Hna ou lhih, pièce en compétition à la deuxième édition des Journées nationales Fatiha Berber du théâtre de jeunes de Boumerdès, est une production de l’association des arts dramatiques Mahfoud Touahri de Miliana (Aïn Defla). Elle a été présentée, le 12 juillet, à la salle de spectacles des Issers.
Mise en scène par Fakheddine Lounis, Hna ou l’hih (ici et ailleurs) est une adaptation de la pièce La maison frontière du dramaturge polonais, Slawomir Mrozek. Chafik Tichoudad a adapté ce texte écrit à l’origine pour le théâtre radiophonique en 1969. Tout se passe dans une maison quelque part dans un pays ou un territoire. Un jour, deux hommes se présentant pour des diplomates (Ahmed Bourorga et Chafik Tichoudad) débarquent à la maison et perturbent l’ordre familial.
Ils disent vouloir appliquer une décision de tracer une frontière à l’intérieur de la maison. Le père (Chawki Ayad) et la mère (Samir Attafene) marquent leur étonnement lorsque la ligne tracée par les intrus divise la table de cuisine en deux. Pour passer de la cuisine au salon ou de la chambre à coucher au couloir, les membres de la famille doivent se munir d’un passeport comme s’ils passaient d’un pays à un autre.
Une métaphore lisible sur les nouvelles dominations qui se font ici et ailleurs dans le monde et qui tendent à «redessiner» les cartes géographiques selon les intérêts des puissants. Par lâcheté ou par peur, le fils (Mohamed Abdessalam) accepte et s’adapte tant bien que mal à la situation alors que son épouse (Zhour Kahlouchi) tente de séduire et de faire un pacte tacite avec les «étrangers», ouverts à toutes les propositions.
Par égoïsme ou par opportunisme, elle entend aider les nouveaux venus à bien prendre possession de la maison, à contrôler la situation, à prévenir les complots. Le père, qui refuse d’être sous domination dans sa propre maison, organise la résistance, soutenue par la mère, surtout après la décision des occupants d’empêcher les habitants de la maison de parler.
«Dimension humaine»
Le jeune metteur en scène Fakhreddine Lounis a eu recours au burlesque et à la comédie vulgaire en s’appuyant sur les costumes, sur les situations caricaturales et sur les variations vocales des comédiens. Les expressions du clowning étaient également présentes sur scène pour montrer parfois le caractère absurde de l’histoire.
La scénographie pratique a facilité le jeu des comédiens rappelant parfois les techniques du théâtre d’objets. Rythmée par une musique blues-jazz, la pièce est marquée par une certaine vivacité assurée par le jeu dynamique des comédiens et les dialogues alertes, même si le passage d’un tableau à un autre était parfois fastidieux.
La scène est plongée dans le noir pour permettre le changement des décors. Le vide est meublé à chaque fois par la musique occidentale. «Dans le traitement artistique, je ne voulais pas évoquer les frontières géographiques qui séparent un pays d’un autre. Je voulais donner une plus grande dimension humaine. Il s’agit plutôt de limites internes qui font que les humains abandonnent parfois leurs libertés», a déclaré Fakhreddine Lounis, lors du débat qui a suivi le spectacle.
Selon lui, l’idée de choisir le texte de Mrozek est liée à l’affaire du jeune Djamel Bensmail, tué à Larbaa Nath Iraten, en août 2021, lynché par une foule qui le prenait pour «un pyromane», après les incendies qui ont ravagé les forêts et les maquis de cette région. Les auteurs du crime, qui a horrifié l’Algérie et le monde, ont été condamnés par la justice.
Présent lors du débat, Mohamed Charchal, metteur en scène et un des fondateurs de l’association Mahfoud Touahri de Miliana, a invité les jeunes amateurs du théâtre présents dans les coopératives et les associations à faire appel à des metteurs en scène professionnels pour «le montage» des spectacles et à se référer à des textes dramaturgiques universels. Les Journées nationales Fatiha Berber du théâtre de jeunes de Boumerdès sont organisées, pour rappel, par l’association El Manara de Corso.