Kurdistan : Les Kurdes irakiens numérisent d’anciens livres pour préserver leur histoire

04/04/2024 mis à jour: 04:37
AFP
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Des membres du KCAC inspectant de vieux livres, avant de les numériser

Nous cherchons à numériser des livres anciens, rares et vulnérables, afin qu’ils ne disparaissent pas», explique cet homme de 23 ans en explorant la bibliothèque publique de Dohouk, une ville de la région du Kurdistan autonome, dans le nord de l’Irak. «Préserver la culture et l’histoire du Kurdistan est un travail sacré», dit-il en scannant la biographie déchirée d’un enseignant kurde publiée en 1960.
 

A bord de leur petite camionnette blanche, Pishtiwan et ses deux collègues partent une fois par semaine d’Erbil, capitale du Kurdistan, à la recherche de livres «rares et anciens», renfermant des informations sur les Kurdes et remontant à plus de 40 ans, voire des siècles.

A quelque 150 km de là, ils fouillent dans des étagères en bois de la bibliothèque publique de Dohouk, en quête de joyaux cachés. Ils choisissent plus de 35 ouvrages en lambeaux, des livres de poésie, de politique, de langue et d’histoire, écrits dans différents dialectes kurdes et certains en arabe. Pishtiwan tient un livre usé d’anciennes histoires populaires kurdes intitulé Xanzad, du nom d’une princesse kurde du XVIe siècle, et feuillette doucement un fragile ouvrage religieux, passant le bout des doigts sur la calligraphie arabe. De retour dans la camionnette, équipée de deux scanners connectés à un écran, la petite équipe entame le processus de numérisation qui peut durer plusieurs heures avant de rendre les livres à la bibliothèque.
 

- «Propriété de tous les Kurdes» -
 

Longtemps persécutés sous Saddam Hussein, les Kurdes d’Irak ont établi une région autonome de facto dans le nord du pays, reconnue comme telle par la Constitution irakienne de 2005, à la suite de la chute de l’ancien régime après l’invasion américaine de 2003. Tout au long de leur histoire, de nombreux documents ont été perdus ou détruits, et ceux qui restent sont dispersés dans des bibliothèques publiques et privées, des universités ou des collections privées.
En l’absence d’archives en ligne, le Centre du Kurdistan pour les arts et la culture (KCAC), une ONG fondée par le neveu du président de la région, Nachirvan Barzani, a lancé le projet de numérisation en juillet.


L’équipe espère mettre en ligne ces documents et livres anciens sur le nouveau site internet du KCAC en accès libre à partir d’avril. 

Plus de 950 ont déjà été numérisés, notamment une collection de manuscrits datant des années 1800 et appartenant à la principauté kurde de Baban, dans l’actuelle région de Souleimaniyeh. «L’objectif est de fournir des sources primaires pour les lecteurs et chercheurs kurdes», explique Mohammed Fateh, directeur exécutif du KCAC. «Cette archive sera la propriété de tous les Kurdes pour les aider à avancer dans notre compréhension de nous-mêmes.»
 

Bibliothèque électronique

Dans la bibliothèque de Dohouk, que gère Masoud Khaled, de vieux manuscrits et documents remplissent les étagères. «Nous avons des livres qui ont été imprimés il y a longtemps - leurs propriétaires ou auteurs sont décédés - et les maisons d’édition ne les réimprimeront pas», explique le quinquagénaire. Leur numérisation permettra au final l’ouverture d’une «bibliothèque électronique», s’est-il félicité.

Hana Hirani, l’imam d’une mosquée de la localité de Hiran, a dévoilé un trésor à l’équipe du KCAC - des manuscrits vieux de plusieurs générations d’une école religieuse fondée au XVIIIe siècle. Depuis sa fondation, l’école a acquis bon nombre de manuscrits, mais beaucoup ont été détruits lors de la première guerre entre l’Irak et les Kurdes en 1961, selon l’imam. «Il ne reste aujourd’hui que 20 manuscrits» parmi lesquels des poèmes vieux de plusieurs siècles, dit-il. L’imam attend maintenant le lancement du site internet du KCAC en avril : «Il est temps de les sortir et de les rendre accessibles à tous.»AFP

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