La France se prépare à accueillir les Jeux olympiques du 26 juillet au 11 août. Les pouvoirs publics ont mis en place des outils sécuritaires innovants. Certaines associations craignent un nouvel entraînement d’encadrement des populations.
Il va y avoir du sport, et pas seulement sur les terrains. Lu dans un édito du Figaro : «La trêve olympique n’aura sans doute pas lieu. Dans un monde qui aura rarement été aussi désordonné et dangereux, le silence des armes relèveraient du miracle. Dans l’antiquité, les anciens y croyaient encore. Au fil des siècles, la pythie de Delphes a perdu sa voix et les modernes ne croient plus aux oracles.» Une citation sans appel.
Pourtant, à l’issue de la conférence de presse des présidents Emmanuel Macron et Xi Jinping, lors de la visite en France du président chinois, un appel commun à une trêve olympique a été lancé pour cet été pendant les Jeux olympiques de Paris. La trêve, alors que le Président français a récemment répété qu’il voudrait engager des troupes au sol en Ukraine, que la Russie fourbit ses armes et muscle son potentiel de dissuasion nucléaire et qu’à Ghaza, les Israéliens continuent leur besogne meurtrière !
«Le CIO, une multinationale commercialisant à prix d’or ses droits»
Vite le sport quand même ? Un auteur français, Aymeric Mantoux, publie, le 15 mai, un ouvrage très critique sur Pierre de Coubertin, le baron qui en 1896 a remis au goût moderne les antiques Jeux olympiques. Un livre au titre provocateur : Pierre de Coubertin, l’homme qui n’inventa pas les Jeux olympiques (éditions du Faubourg). Alors qu’il y a quelques jours, le 8 mai, l’arrivée de la flamme olympique à Marseille a fait l’objet d’une couverture digne du meilleur conditionnement médiatique, les récents sondages relativisent.
La moitié des personnes interrogées adhèrent à cette passion sportive qui a lieu tous les quatre ans. Le relais de la flamme traverse ces jours-ci la France pour parvenir au jour J à Paris le 26 juillet. Aymeric Bantoux rappelle que ce relais est une invention de l’époque nazie lorsque Berlin abrita en 1936 les jeux. «On a choisi par la suite de conserver ce cérémonial», estime l’auteur dans les colonnes du supplément Zébuline du quotidien La Marseillaise.
Pour lui, «les Jeux de Berlin signent la fin des valeurs de l’olympisme, à considérer qu’elles aient existé», sachant que le baron et le Comité olympique ne pouvaient «ignorer ce qui se passait outre-Rhin : les arrestations, les progroms. Mein Kampf avait déjà été diffusé à des millions d’exemplaires. La seule raison d’être des Jeux olympiques est l’argent. Ils rapportent des milliards d’euros au CIO qui est devenu une multinationale commercialisant à prix d’or ses droits de retransmission télé, ses emblèmes et ses anneaux olympiques. C’est une énorme machine à cash dont on peut de demander ce qui en est fait».
Une fête de la surveillance généralisée
D’ailleurs, alors que le voilier Belem accostait le 8 mai à Marseille avec la flamme ranimée au mont Olympe en Grèce, les collectifs anti-JO se montaient en France, comme à Marseille, où il a tenu ce même jour un rassemblement «pour montrer qu’on peut faire une fête populaire au nom du sport, sans exploiter, opprimer ou détruire».
La coordination regroupe des sympathisants pro-Ghaza, des altermondialistes, des associations de défense de la nature et des militants de gauche. Une des membres du collectif résume sur France bleu Provence les raisons de l’opposition : «C’est une fête pour une petite élite. Il y a des inconvénients pour les habitantes et habitants. La gentrification est renforcée, ça renforce les inégalités. On présente une façade de grande fête collective, alors que c’est une fête de la surveillance généralisée.»
Sur ce dernier aspect, c’est un grand moment de gestion sécuritaire sur terre, les fleuves et dans les airs pour les services de police, gendarmerie et même militaires. Armée de l’air et Marine nationale étaient déjà mobilisées à Marseille pour tout contrôler jusqu’interférer dans la vie privée des gens. Ils seront 45 000 effectifs sur le terrain en juillet, dans un dispositif très sophistiqué utilisant les dernières techniques de surveillance. A Paris, pouvoir accéder aux jeux, notamment lors de la cérémonie d’ouverture sera jalonnée de check-points jamais vus.
Un QR code pour se déplacer
Les habitants de la zone 1 (celle de la cérémonie d’ouverture) au bord de la Seine devront être munis de QR code remis après enquête administrative. Les appartements avec vue sur le fleuve feront l’objet d’attentions particulières.
Des vérifications considérées comme liberticides par certains. Ainsi l’adjoint au maire de Paris, David Belliard, s’interroge sur France Info : «Quelles sont ces évaluations, quelles vont être aussi l’usage des données collectées pour l’émission de ce QR code, tout ça reste encore en suspens ou assez flou (…) Je ne voudrais pas qu’on profite de ces JO pour tester, installer des lois encore plus liberticides que ce que nous connaissons aujourd’hui».
Le contrôle de la population, déjà testé lors de la Covid-19, trouve avec cette période olympique une nouvelle possibilité d’être expérimenté, avec des outils désormais autorisés comme les drones ou les systèmes de reconnaissance faciale. Le site Paris-Luttes.infos s’en inquiète, sous le titre ‘‘Contre les obsessions sécuritaires, attaquons les JO du contrôle !’’, on lit : «L’encadrement des événements sportifs (Coupe du monde de Rugby, JO) est un argument parfait pour développer rapidement des outils de surveillance à la pointe de la technologie.»
Alors que pour beaucoup, les joies du sport seront vécues avec avidité, les techniques sont affûtées contre les menaces présumées : terroristes, qu’elles soient islamistes ou autres ; mais aussi contre les écologistes ou les militants d’extrême-gauche ou d’extrême-droite qui auraient des velléités d’exprimer leur opposition ou critique argumentées envers ces jeux qui sont les premiers à Paris depuis 1924 !