La tenue des Jeux olympiques, ce grand moment de communion internationale et de consécration des valeurs de saine compétition, d’amitié, de dépassement de soi, de respect de l’autre et d’excellence morale et physique, nous conduit cette semaine à évoquer le lien entre le sport et la littérature.
En effet, la littérature promeut d’une part l’esprit sportif, en particulier dans les ouvrages d’aventures dont les jeunes, d’abord, sont les lecteurs attentifs. Charles Dickens puis Jack London, mais aussi Ernest Hemingway et Henry de Monfreid ont ainsi défendu la convergence de l’effort physique avec la valeur morale, dans la lutte contre les éléments, l’environnement et nos limites propres, toujours poussées plus loin, grâce à la volonté propre, au désir de se transcender, au courage et à la force de notre caractère.
La littérature promeut, d’autre part, le sport lui-même, à travers notamment des romans où la pratique sportive est au centre de l’intrigue ou des récits s’inspirant de la vie des grands champions et même de la poésie consacrant un joueur de football (et quel joueur !), à l’instar de ce qu’a pu écrire notre grand frère Mahmoud Darwich à la gloire de Maradona. Le sport, comme la littérature, s’avère des domaines où la confrontation est au centre du sujet, là où le sport tente l’épreuve, la littérature s’essaye au challenge de dire le monde.
Là où le sport démontre que l’effort et la résilience assurent la victoire, la littérature consacre la condition humaine à travers son discours sur le monde et l’existence. Sport et littérature ont leurs héros, champions ceints de lauriers sur un podium ou personnages souvent prométhéens, tous deux luttant dans le même élan de dépassement pour aller, selon la devise olympique moderne, «plus vite, plus haut et plus fort».
Outre les personnages, la littérature inclut dans la même devise l’écrivain et ses lecteurs partageant, ainsi la communion sportive dont entraîneurs et publics sont partie prenante dans le spectacle qu’offrent rencontres et compétitions. Le sport, dit-on souvent, est d’abord un état d’esprit, c’est pourquoi il est important de l’inculquer aux plus jeunes, à qui il apprend à bien faire et à bien être. Ce rôle pourrait aussi être dévolu à la littérature dite de jeunesse, qui, malheureusement, semble manquer, puisqu’elle est souvent confondue avec une production religieuse à l’intention des jeunes, des contes pour enfants et préadolescents et des récits à thématiques de découverte ou de morale. Or, il existe une littérature où la part belle est réservée à des œuvres universelles qui, au travers de romans célèbres adaptés aux jeunes, cultivent chez ces derniers les plus belles valeurs illustrées par des récits prenants et des situations exemplaires.
Le sport, à cet égard, est tout aussi exemplaire des vertus qui fondent aussi bien l’idéal de l’athlète aux saines habitudes, respectueux de l’éthique, des règles, au bon comportement et à l’esprit sportif, que de celles qui fondent la littérature comme moyen d’éducation, de culture et de savoir. Le sport comme la littérature, s’entendant, ici, dans leur portée la plus noble, celle débarrassée des scories mercantiles ou perverses. Peut-être, comme pour les Jeux olympiques, il faut chercher loin dans la Grèce antique, cette relation privilégiée entre la littérature et le sport.
D’abord, ne faudrait-il pas souligner que la Grèce fut le berceau privilégié de la littérature ? Avec ses épopées qui, justement, mettaient en scène des héros, que nous dirions, aujourd’hui, «sportifs», tant ils alliaient l’intelligence et la perspicacité à la condition physique et tant ils surmontaient les épreuves que l’adversité, y compris celle des dieux. Ulysse, Jason et Hercule, furent, à cet égard, des héros qui n’auraient pas déparés à Olympie, bien au contraire c’eût été leur lieu de prédilection ! Soulignons qu’à Olympie, avant l’ouverture des jeux, tant les athlètes participants que les juges arbitrant les épreuves, prêtaient d’abord solennellement serment, s’engageant à la loyauté, au respect des règles et au refus de toute corruption, démontrant ainsi un code de conduite que la littérature ne manquera pas de reprendre dans sa portée éthique. Soulignons aussi, pour la grande et la petite histoire, qu’un Algérien antique, féru aussi bien de littérature que de sport, participa et remporta une médaille d’or aux jeux panathénaïques de la Grèce antique, une victoire inscrite au catalogue panathénaïque sous le numéro 2316, il s’agit, en l’occurrence, du roi champion Mastanaba(l), souverain de la Numidie, fils de Massinissa et père de Jugurtha. Le sport fut aussi directement abordé dans cette littérature antique, puisque les textes, qui sont parvenus jusqu’à aujourd’hui, ne manquent pas de décrire la pratique sportive. Ainsi Homère, par exemple, dans le chant 23 de l’Iliade évoque la course de chars, le pugilat, la lutte, la course à pied, le lancer de poids, le javelot et le tir à l’arc, qui dit mieux ? Avec, de surcroît, la remise des prix, les querelles de supporters et même la réclamation officielle d’un concurrent, Ménélas !
En Algérie, la littérature semble n’avoir pas eu à beaucoup traiter du sport, hormis le roman de Rachid Boudjedra, Le vainqueur de coupe et celui de Hamid Djamai Le jour où Pelé ou, encore, des monographies sportives qui restent, d’ailleurs, insuffisantes, à l’exemple de celles de Rabah Saadallah ou, enfin, des recueils de chroniques d’Azzedine Mihoubi et Nedjmeddine Sidi-Athmane. Pourtant, l’histoire du mouvement national d’abord, qui fut le terroir de l’émergence d’une littérature algérienne, démontre l’importance du sport pour forger la conscience nationale, ce que confirme, par la suite l’épopée de l’équipe de football du FLN, puis l’engouement populaire de l’Algérie indépendante, pour le sport en général et le football en particulier, auraient pu faire du sport et des belles valeurs qu’il véhicule, un sujet des plus intéressants pour nos romanciers et autres écrivains. Avis aux amateurs !
Par Ahmed Benzelikha