Écrire, n’est ce pas tenir le taureau par les cornes ? Le taureau de ce que nous sommes et de ce que sont les choses autour de nous, de ce qui constitue ce qu’on nomme la vie et qu’on a bien du mal à définir autrement qu’en sachant qu’on s’y inscrit.
Ecrire, acte premier de la littérature, est un dire fondateur et un geste emblématique de notre présence au monde et de celle de la société à laquelle nous appartenons.
C’est ainsi que la littérature, en chaque écrivain et en chaque livre, est une manifestation de l’existence et la célébration de l’instinct de vie de chaque société.
C’est pourquoi chaque œuvre littéraire est importante, car porteuse de sens et de force. Le sens des choses et la force des idées. Car les idées sont porteuses de force, plus encore : elles fondent celle-ci, qui en tire sa véritable énergie transformatrice.
Transformer le monde en lui donnant un sens, dans la double acception du terme, tel pourrait être le rôle de la littérature.
La littérature, qui organise, définit et propose des signes, construit, par cela même, d’une part, une intelligibilité du monde, à travers un système partagé librement avec ses lecteurs et, d’autre part, une grille de possibles née de la rencontre entre l’œuvre littéraire et chacun de ses lecteurs, sur le plan personnel bien sûr mais aussi sur le plan social avec la subtilité qui sied à la nature littéraire.
Une nature qui conjugue l’esthétique à la réflexion, avec cette part magique d’imaginaire qu’on retrouve dans la poésie et le roman.
Une nature que toutes les intelligences artificielles ne changeront jamais, car la littérature, comme le rire, est le propre de l’homme et elle ne vaut, finalement, que par la femme ou l’homme qui la porte à titre d’écrivain, comme une âme habite un corps.
Et la littérature, de qualité s’entend, est, finalement, l’âme des nations. Elle leur permet d’être dans leur ontologie même, la littérature exprime la nation, dans toute sa diversité y compris dans ses composantes dites minoritaires car numériquement faibles, elle est en cela un lieu symbolique éminemment libre et démocratique.
La littérature s’avère, ainsi, un enjeu de premier plan même s’il n’est pas de première importance, car elle touche et manifeste le symbolique, dans une portée socioculturel indéniable.
La littérature algérienne, que certains s’étonnent de voir toujours aussi dynamique, dans ses trois langues de prédilection et la vivacité, avec laquelle se meut celle en langue amazighe, démontrant bien notre précédent propos sur la portée socioculturel, s’avère, elle aussi, le lieu de prédilection d’une nouvelle approche de la réalité.
Une approche fondée sur une lecture littéraire de ce que nous sommes, de ce que nous avons été et de ce que nous pourrions être. En cela, la littérature s’avère déboucher sur un faisceau de projections, à l’instar d’un prisme dispersant la lumière blanche constituant le monde où nous vivons.
Les écrivains algériens et, parmi eux, de plus en plus de femmes et de jeunes, sont ainsi porteurs non seulement du legs de leurs aînés mais aussi des rêves de leur génération et, plus encore, des germes de l’avenir.
C’est pourquoi, sous d’autres cieux, les éléments symboliques, fortement mobilisateurs, sont investis dans la littérature et trouvent leur écho immédiat dans les médias.
Chaque livre, chaque œuvre littéraire, vient ainsi s’inscrire, comme preuve et argument, de la justesse d’une vue, de la beauté d’une culture, de l’éclat d’une civilisation et de la puissance d’une nation ou d’un groupe de nations.
La littérature, appréhendée comme un tout, dans l’ensemble de sa production, devient alors, non seulement le pouls d’une nation, mais aussi la vision prospective de son avenir.
En Algérie, la littérature témoigne de la vigueur et de la portée des voix qui s’y expriment et de la dynamique sociale qui les porte, y compris dans ses difficultés matérielles, une certaine désaffection lectorale et les clivages, parfois idéologiques, le plus souvent de chapelles.
Cette volonté (car il s’agit d’une volonté) d’être de la littérature algérienne, tant de la part des écrivains que des lecteurs et l’engouement d’une partie qualitative du public des dernières éditions du Sila, le prouve amplement, n’est ni fortuite ni gratuite.
Elle exprime un élan de vie et d’implication qui dépasse les contingences de tout ordre, pour aller vers l’essentiel : l’expression de soi et du monde et c’est là, certainement, une des fonctions premières de la littérature et d’abord celle algérienne, tant a été cher le prix payé par les Algériens, pour être soi et avoir leur propre regard sur un monde complexe, où l’algérianité a certainement une place de choix, notamment à travers sa littérature et les fortes perspectives de celle-ci.
Des perspectives fortes parce que chaque rentrée littéraire, qui correspond chez nous à la date de tenue du Sila, non seulement de nouveaux ouvrages mais aussi de nouveaux auteurs se révèlent au public, témoignant d’un potentiel exponentiel.
D’aucuns poseront le problème de la qualité, d’autres celui d’une manifestation en arbre qui cache la forêt, alors que certains, enfin, parleront d’un lectorat finissant ou poreux, mais le fait est que, l’un dans l’autre, la littérature algérienne tire son épingle du jeu, malgré toutes les vicissitudes, y compris celles, économiques, de la chaîne livresque et celles, multiformes, des nouvelles donnes numériques et d’intelligence artificielle.
Une vigueur avérée donc, que ne peut expliquer que la pugnacité de ceux qui écrivent à continuer… à écrire et de ceux qui lisent à continuer… à les lire, encore et toujours.
Par Ahmed Benzelikha