Jeux : A Macao, l’avenir incertain des casinos rebat les cartes

24/01/2023 mis à jour: 17:09
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Une danse du dragon devant le temple A-Ma lors des célébrations du premier jour du nouvel an lunaire à Macao, le 22 janvier 2023

A Macao, la joie de revoir les rues noires de monde pour le nouvel an lunaire était affadie par les doutes sur l’avenir des casinos, véritables mines d’or dans le collimateur des autorités chinoises.

Les touristes de Chine continentale, libérés du zéro Covid depuis plus d’un mois, ont déferlé pour les fêtes sur la ville du jeu, prenant d’assaut ses sites historiques et ses commerces. Les visiteurs ont beau être de retour, l’eldorado des parieurs ne peut s’en contenter, car Pékin le presse régulièrement à diversifier son économie qui dépend des jeux d’argent. Pour autant, difficile d’imaginer Macao, seul territoire chinois où les casinos sont légaux, abandonner ce secteur qui génère des recettes fiscales colossales. Mais le continent ne relâche pas la pression. Le président chinois Xi Jinping mène une campagne anti-corruption, mettant un coup de frein aux paris et au blanchiment d’argent. Macao «fait face à un problème intrinsèque», explique à l’AFP David Green, consultant expert de l’industrie du jeu. D’un côté, ses autorités doivent montrer à Pékin qu’elles promeuvent le fait de s’abstenir de jouer,  de l’autre, il leur faut veiller au maintien de cette source de revenus. L’année dernière, l’ancienne colonie portugaise de 700 000 habitants a vu ce flot de richesses s’assécher et atteindre son niveau le plus bas avec 5,2 milliards de dollars générés (environ 4,8 milliards d’euros). En cause, la fermeture de la plupart des commerces, quand Macao faisait face à un pic de contaminations au Covid.

«Pas en avant»

Seuls six opérateurs se partagent ce marché juteux. Juste avant la pandémie, il rapportait six fois plus que celui de Las Vegas. En décembre, le gouvernement local a renouvelé les concessions aux opérateurs pour dix ans, conservant de fait le statu quo tout en introduisant de nouvelles conditions pour les investissements hors jeu. Les firmes du secteur ont depuis engagé 14,9 milliards de dollars (environ 13,7 milliards d’euros) dans la construction de parcs à thème ou d’exposition, de restaurants gastronomiques et de salles de spectacle. Selon l’ancien membre de l’Assemblée législative Sulu Sou, il s’agit d’un «pas en avant» dans la diversification de l’économie de Macao, bien plus concret que de vagues slogans restés inappliqués pendant des années. «Les changements dans l’industrie et dans les attitudes de la Chine continentale envers les jeux d’argent ont forcé le gouvernement (de Macao) à écrire ces conditions noir sur blanc», dit-il à l’AFP. M. Sou rappelle également la chute récente du «roi du junket» Alvin Chau, condamné à 18 ans de prison la semaine dernière par un tribunal local pour avoir dirigé un empire illégal du jeu. Un «junket» est un intermédiaire qui facilite la venue dans les casinos de Macao des joueurs en leur servant à la fois de tour-opérateur et de prêteur. M. Chau était le pionnier de cette industrie qui a attiré de nombreux parieurs continentaux grâce à des salles VIP et des extensions de crédit. «Cela a été un signal majeur à la société que, même si nous revenons à la normalité, nous ne pouvons plus utiliser les vieilles méthodes pour faire fortune», estime Sulu Sou. Le secteur VIP représentait 15% des revenus de l’industrie avant la pandémie, mais la majorité de ces gains serait aujourd’hui «définitivement perdue» pour des questions de réglementation, ont écrit des analystes du Credit Suisse.

«Gloire d’antan»

Le mois dernier, Macao a aboli la plupart de ses restrictions sanitaires et rouvert ses frontières, emboîtant le pas à la Chine. Pour des habitants comme Mariana Soares, pharmacienne, la réouverture a mis fin à trois ans d’anxiété et de marasme économique et fait l’effet d’un électrochoc. «Soudainement, tout le monde arrive et c’est comme si tout ce qui s’était passé avant avait été effacé», dit-elle à l’AFP. Kam Pang, propriétaire d’une salle de danse, va de son côté cesser son activité après deux années «mentalement éprouvantes» et des pertes de 25 000 dollars (23 000 euros) provoquées par la fermeture obligatoire des commerces. «On ne pouvait plus faire d’affaires parce que tout à coup nous étions confinés pour 15 jours à cause du virus», rappelle-t-il. Désireuse de mettre la Covid derrière elle, la ville a mis les bouchées doubles pour le nouvel an lunaire, espérant capitaliser sur l’événement pour soutenir la dynamique économique. Les hôtels haut de gamme étaient complets et les autorités ont noté un retour des voyageurs en week-end, environ à la moitié du niveau d’avant la pandémie. Les recettes des jeux d’argent grand public devraient s’établir à 55% de leur niveau pré-Covid d’ici la fin de l’année, puis à 85% en 2024, selon des analystes du Credit Suisse. «Macao va se relever, je ne sais juste pas si elle retrouvera sa gloire d’antan», s’interroge Mme Soares, qui envisage de déménager pour trouver de meilleures perspectives sur le plan économique. Pour Kam Pang, «la question est de savoir si les gens voudront venir à Macao, non pas pour parier, mais pour y faire autre chose».

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