La Colombie, une nouvelle pièce du jeu de Moscou autour de l’Ukraine ?

12/02/2022 mis à jour: 02:01
AFP
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De l’Ukraine à la Colombie, n’y aurait-il qu’un pas ? Depuis plusieurs jours, Washington et Bogota accusent la Russie de tentative de déstabilisation à la frontière entre la Colombie et le Venezuela, conséquence inattendue du bras de fer russo-américain qui se joue aux frontières de l’Ukraine. «Pourquoi la Russie est-elle plus active aux frontières de la Colombie ?

 Nous ne pouvons que penser que les Russes essaient d’étendre leur influence antidémocratique», a lancé mercredi, en visite officielle à Bogota, la sous-secrétaire d’Etat américaine aux Affaires politiques, Victoria Nuland. Cette accusation est la dernière en date d’une série de déclarations alarmistes des deux pays visant la Russie et son allié régional vénézuélien, initiées par une sortie tonitruante du ministre colombien de la Défense. «Nous savons que certains hommes et unités des forces militaires bolivariennes (vénézuéliennes) ont été mobilisés vers la frontière avec le soutien et la force technique de la Russie», a assuré Diego Molano en fin de semaine. Cette présumée «ingérence étrangère» s’exercerait en particulier dans une région du Nord-Est, l’Arauca, théâtre depuis début janvier d’une rivalité meurtrière entre deux groupes armés, dont l’un, l’Armée de libération nationale (ELN), est soutenu par Caracas, selon les autorités colombiennes. 
 

«Soutien total»
 

L’ambassade russe a vertement démenti ces accusations «irresponsables». Mais Bogota s’est depuis inquiété des possibles interférences lors de ses prochaines élections législatives de mars et présidentielle de mai. Le président Ivan Duque est en Europe pour discuter du sujet, où il a répété «espérer qu’aucune aide militaire ne sera utilisée contre la Colombie». 
 

Du côté du Venezuela, on fustige comme de coutume la «soumission» à Washington de la Colombie, «pion de l’impérialisme», pour «essayer d’imposer une guerre froide» dans la région. Et Caracas de clamer son intention de «continuer à renforcer ses liens avec la Russie», alors que Vladimir Poutine a réaffirmé fin janvier au président Nicolas Maduro «son soutien total». Aucune source indépendante ne confirme pour l’instant ces accusations américano-colombiennes. La diplomatie russe s’est récemment activée sur le dossier colombien en poussant à des négociations entre le gouvernement et l’ELN, proposition immédiatement rejetée par Bogota, rappelle une source diplomatique. «Un soudain intérêt qui interroge», fait-elle remarquer. 
 

Vladimir Poutine a également prévenu qu’il pourrait envoyer des troupes pour des exercices dans les Caraïbes ou au Venezuela. Sur le terrain, on constate un regain d’activité de la guérilla de l’ELN dans le pays, de même que des affrontements meurtriers impliquant cette guérilla guévariste dans l’Arauca, point chaud des 2400 km de frontière poreuse que partage les deux pays (qui ont rompu leurs relations diplomatiques en 2018). Mais cette hausse de la violence s’observe chaque début d’année, et peut être aussi liée aux luttes de pouvoir pour les législatives. Citant un rapport du renseignement colombien, le journal El Tiempo affirme que les militaires russes, officiellement chargés de l’entretien des Sukhoï, s’activeraient près de la frontière en soutien aux forces vénézuéliennes, qui elles-mêmes travailleraient main dans la main avec l’ELN. Le quotidien parle de la mise en place, avec une aide russe, le long de cette frontière, d’une «unité de surveillance radio-électronique». Il évoque enfin une série de transferts d’argent depuis la Russie vers des dizaines de comptes en Colombie, transferts suspects qui ont augmenté à l’approche des élections. 
 

«Pièce du puzzle»
 

«Il y a un lien avec ce qui se passe en Ukraine, le jeu de pression de la Russie sur l’OTAN et les Etats-Unis», selon le président du groupe de réflexion Indepaz, Camilo Gonzalez Posso, rappelant que la Colombie est devenue en 2017 pays «partenaire» de l’Otan, le premier en Amérique latine. Tout cela «fait partie d’un jeu plus large dans la rivalité entre les Etats-Unis à la Russie», analyse Jorge Mantilla, directeur de la Fondation des idées pour la paix (FIP). «Ce que fait aujourd’hui la Russie, c’est voir (...) ce qu’elle peut en tirer en générant une sorte de tension régionale, comme elle le fait ailleurs en Syrie, en Afghanistan et en Afrique, notamment au Sahel», explique M. Mantilla, soulignant que «la frontière entre la Colombie et le Venezuela est une pièce de ce puzzle». 

C’est une «sorte de conflit par délégation : la Russie utilise le Venezuela qui (...) délègue à son tour à l’ELN, une sorte d’hostilité avec la Colombie», ajoute-t-il. Pour le «régime vénézuélien, tant la Russie que l’ELN sont des atouts importants». Mais Caracas comme la guérilla «ont leur propre agenda» par rapport à Moscou, rappelle l’expert.

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