La Fédération algérienne de football (FAF), à l’heure du bilan ?

28/08/2024 mis à jour: 21:24
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Photo : D. R.

Par M’Hamed Abaci, Financier et auteur

L’assemblée générale ordinaire de la Fédération algérienne de football (FAF) s’est tenue le 25 mai 2024 au Cercle militaire de Beni Messous sous la présidence de son président Walid Sadi. A l’ordre du jour, l’adoption des bilans moral et financier de l’exercice 2023.

Selon la presse, lors de l’exposé de la situation, Walid Sadi a révélé : «Nous avons hérité d’une situation financière catastrophique avec une dette globale de près de 700 milliards de centimes. Le déficit se chiffre à des centaines de milliards de dinars que nous n’imaginions pas.» Il a rappelé que lui et ses collègues du bureau fédéral se sont engagés à redresser la situation malgré l’immense chantier dont ils ont hérité.

Par ailleurs, lors de la réunion du bureau fédéral, tenue mardi 3 octobre 2023, sous la présidence de Walid Sadi, il a révélé : «La dette des clubs de football s’élève à plus de 370 milliards de centimes.» L’instance fédérale prévoit de mettre en place «un plan de réforme du statut du club professionnel et du contrat du joueur professionnel pour éviter à l’avenir ce genre de situation».

Quatorze ans après l’instauration du professionnalisme en Algérie, dont le bilan est loin d’être brillant, vu que la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui le football national, soulève de grandes inquiétudes sur son développement en témoigne cette situation financière à travers les bilans moral et financier de l’exercice 2023, qui nous montre la faillite du développement football professionnel et plus largement l’impuissance à gouverner et gérer ce modèle sportif, notamment à ce titre, les clubs professionnels ciblent plus de subventions étatiques que de performance sportive et économique.

En effet, l’idée du tout Etat (beylik) et des pratiques du dirigisme étatique, engendrant aujourd’hui plus de charges et de dépenses que de revenus ou de produits et de recettes, voire les subventions étatiques qui s’évaporent sans donner de résultat probant, dans la création de la valeur ajoutée ou encore l’ouverture de leur capital social, un moyen de développer une économie privée et d’investir librement dans les sociétés sportives de façon à développer la culture de l’actionnariat et de l’investissement créateur de richesses et d’emplois pour les jeunes.

En effet, les dirigeants de nos clubs passent toute l’année à gérer les salaires des joueurs et d’un championnat classique selon l’ancien modèle dit sport amateur décrété «pro», à la charge et aux seuls moyens de l’Etat ou des entités publiques, sans parvenir à élever le niveau compétitif à l’international, voire à pourvoir la sélection nationale, principalement composée de joueurs formés et évoluant à l’étranger qui constituent l’arbre qui cache la forêt .

Le niveau du championnat reste relativement faible dans la mesure où nos clubs professionnels n’arrivent pas le plus souvent à atteindre le niveau international et sont souvent éliminés prématurément des grandes compétitions, ce qui portait un coup sévère à l’instauration du football professionnel en Algérie.

Oui, il n’y a qu’à bien y regarder les clubs européens entre autres le Barça, Real Madrid, Manchester, Liverpool, Bayern Munich, Chelsea, Arsenal...Ce sont de véritables entreprises commerciales et beaucoup d’entre elles sont cotées en Bourse des valeurs.

Il est grand temps de s’interroger sur la gouvernance et la gestion du football professionnel, face à une gestion incohérente et rentière, notamment basée essentiellement sur des subventions et d’aides publiques sans parvenir à élever le niveau compétitif à l’international. Voire à pourvoir la sélection nationale, principalement composée de joueurs formés et évoluant à l’étranger qui constitue l’arbre qui cache la forêt.

Le dossier du professionnalisme a toujours autant de mal à avancer, notamment s’enfonce dans une confusion inconcevable dans la continuité de l’amateurisme, tiré par la dépense publique en exigeant notamment, saison après saison des subventions et des aides encore plus conséquentes auprès des pouvoirs publics.

Cela dit, rien n’a encore changé entre le football amateur et professionnel dans la mesure où le discours sportif et environnemental se résume en deux mots : «Football et argent» sans mener des missions d’intérêt général pour renforcer l’attractivité du sport pour le public et les investisseurs locaux ou étrangers pour investir dans nos clubs professionnels constitués en sociétés sportives par actions (Spa).

On peut parler d’argent certes, c’est important mais dans un esprit et de culture d’entreprise, afin d’apporter leur part de contribution dans le développement économique et social, notamment faire de nos clubs sportifs professionnels un outil pour le développement d’une économie locale qui contribue au PIB du pays par le développement des structures sportives dans les SSPA, avec l’ouverture du capital social à l’actionnariat populaire, aux investisseurs nationaux ou étrangers de venir investir dans nos clubs sportifs professionnels, car le football c’est aussi l’économie. Ainsi, tout l’argent provenant des subventions étatiques est à orienter à l’avenir vers cette finalité.

Dommage, le fait central est l’absence de débats sur la question de l’économie du sport en Algérie pour construire sereinement le modèle économique qui permettra la nécessaire autonomie financière des clubs professionnels.

En effet, le football professionnel algérien vit actuellement un paradoxe, puisque la majorité des clubs professionnels ne respectent pas la pratique des notions du professionnalisme et la gestion des Sociétés par actions (SPA) qui relève du droit privé (codes de commerce et civil) ou encore apporter des acquis pour la jeunesse algérienne et pour le pays en général.

Faut-il s’en étonner ? Certainement oui. D’emblée, dans une économie de marché, toute société commerciale comme c’est le cas de nos clubs de football professionnels constituées en sociétés sportives par actions (Spa) sont subordonnées à l’obligation de résultat et sujettes à dégager des bénéfices, dont une partie est réinvestie dans le club et d’avoir un actif net comptable positif.

Ainsi, la publication des comptes sociaux s’impose (bilan, compte de résultat et l’annexe 3) dans trois journaux au moins à grand tirage plaidant plus de transparence pour une gestion saine de nos clubs professionnels. Les sociétés sportives, devant être à caractère commercial et posséder des actions, existent uniquement grâce aux subventions de l’Etat ou sponsors des entreprises publiques.

L’assiette de cotisation des joueurs des clubs professionnels en Algérie est fixée à 15 fois l’ancien Snmg (18000 DA), soit 27 millions de centimes/mois (270 000 DA). L’équité fiscale impose que chacun paye sa juste part en fonction de son revenu et c’est injuste de voir des footballeurs qui sont rémunérés à coups de centaines de millions payent moins de cotisations sociales et fiscales, alors que des travailleurs et retraités, après une carrière professionnelle de 32 ans et plus, continuent à ce jour de déclarer leurs salaires réels. Il est très important de parvenir à créer une confiance entre l’administration et le contribuable parce que la sécurité sociale et l’impôt profitent au citoyen pour ne pas dire le contribuable.

On peut dire que le football professionnel, c’est aussi de l’économie, qui s’ajoute au produit intérieur brut du pays (PIB). A cet effet, le budget des clubs professionnels doit obéir aux règles, principes, procédures et normes de la comptabilité financière des sociétés commerciales.

Or, l’expérience montre que rien n’a encore changé entre le football amateur et le football professionnel et que les dirigeants du football n’ont en matière financière pour objectif que l’esprit de dépenser plus d’argent, c’est-à-dire l’argent pour l’argent ou aisément faire de l’argent avec de l’argent sans création de richesses et d’emplois.

C’est ici, toute la triste réalité, à laquelle la situation du football algérien est aujourd’hui, en présence d’un déficit de gouvernance et de compétitivité sportive à l’international (joueurs moins performants qu’attendus). Là encore, l’équipe nationale est demeurée le fait de joueurs formés et évoluant à l’étranger, y compris le sélectionneur qui aménagent l’arbre qui cache la forêt.

Dès lors, on peut dire que nous avons besoin aujourd’hui d’une nouvelle politique du sport, notamment en décidant de l’urgente nécessité d’une réforme du football professionnel en Algérie pour placer les clubs sportifs professionnels au cœur de la transition des nouvelles nécessités socio-économiques et politiques du pays, mais aussi et surtout du contexte de l’évolution du monde footballistique au moment où le football national fait face à une crise quasi chronique sans précédent.

Il est question de donner un ancrage solide à la financiarisation de l’économie du sport, un atout majeur pour la viabilité et le développement des sociétés sportives (Sspa) pour la création d’emploi et de valeurs ajoutées qui s’ajoutent au PIB du pays (produit intérieur =brut).

Cela, doit constituer un aspect majeur d’une réforme qui plaide l’économie du sport en Algérie, notamment engager une véritable révolution économique pour nos clubs professionnels conçue sur le droit privé (droit des sociétés), adapté à l’initiative et à l’action qui libère les sociétés sportives (Sspa) et les investisseurs pour l’initiative entrepreneuriale se basant sur les règles et les mécanismes du marché.

Il est vrai que ce qui se passe actuellement dans notre football professionnel n’est pas admirable du tout. On ne cherche plus le spectacle, ni la formation de talents ni à créer la valeur ajoutée, il faut dire que la situation est telle qu’il faut «agir» concrètement pour éviter que le mal ne s’aggrave davantage.

Les années se suivent, se ressemblent et toujours le même constat : le football algérien ne cesse de régresser, alors qu’il s’agit d’un support-clé de civilisation et de progrès sur lequel les instances nationales sportives qu’il faut aujourd’hui inscrire à l’ordre du jour de l’ensemble des structures et des acteurs du secteur de la jeunesse et des sports pour la promotion de la morale sportive. Nos clubs se contentant d’une gestion d’amateurs dans un championnat décrété «pro» mais qui peinent même à pourvoir la sélection nationale à quelques exceptions près en joueurs de qualité.

Donc, «la responsabilité incombe à tous ceux qui, à un moment donné, avaient la responsabilité de gérer la fédération ou les clubs de football professionnels , car ils sont supposés à mettre en place des politiques et des stratégies de développement sportif et économique, de management et de contrôle interne de gestion en conformité de leurs statuts de droit de sociétés par actions ( SPA), de formation et la production de joueurs de talents à l’équipe nationale et de transfert de joueurs à l’international, notamment d’assurer un développement harmonieux du professionnalisme».

De ce fait, s’il y a un dossier urgent sur lequel appellent des engagements fermes, c’est bien celui de l’application réelle du football professionnel qui est aussi l’économie, mais resté jusque-là dans la forme et confus dans le modèle dit sport amateur, dont les dirigeants de clubs professionnels n’ont pas encore acquis la culture du football professionnel, ils passent toute l’année à gérer les salaires des joueurs et d’un championnat conçu à la charge et aux seuls moyens de l’Etat ou des entités publiques.

La question qui se pose est la suivante : la FAF, organe souverain qui gère le football du pays, apportera-t-elle les réponses nécessaires et les solutions concrètes à ces problématiques ?

Il est aujourd’hui fondamental d’œuvrer à imposer des règles de saine gestion des finances des clubs sportifs professionnels, car l’aspect relatif à la gestion et à l’usage des subventions publiques destinées à un club sportif professionnel impose leur rentabilité et leur contrôle rigoureux pour une gestion saine plaidant plus de transparence et une bonne économie du sport qui s’avère incontournable dans le processus des réformes économiques de notre pays.

Notre Fédération, qui gère le développement du football doit parvenir, malgré les difficultés, à être à la hauteur de sa mission face à des circonstances exceptionnelles. Elle a pour mission, à notre humble avis, d’instaurer de nouveaux modes de collaboration avec les entreprises de l’écosystème football et de trouver de nouveaux leviers de financement et de croissance, notamment de fournir à ses clubs les moyens pour penser et développer le football professionnel de demain dans le cadre du déploiement des nouvelles pratiques dans le but de les amener à viser la performance économique et l’équilibre financier au même titre que le résultat sportif.

Entre autres, son rôle est de réfléchir aux outils nécessaires au développement et à la structuration des clubs, ainsi qu’à la mise en place de solutions réglementaires et de bonne gouvernance et de gestion ; aide à la création d’emplois dans les sociétés sportives ; financement de projet de création ou d’amélioration d’installations sportives.

A vrai dire, quatorze ans après l’instauration du professionnalisme en Algérie, dont le bilan est loin d’être tout à fait «brillant», le résultat est là aujourd’hui : une faillite généralisée accumulé (de dettes énormes, déficits comptables chroniques et actifs nets comptables négatifs).

Ce qui équivaut à un dépôt de bilan conformément au code du commerce. Alors , qu’ on s’attendait à une véritable politique de conduite d’une réforme sportive moderne en Algérie où un club professionnel est celui qui saura investir, créer et développer le sport mixé avec une économie d’entreprise à travers l’actionnariat et les investisseurs (industriels, entrepreneurs, commerçants…), la formation des jeunes, la production de grands joueurs pour l’équipe nationale et le transfert de joueurs vers l’étranger.

En effet, le niveau du championnat reste relativement faible dans la mesure où nos clubs professionnels dans leur majorité n’arrivent pas à produire de joueurs locaux à l’équipe nationale ou encore à exporter des joueurs de talents et à atteindre le niveau international et sont souvent éliminés prématurément des grandes compétitions, ce qui portait un coup sévère à l’instauration du football professionnel en Algérie et au moral des Algériens.

On peut dire que l’équipe nationale actuelle est l’arbre qui cache la forêt de notre semblant de professionnalisme. Sinon à quoi sert ce fameux professionnalisme ? Aujourd’hui, il faut revenir à la normalité des choses et donner la priorité à l’application stricte du professionnalisme puisqu’il ne s’agit pas d’un choix mais d’une exigence, dont la Fédération algérienne du football (FAF), l’organe souverain qui gère le football du pays, est appelée donc à mettre en place l’organisation d’une économie du sport en Algérie et d’assainir la fonction des organes sociaux au niveau des clubs professionnels pour améliorer leurs méthodes de gouvernance et management conformes à leur statut de droit de société, c’est-à-dire donner la possibilité à des investisseurs potentiels et professionnels et passionnés par le sport pour remplacer les opportunistes de tous bords, afin de développer un climat des affaires dans l’économie du sport et une assise de commercialité dans le processus de leur professionnalisation.

Car le professionnalisme ne vaudra que par ces derniers remplissant ces critères d’excellence. Il faut recourir également en permanence à la structure du contrôle de gestion dans le souci de rationalité et de transparence dans l’utilisation de l’argent public quand on sait que les clubs sportifs professionnels sont toujours subventionnés par l’Etat et ses démembrements (collectivités locales ou sponsorisés par les entités publiques) .

Les problèmes de financement du football professionnel sont structurels et appellent donc des réponses et des solutions structurelles, c’est alors que nos clubs sportifs professionnels trouveront les vraies solutions à leurs problèmes d’autofinancement et s’installeront durablement dans la pérennité. S’attarder à chaque saison sur des initiatives de conjoncture relève de la myopie tout court. M. A.

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