Karim Bachir Traidia. Réalisateur et sociologue : «Le réalisateur doit être aussi psychologue et thérapeute»

09/06/2024 mis à jour: 02:20
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Il a étudié la sociologie à Paris et le cinéma à Amsterdam où il vit encore. Auteur de plusieurs courts métrages, il a réalisé trois longs, La Fiancée polonaise, présenté à la Semaine de la Critique au Festival de Cannes, Les Diseurs de vérité qui a aussi décroché de nombreux prix et Chroniques de mon village en 2016 où un enfant dans les années 60 rêve de devenir fils de martyr, convaincu que c’est un statut qui ouvre le droit à tout. Il est aussi organisateur du Festival maghrébin du cinéma à Haarlem, dans la banlieue d’Amsterdam, qui vient de se tenir du 30 mai jusqu’au 1er juin.

 

Propos recueillis par Chawki Amari

 

 

Sociologue ou cinéaste ? 

Faire de la sociologie, ça aide beaucoup à comprendre l’être humain, au cinéma, sur un tournage où le réalisateur doit être aussi psychologue, thérapeute, savoir gérer les crises des comédiens. Le matin sur le plateau, je les regarde quand ils arrivent, body langage, j’observe leur langage corporel qui en dit long sur leur état du jour. 


Beaucoup de cinéastes algériens vivent à l’étranger, c’est de la sociologie ? 

J’ai quitté l’Algérie avec un cœur brisé, alors que je pensais ne jamais la quitter, on m’a refusé la main de celle que j’aimais et je suis parti. Mais je peux dire en tant que sociologue que la situation des immigrés est loin d’être bien, castrés par deux systèmes, celui de leur pays d’origine et celui de leur pays d’adoption, ils ont un manque d’affection énorme, avec cette option du retour qui les travaille à longueur d’année. Moi je vis aux Pays-Bas mais je sais qu’il y a beaucoup d’Algériens qui veulent quitter la France, pas forcément pour l’Algérie mais pour un ailleurs.

 
Projet de film ? 

Oui, j’ai envie de raconter l’histoire de Boughera El Ouafi, un enfant d’Ouled Djellal, ouvrier à l’usine Renault de Billancourt qui a fait la Première Guerre mondiale, devenu ensuite le premier Algérien qui a gagné une médaille d’or aux Jeux olympiques en 1928 à Amsterdam, au marathon. Puis sa descente en enfer, il n’a pas eu droit aux honneurs alors qu’Alain Mimoun, qui a eu la même médaille d’or 20 ans plus tard au marathon de Melbourne, 15 000 personnes l’attendaient à l’aéroport. Oublié, Boughera est parti à New York gagner un peu d’argent, et il a même tourné dans un cirque à Madison Square, faisant la course avec des animaux, l’humiliation totale. 
De retour en France, il achète un hôtel avec un ami qui l’a ensuite escroqué, il perd tout, devient peintre en bâtiment, puis un jour une voiture le percute, un accident. Il disparaît jusqu’en 1958 où Alain Mimoun est invité à participer à une émission TV qui lui dit qu’il est le premier Algérien médaillé d’or, il explique le cas de Boughera et une équipe va le chercher, ils le trouvent, un vieillard de 60 ans qui a perdu le sourire. Boughera est mort peu après, en 1959, avant l’indépendance algérienne. Toute sa vie, il n’a pas eu de chance, on dit qu’une balle destinée au mari de sa sœur qui était avec lui, l’a touché par erreur. Je ne sais pas si ce film, une fiction, est faisable. Mais je vais déposer une demande d’aide au FDATIC à la rentrée.
 

Bonne chance 

Merci. 

 

 

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