Malgré le bouclage des frontières, la vague Omicron s’abat sur une population encore très préservée. Sans troisième dose pour renforcer sa protection.
«Mais où nous emmenez-vous ?» «On ne sait pas. On va demander…», répondent ceux chargés des quelques dizaines de passagers arrivés ce jour à l’aéroport de Tokyo-Narita.
La réponse ne viendra jamais. Mais après 2 tests PCR négatifs, 8 heures de vol et 4 heures éreintantes de formalités, cette dizaine d’arrivants au Japon n’a plus le cœur à protester. Ils sont venus de l’étranger ; ils en paieront le prix en s’isolant six jours dans un lieu réquisitionné par le gouvernement. Destination inconnue.
En général, cela se passe dans un hôtel très correct. Cette fois, faute de place, le bus les dépose au bout d’une heure au… dortoir étudiant de l’académie de police de Fuchu. Les locaux sont propres mais spartiates, voire vétustes. Internet et la télévision fonctionnent par intermittence. Tout comme le chauffage alors qu’il ne fait pas dix degrés.
À quoi s’ajoutent les règles vexatoires du lieu : les chambres ont une véranda mais les pensionnaires n’ont pas le droit d’y aller. Et interdiction de poster des photos de la chambre sur les réseaux sociaux.
On remarque parmi cette communauté de pensionnaires, plutôt dans la fleur de l’âge, une Japonaise âgée de… 82 ans. Tous séjourneront six jours puis seront renvoyés à l’aéroport de Tokyo-Narita, à charge pour eux de rejoindre leur domicile par leurs propres moyens, sans utiliser les transports publics.
Cette dame n’est peut-être pas la plus à plaindre. Au ministère des Affaires étrangères nippon, un diplomate est devenu célèbre en interne pour être reparti à son point de départ après avoir mal rempli ses papiers. Destination: Kigali, Rwanda. 60 heures de vol en quelques jours.
Tension face à la vague Omicron
«A Narita, on m’a expliqué que normalement, les dortoirs sont réservés aux Japonais en bonne santé, pas aux retraités ni aux étrangers», raconte une résidente américaine actuellement en quarantaine.
La dame de 82 ans ne devrait pas se trouver là; mais qu’elle ait abouti à un tel point de chute trahit l’extraordinaire tension dans laquelle se trouve le Japon face à la vague Omicron. L’Archipel maintient ses frontières fermées. Aucun grand pays, hormis la Chine, ne persiste ainsi.
Il y voit un barrage contre le virus, une digue qui préserve le cours relativement normal de son économie et de sa société, jamais sous état d’urgence. Il y a laissé une partie de son capital sympathie dans le monde ; mais son Premier ministre y a gagné sa popularité.
Or cette «stratégie» «zéro Covid», qui ne dit pas son nom, est en train de se fracasser. À cause de sa contagiosité, la vélocité d’Omicron dans la population est si fulgurante qu’elle défait le filet sanitaire mis en place pour limiter le nombre de cas, variable de référence surveillée comme le lait sur le feu par les médias locaux. Malgré le faible usage des tests par le Japon (5 fois moins que la Corée du Sud par exemple, selon Our World in Data), le nombre de cas s’envole : 11.782 vendredi contre 571 dix jours plus tôt.
Le seuil de 5% de testés «positif» au-dessus duquel, selon l’OMS, l’épidémie n’est plus «sous contrôle», a été franchi le 8 janvier. Le Japon est, selon une logique prévisible, en train de s’accrocher à la même exponentielle que les autres pays visités par Omicron.