Khalil Al Hayya, chef des négociateurs palestiniens à Al Jazeera : «Voilà pourquoi les négociations ont échoué»

03/09/2024 mis à jour: 03:52
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Photo : D. R.

Alors qu’un nouveau cycle de pourparlers sur un cessez-le-feu à Ghaza a été lancé le 15 août sous l’impulsion des pays médiateurs, à savoir les Etats-Unis, le Qatar et l’Egypte, et tandis que Biden a répété à plusieurs reprises que les deux parties étaient proches d’un accord, finalement, ce nouveau round de discussions n’a pas eu plus de succès que les précédents. Dans un entretien accordé à Al Jazeera, Khalil Al Hayya, chef des négociateurs côté palestinien, en explique les raisons.

Après plusieurs jours de discussions qui ont eu lieu à Doha puis au Caire, sans la participation directe du Hamas, aucun accord n’a été trouvé sur les modalités d’un cessez-le-feu viable à Ghaza entre Palestiniens et Israéliens. Dans une interview accordée à Al Jazeera et diffusée dimanche soir, Khalil Al Hayya, membre du bureau politique du Hamas et chef de la délégation du mouvement de résistance palestinien lors de ces pourparlers, a livré la version du Hamas quant aux véritables raisons de l’échec des négociations. 

Selon lui, le principal point de désaccord lors des derniers rounds est que le projet d’accord qui a été mis sur la table s’écartait de manière significative du plan proposé par Joe Biden fin mai, et que le Hamas avait approuvé le 2 juillet. Le mouvement de résistance palestinien reproche notamment à la nouvelle mouture qui lui a été soumise l’abandon de points importants du plan Biden originel. 

Le Hamas s’est étonné, comme l’a rappelé Khalil El Hayya, de voir de nouvelles conditions qui n’ont jamais été discutées dans les projets d’accord précédents faire leur apparition. Parmi celles-ci : le rejet par le Premier ministre israélien d’un cessez-le-feu permanent, le refus d’un retrait total de l’armée israélienne de la bande de Ghaza et son obstination à continuer d’occuper l’axe Netzarim, le passage de Rafah et le corridor de Philadelphie.

«L’objet des discussions, aujourd’hui, est devenu les nouvelles conditions de Netanyahu», lance Khalil Al Hayya. «Le mouvement n’est pas concerné par les négociations sur ces nouvelles conditions, et sa décision est de ne faire aucune concession sur la proposition du 2 juillet», a-t-il tranché. 

«Pas d’accord sans un retrait complet de Ghaza»

«Nous avons entendu parler de comités techniques poursuivant leurs discussions et examinant certains détails, mais nous n’y avons pas participé», a-t-il indiqué, avant d’ajouter : «Ils n’ont abouti à rien.» «Sans le retrait israélien des corridors de Philadelphie, de l’axe de Netzarim et du passage de Rafah, il n’y aura pas d’accord», assène le responsable politique palestinien.

Insistant sur la bonne foi du Hamas depuis les premiers contacts avec la partie israélienne, l’ancien député islamiste explique : «En mai, nous avons accepté une proposition des médiateurs en faveur de l’accord, et la réponse de l’occupation a été de prendre d’assaut Rafah et son passage.» A propos du projet d’accord formulé par la suite par le président américain, il affirme : «Nous avons accepté le document présenté par le président Biden et adopté par le Conseil de sécurité. Nous avons demandé simplement des clarifications.

La réponse de Netanyahu à notre acceptation a été de s’y soustraire puis d’imposer de nouvelles conditions. Il a exigé de rester dans le corridor de Philadelphie et l’axe Netzarim et a refusé la libération de nos prisonniers âgés condamnés à la réclusion à perpétuité.»

Et de répéter : «Netanyahu a dit clairement qu’il n’y avait pas de sortie de Netzarim ni de sortie du couloir de Philadelphie, et je dis ici clairement que sans retrait complet de la bande de Ghaza, il n’y aura pas d’accord.» Pour Khalil Al Hayya, le Premier ministre du gouvernement d’occupation «veut que la guerre continue et ne veut pas parvenir à un accord parce que l’accord a un prix réel et il ne veut pas payer ce prix».

«Netanyahu a sacrifié les otages»

Le haut cadre du Hamas a évoqué la première opération de négociations en novembre, qui a été couronnée de succès, pour signifier la flexibilité du Hamas. «En novembre et décembre, 115 à 125 (émissaires) israéliens et étrangers sont venus pour négocier avec la médiation des Qataris.

Si Netanyahu voulait vraiment procéder à un échange de prisonniers, nous sommes prêts à le faire immédiatement.» «Nous avions exigé un échange avec des prétentions élevées, comprenant 500 prisonniers palestiniens pour chaque soldat, homme ou femme, et 250 pour les autres», révèle-t-il. 

«Lorsque les médiateurs ont dit qu’il y avait une grande opportunité de parvenir à un accord si vous faisiez preuve de flexibilité, nous y avons tout de suite répondu favorablement.» Il regrette que le gouvernement Netanyahu n’ait pas montré la même disponibilité. «Netanyahu a dit que le couloir de Philadelphie est plus important que les otages, et il a sacrifié ce dossier parce que cela ne le concerne pas», souligne le négociateur palestinien.

Dans la foulée, El Hayya a tenu à apporter une précision quant aux six otages israéliens retrouvés morts samedi, et qui, selon Israël, «ont été tués à bout portant par leurs ravisseurs». «Les six prisonniers dont les corps ont été récupérés par les forces d’occupation auraient pu être retrouvés vivants, et Netanyahu est la cause de leur assassinat», a-t-il insisté.

Le mouvement de résistance palestinien, soutient-il, avait rassuré la famille de l’Israélo-Américain Hersh Goldberg-Polin  via une un message transmis par les médiateurs qataris. «Nous avons perdu le contact avec le prisonnier Hirsch et ses gardes après avoir transmis une vidéo rassurant sa famille, et il a été retrouvé parmi les morts aujourd’hui (samedi, ndlr)», a témoigné le chef des négociateurs palestiniens. Khalil Al Hayya a indiqué aussi que «Netanyahu a rejeté toute la flexibilité dont nous avons fait preuve concernant le nombre de nos prisonniers censés être libérés quotidiennement dans le cadre de l’accord».

Le haut cadre du Hamas a pointé par ailleurs le jeu trouble des Etats-Unis en tant que médiateurs. «L’administration américaine suit deux directions : d’un côté, elle veut un accord et répand l’optimisme. Mais d’un autre côté, elle ne veut pas faire pression sur Israël.» 

Et de marteler : «Les Etats-Unis sont responsables de la perturbation des négociations. Ils ne veulent pas parvenir à un accord et se sont rétractés sur ce qu’ils avaient proposé.» «Maintenant, il n’y a pas de véritables négociations, mais plutôt une fuite en avant et une perte de temps. Les discussions durent depuis deux semaines, mais elles ne font que tourner en rond.»

40 786 morts et 94 224 blessés à Ghaza

Le bilan général de la guerre contre Ghaza s’est encore alourdi pour atteindre 40 786 morts et 94 224 blessés, a indiqué hier le ministère de la Santé du territoire enclavé. La même source a précisé que 48 morts et 70 blessés ont été enregistrés en 24 heures, entre dimanche et hier matin. M. B.

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