elle a également pris la tête de la recherche mondiale pour le développement du biochar, un excellent amendement du sol, pour séquestrer du carbone obtenu en transformant les déchets agricoles à travers un processus de pyrolyse. 


L’intérêt croissant de la Chine pour le biochar et son efficacité pour le développement agricole vert a été mis en évidence lors de la 2e Conférence internationale sur «le biochar et l’agriculture verte» (BioGra2015), qui s’est tenue du 14 au 18 avril 2015 à l’Université agricole de Nankin.
 

Depuis 2012, les programmes de lutte contre les changements climatiques basés sur l’usage des terres, sur la déforestation évitée et sur l’importance des sols comme puits de carbone sont venus sur le devant de la scène et ont été de plus en plus reconnus dans le cadre des initiatives de gestion durable des terres agricoles.
 

Des chercheurs continuent à faire des recherches sur le développement de nouvelles applications du biochar et celui de nouveaux processus de fabrication. La recherche aujourd’hui porte sur les mécanismes par lesquels le biochar modifie les propriétés des sols et sur les conditions optimales de sa production et de son usage.
Redonnons aux sols leur fonction de puits de carbone
 

 

Par Dr M. Bouchentouf

Docteur en Environnement et Développement Durable

 

 


«Adaptation de l’agriculture aux changements climatiques»    
Ancien cadre au ministère de l’Agriculture et du Développement rural spécialiste de l’agroécologie des régions arides et semi-arides                                                                                                                  

Consultant en management et développement de projets à l’international
Chercheur en innovation et prospectives agricoles
Président de l’Association Europe- Afrique résilience agroécologique et climatique Paris
Directeur de la micro-ferme écologique et innovante 
«La Clé des oasis», Timimoun Algérie

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