Japon : Les écoles désaffectées, un défi pour d’innombrables communes

09/01/2024 mis à jour: 02:22
AFP
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Le portail d’entrée de l’ancienne école primaire d’Ashigakubo, à Yokose, dans le département de Saitama

Des milliers d’écoles ont fermé ces 20 dernières années au Japon, conséquence de son déclin démographique extrême. Pour leur redonner vie, les municipalités doivent être inventives mais aussi respectueuses de l’opinion de leurs administrés, souvent sentimentalement attachés à ces bâtiments.

 Avec le temps ont blanchi les photos d’enfants souriants ornant les murs d’un escalier de l’école primaire d’Ashigakubo, dans le département de Saitama au nord-ouest de Tokyo, qui a fermé ses portes en 2009. Mais la trentaine d’enfants qui restaient à la fin étaient heureux de rejoindre une école plus grande «parce qu’ils ne pouvaient pas se faire beaucoup d’amis ici», raconte à l’AFP Yoshinari Tomita, le maire de Yokoze, la ville dont Ashigakubo fait partie. Dans la cour de récréation, l’aire de jeux a disparu, devenue dangereuse faute d’entretien. Et la piscine abandonnée s’est transformée en un étang peuplé de canards et de libellules.

Cependant, la partie la plus ancienne de l’école, datant de 1903, a été préservée, les autorités locales s’efforçant de redonner vie à ces salles en bois surannées et emplies de nostalgie.
 

«Rendre heureux» les habitants

Les lieux accueillent notamment un atelier parents-enfants hebdomadaire et sont parfois loués pour des tournages, des événements de cosplay (déguisements en personnages de la pop-culture) ou des séminaires d’entreprises. Et le site est rentable: la ville de Yokoze en a tiré un dernier bénéfice annuel de 200 000 yens (environ 1280 euros) et assure que ce montant était nettement supérieur avant la pandémie de Covid-19, quand plus d’événements étaient organisés.Pour cette commune d’environ 7800 habitants dont les finances se rétrécissent parallèlement à son déclin démographique, un bâtiment réutilisable et symbolique comme celui de l’école d’Ashigakubo était trop précieux pour s’en passer. «Je veux retrouver des moyens de réutiliser (l’école, ndlr) pour rendre heureux les habitants du quartier», explique M. Tomita qui se félicite d’avoir mis le bâtiment aux normes parasismiques avec l’aide du département en 2019, pour en faire également un centre d’évacuation en cas de catastrophe naturelle.

 Le Japon compte aujourd’hui 14,4 millions d’enfants de moins de 15 ans, soit à peine 11,5% de la population totale et quatre millions de moins qu’au début des années 2000. L’archipel nippon a la population la plus âgée au monde après Monaco.Ainsi entre 2002 et 2020, 8580 établissements scolaires publics ont fermé dans le pays, selon les dernières données du ministère de l’Education. Sur les 7400 encore debout en 2021, 74,1% étaient réutilisés et seulement 2,9% devaient être détruits. Ces chiffres sont toutefois trompeurs car la réutilisation des bâtiments n’est souvent que partielle, comme dans le cas de l’école d’Ashigakubo.
 

Patates douces

Dans le département d’Ibaraki, au nord-est de Tokyo, la ville de Namegata connaît aussi par cœur le sujet du déclin démographique et l’un de ses problèmes corollaires, les fermetures d’écoles. Entre 2009 et 2023 la population de Namegata (30 000 habitants aujourd’hui) a chuté de 20% et le nombre de ses enfants scolarisés a fondu de plus d’un tiers. Résultat, le nombre de ses établissements scolaires est passé de 22 à 7. Diverses aides publiques existent toutefois au Japon pour aider les communes à gérer ces profondes mutations. Et notamment quand un projet de reconversion d’une ancienne école paraît prometteur. L’une des écoles désaffectées de Namegata a été rachetée par une entreprise privée qui l›a transformée depuis 2015 en un parc de loisirs agricole, avec des boutiques de produits fermiers, des ateliers culinaires et un musée consacré à... la patate douce, une spécialité locale dont les Japonais raffolent, y compris pour des desserts. 

«Cela permet de rendre les habitants heureux, de créer des emplois et de poursuivre la production de la spécialité locale qu’est la patate douce», se félicite Tetsuro Kinoshita, un responsable du Village fermier de Namegata. «C’est l’un des cas exemplaires de réutilisation d’une école dans le pays» car cela a permis de redynamiser la commune et l’agriculture locale, renchérit Shuya Suzuki, le maire de la ville. L’idéal pour un ancien établissement scolaire est d’»en faire quelque chose de très proche des habitants, en lien avec la région, comme l’école a été longtemps un emblème de la communauté», estime M. Suzuki. D’autres anciennes écoles de Namegata, trop chères à rénover, doivent en revanche être démolies.  Mais «ces travaux sont coûteux et nous ne pouvons pas le faire sans le soutien de l’Etat. Et il nous reste peu de temps, car la durée des subventions est limitée. C’est très difficile à gérer, mais nous n’avons pas d’autres options», ajoute le maire.

 

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