Après avoir passé la majeure partie de sa vie enfermé chez lui en raison d’une maladie rare, le Jordanien Amer Abou Nawas est devenu une star des réseaux sociaux où il partage avec entrain son amour inconditionnel pour le football.
Proposant en langue arabe des analyses de matchs des principaux championnats européens, sa page Facebook Almouhallil Bayti (l’analyste maison en arabe) est suivie par près d’un quart de million d’abonnés. Sa communauté de «followers» est devenue une sorte de «grande famille», confie à l’AFP le jeune homme de 27 ans né avec une ostéogenèse imparfaite, une affection qui rend les os fragiles appelée «maladie des os de verre». Du fait de son handicap, il ne quitte que rarement sa maison de Zarqa, à 30 kilomètres d’Amman. «Il est vrai que je n’ai jamais joué au football ni assisté à un match, mais le football représente tout pour moi», souffle Amer Abu Nawas sous sa fine barbe noire. En l’absence en Jordanie d’écoles pour les enfants en situation de handicap, le jeune homme a grandi en passant une grande partie de son temps à regarder des matchs de football, analyser les équipes et jouer aux jeux vidéo. «J’ai toujours eu l’impression que cela me faisait passer d’un monde à un autre», confie-t-il. Repérant son amour pour le ballon rond, ses proches l’ont alors encouragé à partager sa passion en ligne et en 2017, il lance sa page Facebook qui compte plus de 243.000 abonnés.
«Franchir ces murs»
Filmées avec un smartphone depuis sa chambre, les vidéos d’Amer Abou Nawas le mettent en scène généralement vêtu d’un maillot de football et commentant avec enthousiasme les matchs et innombrables actualités du monde du foot. Ce fan invétéré de la Premier league et tout particulièrement du club de Liverpool s’intéresse également dans ses vidéos aux championnats de France, d’Allemagne, d’Italie ou d’Espagne, recourant parfois à un tableau en forme de terrain pour décrypter matchs et schémas tactiques. L’une de ses dernières vidéos a même atteint plus de 1,4 million de vues et depuis peu il publie également ses vidéos sur YouTube, TikTok, Instagram et Twitter. «Depuis cette pièce, ce petit endroit isolé du monde, j’ai pu franchir ces murs, atteindre les gens, communiquer avec eux, créer du contenu et devenir ce que je suis aujourd’hui», raconte le jeune jordanien. Sa relation avec ses abonnés? Celle d’une «famille» qui «s’agrandit de jour en jour, et j’espère qu’elle touchera le plus grand nombre possible d’adeptes». Sa vraie famille, elle, se bat pour lui assurer une vie confortable malgré les écueils. Amer Abou Nawas est benjamin d’une fratrie de trois, son père est médecin et sa mère pharmacienne. Dans sa chambre se trouvent des étagères qui accueillent une console de jeu, un ordinateur et des paniers en plastique contenant des objets en tout genre. Et sur son lit se côtoient téléphones, télécommandes, écouteurs et une longue pince attrape tout.
Pas un obstacle
«Il vit dans son propre univers, dans une pièce chauffée à 27 degrés pour éviter d’avoir froid ou d’attraper une pneumonie. Il peut commander ce qu’il veut à l’aide d’une télécommande», raconte son père Youssef. Il ajoute que des amis de son fils lui rendent parfois visite et «quand il se sent mal, ils l’emmènent faire un tour en minibus». Amer Abou Nawas déplore qu’en Jordanie «personne ne se soucie» des personnes atteintes de maladies comme la sienne, ajoutant qu’il aurait souhaité avoir la possibilité d’aller à l’école. «Les conditions pour les personnes à besoins spécifiques sont catastrophiques», regrette-t-il encore. «Je n’ai pas pu apprendre car il n’y a pas d’écoles pour les personnes comme moi», lâche-t-il avec amertume. L’an dernier, les organisateurs de la Coupe du monde de football l’ont invité à assister au tournoi au Qatar, mais en raison des difficultés de déplacement liées à son handicap, il est arrivé en retard et n’a pu assister à aucune rencontre. Il n’en reste pas moins qu’il y a passé «les dix meilleurs jours» de sa vie. «Je suis réconcilié avec moi-même et avec ma situation (...) Le handicap ne doit pas être un obstacle à la réussite», conclut-il avec un air d’optimisme.