Alors que Ghaza brûle de toutes parts et continue à crouler sous un déluge de feu qui a fait plus de 39 000 morts et 90 000 blessés en près de dix mois d’une guerre d’une ampleur génocidaire, Benyamin Netanyahu, le boucher de Ghaza, a débarqué aux Etats-Unis, son allié de toujours, dans un climat tendu.
Reçu avant-hier par Joe Biden à la Maison-Blanche, le président américain avec lequel les relations se sont quelque peu tendues ces derniers temps, l’a exhorté à «conclure rapidement» un cessez-le-feu. Cela permettrait de «ramener les otages chez eux» et de «mettre durablement un terme à la guerre», a souligné le Président sortant selon un compte-rendu diffusé par la Maison-Blanche. Cette visite du Premier ministre israélien intervient quatre jours après l’annonce faite par Biden de se retirer de la course à la présidentielle américaine pour raisons de santé. «Le Président réaffirmera au Premier ministre Netanyahu qu’il pense que nous devons parvenir à un accord et que nous devons le faire rapidement», a déclaré devant la presse le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby, cité par l’AFP. «Nous pouvons parvenir à un accord, mais cela nécessitera, comme c’est toujours le cas, du leadership et des compromis», a-t-il ajouté.
Dans un discours prononcé la veille dans lequel il était revenu sur les raisons de son retrait, Joe Biden a insisté sur le fait que le règlement du conflit à Ghaza restait l’une de ses priorités absolues avant le terme de son mandat. «Je vais continuer à travailler pour mettre fin à la guerre contre Ghaza, ramener tous les otages (...) apporter la paix et la sécurité au Moyen-Orient», a-t-il assuré comme on récite une promesse de campagne.
Kamala Harris durcit le ton avec le boucher de Ghaza
De son côté, Kamala Harris, vice-présidente des Etats-Unis, s’est entretenue elle aussi avec Netanyahu à Washington DC. Une rencontre qualifiée de «franche» pour ne pas dire de «fraîche». «Elle a donné le signal d’un possible changement majeur dans la politique américaine à l’égard de Ghaza, promettant de ne pas rester ''silencieuse'' face aux souffrances des civils et insistant sur la nécessité de conclure un accord de paix sans tarder», note l’AFP. «Ce qui s’est passé à Ghaza au cours des neuf derniers mois est dévastateur», a-t-elle martelé devant la presse en ayant une pensée émue pour les «enfants morts» et les «personnes désespérées et affamées fuyant pour se mettre à l’abri». «Nous ne pouvons pas détourner le regard de ces tragédies. Nous ne pouvons pas nous permettre de devenir insensibles à la souffrance et je ne resterai pas silencieuse», a-t-elle poursuivi.
Celle qui est pressentie pour prendre la place de Joe Biden dans la course à la présidentielle américaine, face à Donald Trump, a appelé à conclure rapidement un accord de cessez-le-feu à Ghaza. «Comme je viens de le dire au Premier ministre Netanyahu, il est temps de conclure cet accord», a-t-elle affirmé. L’ex-sénatrice de 59 ans a également appelé à la création d'un Etat palestinien.
Le discours de Kamala Harris «tranche avec l’image de grande cordialité affichée par Joe Biden et Benyamin Netanyahu plus tôt dans la journée (jeudi, ndlr), même si les deux hommes entretiennent des relations notoirement compliquées», relève l’AFP.
Car il ne faut pas oublier que l’administration américaine reste le premier soutien et le premier sponsor d’Israël, et la présidence Biden ne déroge pas à la règle.
«Le président américain affiche son fort soutien à Israël depuis le début du conflit mais s’est montré de plus en plus critique au fur et à mesure qu’augmentait le bilan des victimes civiles à Ghaza», observe l’AFP. Même Trump veut que le massacre se termine, avertissant Israël «que son image mondiale était en train de se ternir». «Il faut en finir rapidement. Cela ne peut plus durer. C’est trop long», a-t-il déclaré à Fox News. Pendant que Biden recevait son hôte dans le bureau ovale, des manifestants pro-palestiniens ont donné de la voix par milliers devant la Maison-Blanche, chahutant la visite du boucher de Ghaza.
Bombardements continus sur Ghaza-ville et Khan Younès
Au 294e jour de la guerre, ce vendredi, l’armée israélienne a poursuivi ses frappes contre plusieurs secteurs de l’enclave assiégée. Selon l’agence Wafa, l’occupant sioniste a mené des raids meurtriers hier, dès l’aube, qui ont fait plusieurs morts et des dizaines de blessés.
Des sources médicales ont indiqué que les dépouilles de deux victimes et de sept blessés ont été retirées des décombres après le bombardement d’une habitation à Haï Al Daraj, dans Ghaza-ville. Une attaque aérienne a ciblé en outre le quartier dit Al Nadim, à Hai Al Zaytoun, toujours dans la ville de Ghaza, tandis que l’artillerie sioniste pilonnait des positions à Tal El Hawa et Al Zaytoun ainsi que le quartier de Sabra, toujours dans la capitale de l’enclave. La marine israélienne a été également mise à contribution dans cette offensive en bombardant les côtes palestiniennes.
L’agence d’information palestinienne rapporte en outre que cinq civils ont péri dans un raid aérien qui a visé hier le quartier Al Sahaba, à l’est de la ville de Ghaza.
Au sud de la bande de Ghaza, l’agence Wafa indique que les équipes de secours ont retiré les corps de six victimes des décombres sur la rue Salah Eddine, à l’est de Khan Younès. Trois autres corps sans vie ont été évacués par les secouristes à l’école Al Farabi, à Bani Sahila, près de Khan Younès. Par ailleurs, deux femmes ont été tuées et plusieurs personnes ont été blessées lors d’un bombardement aérien à Abassane, à l’est de Khan Younès. Pendant ce temps, les forces d’occupation ont fait exploser plusieurs bâtiments résidentiels à Khan Younès et à Maghraqa, au centre de l’enclave.
Des opérations similaires ont touché des tours et des immeubles à Ain Jalout, au sud du camp de Nuseirat (centre) ainsi que dans le périmètre de l’école Al Awda, à Khan Younès.
La même source affirme qu’un enfant a été tué hier suite à un raid aérien qui a ciblé le nord de Rafah. Une autre personne a trouvé la mort après avoir été visée par un tir de drone près du rond-point Al Alam, à l’ouest de Rafah.
«9 personnes sur 10 ont été déplacées de force»
Parallèlement à ces frappes ininterrompues, la situation humanitaire empire de façon atroce. Selon l’UNRWA, «neuf personnes sur dix ont été déplacées de force dans la bande de Ghaza » en près de dix mois de guerre. «Les familles de Ghaza cherchent refuge là où elles le peuvent. Elles dépérissent dans des écoles surpeuplées, dans des bâtiments détruits ou des tentes de fortune sur le sable ou au milieu de tas d’ordures», décrit le commissaire général de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, dans un post diffusé hier sur le réseau social X. Et de faire remarquer : «Aucun de ces endroits n’est sûr. Les gens n’ont plus nulle part où aller.»
M. Lazzarini a alerté aussi sur l’apparition de cas de polio. «Six échantillons de polio de type 2 ont été détectés dans certaines parties de Ghaza», a-t-il signalé, avant de préciser : «Heureusement, aucun cas de paralysie n’a encore été détecté.» «La polio émerge en raison d’un système de santé en ruine, du manque d’eau potable et de matériel d’hygiène, des abris surpeuplés et d’un assainissement très médiocre», a-t-il déploré.
«Les maladies ne font pas de distinction entre les gens. Elles ne connaissent pas les frontières et n’ont pas besoin de visa ou de permis pour voyager» s’émeut-il. Pour l’infatigable responsable onusien, il est encore impossible d’éradiquer ces épidémies. «Un cessez-le-feu et une augmentation du flux de vaccins le permettront», a-t-il plaidé.