Face au regain de tension et à l’insécurité permanente de la population civile palestinienne, surtout en cette période, soumise à une escalade de la violence et des menaces récurrentes de l’occupant israélien, la question palestinienne est plus que jamais au cœur de l’actualité et suscite des inquiétudes. Le sujet revient épisodiquement, mais, comme une malédiction, à la moindre petite avancée, on revient au point de départ. Combien d’accords avortés ? Combien de tentatives annihilées ? Les Accords d’Oslo en 1993, tentative la plus sérieuse suscitant tant d’optimisme et tant d’espoirs, se sont avérés, au final, pareils aux autres : pathétiques et inaboutis. Encore un accord de porcelaine. Fragile et aléatoire, comme est restée la situation figée et préoccupante dans les Territoires occupés, où les trompettes médiatiques nous alertent chaque jour sur les tueries perpétrées par les soldats israéliens sur des civils, dont des enfants. Sur le terrain, l’extrémisme juif, au pouvoir à Tel-Aviv, s’autorise, sans coup férir, à s’engager dans une spirale de la terreur, visant les Palestiniens, soumis à la fatalité, en confiant une partie de celle-ci aux régimes arabes, misant sur une solidarité effective, qui, hélas, a fait long feu. Dès lors que cette même solidarité arabe, disloquée, est traversée par des divisions, des dissensions et des hostilités mutuelles. Trop de confluences défavorables aux Palestiniens pour compter sur les appuis attendus, ni de franchir, par eux mêmes, dans l’unité, le Rubicon d’une paix juste et équitable, pour recouvrer leurs droits. La nouvelle donne c’est que les partis juifs religieux, récemment validés par la Knesset, qui tiennent les commandes, brandissent le mythe d’une terre trop promise et le rêve théocratique d’un Israël hébraïque. En un mot, comme en mille, ce sera le passé contre l’avenir. D’ailleurs, le livre du penseur Nathan Weinstock analyse avec clarté la dynamique qui a façonné, puis opposé les deux nationalismes palestino-israélien (1882-1948), Terre promise, terre trop promise, édition Odile Jacob (2011). Le même auteur s’était déjà signalé en 1969 avec la parution de son livre Le sionisme contre Israël (édition Maspero), qui avait fait grincer des dents. Depuis, les positions israéliennes se sont davantage radicalisées, versant même dans le déni.
Car même les choses maigrichonnes, qui paraissaient acquises, ne le sont plus dans la tête de Ben Gvir, le puissant ministre israélien chargé de la Sécurité nationale, dont l’intrusion sur l’Esplanade des mosquées, il y a quelques semaines, en dépit du statu quo décrété après la guerre des Six-Jours, avait choqué et donné lieu à une forte vague de protestation, qui ne semble pas l’avoir perturbé. Au contraire, droit dans ses bottes, cyniquement, il a assuré qu’il referait ça, sans état d’âme, en jurant «qu’il gère sa propre politique, concernant le Mont du temple (nom donné par les juifs au complexe de la mosquée Al Aqsa) pas celle du gouvernement jordanien». On sait que le roi Abdallah, gardien des lieux saints de Jérusalem, déjà soumis à une forte pression de sa population, en bonne partie d’origine palestinienne, a décliné sa participation au Forum du Neguev, tenu à Abou Dhabi, au motif qu’il n’y assisterait pas sans la présence des Palestiniens. Ce conclave avait réuni, outre Israël, les Emirats, Bahreïn, le Soudan et le Maroc, qui doit abriter, en mars prochain, ce sommet, appelé aussi «les Accords d’Abraham». Abordant cette prochaine rencontre, le chef de la diplomatie israélienne, Elie Cohen, s’est interrogé : «La question n’est pas de savoir si ces accords vont s’élargir à d'autres pays, mais quand ?» Certains y voient un clin d’œil à l’Arabie Saoudite, qui partage les mêmes inquiétudes concernant le programme nucléaire iranien, mais Riyad s’est montré réticent à une normalisation, en l’absence de progrès sur le dossier palestinien. Cependant, il n’a pas dit son dernier mot, puisque les Saoudiens ont encouragé leurs amis bahreïnis à y prendre part, en laissant planer le doute sur leur propre engagement. L’abandon progressif de la cause palestinienne par les régimes arabes avait commencé au lendemain du 11 septembre 2001. Les Etats arabes, qui avaient sanctuarisé cette cause, l’ont brutalement sacrifiée pour défendre leurs propres régimes. L’équilibre diplomatique au Proche-Orient en a été profondément modifié, chacun cherchant un parapluie. Les Emirats arabes unis étant les grands bénéficiaires, en ravissant la vedette et le leadership moyen-oriental à leurs amis-ennemis saoudiens. La rue arabe, dans l’expectative, toujours à l’écoute, attend avec beaucoup de curiosité la suite des événements, surtout la réaction des signataires des Accords d’Abraham. Car cette année, à nouveau, le mois de Ramadhan coïncidera avec la Pâque juive. «D’énormes efforts sont nécessaires pour réduire les tensions», suggère-t-on ici et là. Le secrétaire d’Etat américain, Blinken, s’était rendu, il y a quelques jours, en Israël et à Ramallah pour calmer le jeu. Mais la déflagration n’est pas loin, attisée par les extrémistes ultra-orthodoxes, prêts à tout embraser, à tout moment...