La chronique littéraire / La littérature, voix porteuse de l’Algérie

28/09/2024 mis à jour: 07:45
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Évoquer la littérature, c’est aussi évoquer le pays auquel elle appartient. Son peuple, son histoire, ses gens, ses paysages, sa terre, ses individualités, ses idées, ses combats, ses ancêtres et ses enfants, son âme et son génie et tant d’autres choses, parfois indéfinissables, dans un tout indissociable, y trouvent place. 

A ce titre, chaque nation a ses livres pour aura et ses écrivains comme symboles, quand le résultat d’un match, une polémique d’actualité et une figure du show-biz seront dépassés, les œuvres littéraires demeureront comme un phare dans la nuit sombre de l’oubli et l’océan tumultueux de l’histoire.

 C’est d’ailleurs pourquoi les contrebandiers de cette dernière, selon l’expression parlante de Rachid Boudjedra, s’investissent ou, plutôt, sont investis dans la littérature. La littérature est un des vecteurs dont se sert une nation pour s’exprimer et exprimer le monde. Elle sert à la manifestation de ce qui est singulier au pays qu’elle représente, notamment son identité et son discours dans le concert des nations, elle offre l’occasion de participer à la dynamique universelle de la société humaine et de faire valoir un apport propre à l’échelle internationale. Elle est un élément national de nature sociale, culturelle et civilisationnelle, aux hautes qualités intellectuelles et esthétiques, qui s’avère l’ambassadeur plénipotentiaire de tout un pays, dans toutes ses nuances, y compris et librement dans sa diversité de langues d’écriture et de positions idéologiques.


La littérature algérienne participe de cette problématique, elle est l’image qu’on pourrait donner de notre pays en dehors de nos frontières, elle inscrit en lettres d’encre, qu’on voudrait d’or, nos vertus et nos valeurs, la beauté de nos cœurs et de nos levers de soleil, nos luttes et nos rêves, elle n’est pas une carte-postale, mais demeure une carte de visite. A travers la littérature, nous semons à tout vent notre être et nos idées, notre effort et nos actions, nous plantons l’algérianité, nous enracinons nos enfants et donnons à lire aux autres, à nos semblables, ce que nous sommes : une nation millénaire riche de ses combats, aussi héroïques que populaires, pour l’indépendance, la liberté et la dignité.


Or, ce que nous sommes n’est pas toujours ce que voudraient que nous soyons ceux qui s’estiment nos adversaires et qui, toute honte bue, attaquent aussi au travers d’éléments de langage, aisément identifiés, puisque sempiternellement utilisés dans le discours politico-médiatique, injectés au travers de la littérature. Là n’est pas le propos : s’élever au-dessus de leurs petitesses, réduit, à leur juste taille, ceux qui ne sont pas grands. Le propos est dans la promotion, et la défense de notre littérature, dans l’encouragement de la créativité et des créateurs, dans la formation à la lecture de nos jeunes générations, dans l’accompagnement de nos éditeurs et distributeurs, dans la multiplication des bibliothèques et des librairies, à l’intérieur du pays et dans les ZHUN, dans une vision libre, large et prospective d’une littérature de qualité à la hauteur de nos ambitions légitimes.


A l’heure où on parle de «soft power» et au-delà des effets de mode, il est patent que la littérature peut participer de celui-ci. Nos livres et nos écrivains peuvent jouer un rôle dans la diffusion de notre culture et de notre vision des choses, susciter de l’intérêt et de l’attirance pour notre pays. Il ne s’agit pas, bien sûr, pour la littérature, de jouer au camelot ou au propagandiste mais bien d’être le reflet fidèle des réalités, des richesses et des potentialités de notre pays. 

C’est pourquoi, faire connaitre notre littérature, elle-même si riche, à l’étranger, constituerait un véritable vecteur de rayonnement à l’échelle internationale. De même, multiplier les manifestations littéraires internationales, à l’instar du SILA, contribuerait à ce même objectif en exploitant ces grandes occasions pour servir notre propre production à travers, par exemple, un salon spécifiquement africain. Faire d’Alger une capitale littéraire, pourquoi pas ? De même les grandes rencontres politiques ou économiques à l’international, pourraient compter, parmi leurs activités connexes un pan culturel où notre production littéraire pourrait se faire valoir et faire valoir un pays qui pense et produit des valeurs, car nous avons non seulement du pétrole mais aussi des idées. 

A l’ère du numérique et de la mondialisation, nous avons notre mot ou, plutôt, nos mots à dire, une plateforme de la littérature algérienne pourrait être créée, des startups pourraient y contribuer, les œuvres de nos grands écrivains pourraient y être téléchargées, des panoramas, des présentations, un musée virtuel de notre littérature pourraient y prendre place. Des événements virtuels et des interactions de tous types pourraient y être organisés, dépassant nos frontières et portant loin la belle voix de l’Algérie, dont la littérature ne peut être dissociée. 

Cette même voix, qui a vu l’Algérie combattante faire valoir les écrits littéraires appelant à l’indépendance et à confier des missions, notamment au sein des délégations dépêchées au niveau international, à des écrivains comme Malek Haddad, aux côtés de la troupe artistique du FLN, fondée par Mustapha Kateb et du travail premier, en matière d’information et d’orientation, des instances politiques. 

Comme l’Algérie, la littérature a une voix inextinguible et porteuse, contribuons donc, à notre tour, à la faire entendre, même si, comme par ailleurs, beaucoup n’y voient, selon l’expression arabe, que «de l’encre sur du papier».

 

Par Ahmed Benzelikha , linguiste spécialiste en communication, économiste et journaliste

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