«Voulons-nous vivre dans un monde où la loi est appliquée équitablement ou dans un monde où nous fermons les yeux et détournons le regard en raison de nos origines ?» s’est demandé hier le procureur en chef de la CPI, Karim Khan, dans une interview à un journal britannique.
Israël a le droit de défendre sa population et de récupérer les otages détenus par le Hamas, mais personne n’a le droit de commettre des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité.» C’est ce qu’a déclaré, hier, le procureur en chef de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, dans une interview accordée au journal britannique The Sunday Times, moins d’une semaine après ses demandes aux juges de la CPI, pour la délivrance de mandats d’arrêt internationaux contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, son ministre de la Défense, Yoav Gallant, et trois dirigeants du Hamas pour «des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité» à Ghaza et en Israël.
Violemment pris à parti aussi bien par la résistance palestinienne qui l’accuse d’avoir «mis les bourreaux et les victimes sur un pied d’égalité» que par l’Etat hébreu qui lui reproche «d’assimiler Israël au Hamas», Karim Khan n’a pas mâché ses mots pour rejeter ces allégations qu’il qualifie d’«absurdes», avant de préciser : «Je ne dis pas qu’Israël, avec sa démocratie et sa Cour suprême, est similaire au Hamas, bien sûr que non.
Je ne pourrais être plus clair : Israël a parfaitement le droit de protéger sa population et de récupérer les otages. Mais personne n’a le droit de commettre des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité. Ce sont les moyens qui nous définissent.»
Pour le procureur en chef, «notre travail ne consiste pas à nous faire des amis. Nous devons souligner la valeur égale de chaque enfant, de chaque femme, de chaque civil dans un monde de plus en plus polarisé. Nous ne pouvons pas avoir de double standards», ajoutant : «Le monde observe la situation à Ghaza et en Israël. Pour l’Amérique latine, l’Afrique, l’Asie, c’est un point de cristallisation(…).»
«Une cour créée pour Poutine»
Pour lui, les crimes de guerre et contre l’humanité à Ghaza, font partie d’un schéma, qu’il explique à travers «le fait que l’eau ait été coupée, (...) que les personnes faisant la queue pour de la nourriture aient été prises pour cible. C’est l’ensemble du schéma qui est révélateur. Nous l’avons analysé de manière objective et rationnelle».
Mais pour Khan, il y a la question suivante : «Voulons-nous vivre dans un monde où la loi est appliquée équitablement ou dans un monde où nous fermons les yeux et détournons le regard en raison de nos origines ?» puis souligne : «Que les victimes soient juives ou palestiniennes, musulmanes, chrétiennes ou athées, nous devons avoir la même indignation morale, le même amour, la même sollicitude et la même préoccupation.
Le fait est qu’ils sont tous des êtres humains.» Interrogé sur les déclarations du Premier ministre britannique, Rishi Sunnak, et du président américain Joe Biden, qualifiant les demandes de mandats d’arrêt, pour le premier, d’«inutiles» et le second, de «scandaleuses», Khan répond : «Notre travail n’est pas se faire des amis. Cela fait notre travail, que nous soyons applaudis ou condamnés.
Nous devons souligner la valeur égale de chaque enfant, de chaque femme, de chaque civil dans un monde de plus en plus polarisé, et si nous ne le faisons pas, quel sens de l’existence avons-nous ?» C’est la troisième fois, que le procureur en chef de la CPI sort de sa réserve en quelques jours.
Le 21 mai dernier, c’est à la Douzième chaîne de télévision israélienne qu’il a accordé un entretien dans lequel il a affirmé avoir demandé des mandats d’arrêt contre Netanyahu et Gallant, parce qu’il n’a pas vu de «preuves convaincantes» que les tribunaux israéliens enquêtaient sur les violations présumées commises à Ghaza.
Sur l’annulation de son voyage en Israël, prévu avant l’annonce de ses demandes, il a répondu qu’il était «prêt à poursuivre les négociations et le dialogue avec Israël au fur et à mesure de l’avancement du processus».
Le même jour, dans une interview accordée à la chaîne américaine CNN, Khan a jeté un pavé dans la mare en dénonçant «les menaces» proférées contre lui, et la CPI, en raison de sa demande de mandats d’arrêt contre les dirigeants israéliens. «Certains dirigeants élus ont pris langue avec moi et ont été très virulents. ‘‘Cette Cour a été créée pour l’Afrique et pour des voyous comme Poutine’’, m’a dit l’un d’eux.
Nous ne procédons pas de cette manière», a lancé Karim Khan. Et d’ajouter : «Cette Cour devrait être le triomphe du droit sur le pouvoir et la force brute : prendre ce que l’on peut, prendre ce que l’on veut, faire ce que l’on veut. Personne n’est au-dessus de la loi.»