Le guide suprême iranien l’ayatollah Ali Khamenei a entériné hier l’élection du réformateur Massoud Pezeshkian en tant que neuvième président de la République islamique. «J’approuve l’élection (du) sage, honnête, populaire et érudit M. Pezeshkian, et je le nomme président de la République islamique d’Iran», a-t-il déclaré dans un message lu par son directeur de bureau, cité par l’AFP.
Elu au second tour de la présidentielle le 5 juillet, Massoud Pezeshkian, 69 ans, doit prêter serment demain devant le Parlement pour débuter un mandat de quatre ans. Il va succéder à Ebrahim Raïssi, mort dans un accident d’hélicoptère en mai. Dès son installation, M. Pezeshkian a nommé le réformateur Mohammad Reza Aref premier vice-président, a rapporté la télévision d’Etat. Agé de 72 ans, ce dernier a assuré les mêmes fonctions lors du second gouvernement du réformateur Mohammad Khatami de 2001 à 2005. Docteur en électronique de l’université américaine Stanford, il était ministre des Communications lors du premier mandat de M. Khatami. Il a été le représentant de la capitale Téhéran au Parlement pour un mandat de quatre ans en 2016, où il dirigeait le groupe des réformateurs.
M. Pezeshkian a remporté le second tour de l’élection présidentielle contre l’ultraconservateur Saeed Jalili, avec 53,6% de voix contre 44,3%, sur environ 30 millions de suffrages exprimés. Saeed Jalili et l’ancien président modéré Hassan Rohani, qui a soutenu sa candidature aux côtés de la principale coalition des réformateurs en Iran, ont assisté à la cérémonie lors de laquelle l’ayatollah Khamenei a indiqué que «la priorité dans la politique étrangère» reste les pays voisins de l’Iran. «Une autre priorité concerne les pays qui nous ont soutenus pendant les pressions de ces dernières années», a-t-il ajouté, allusion à la Russie et la Chine.
«Les pays européens ne nous ont pas bien traités ces dernières années, (notamment en lançant) de fausses accusations telles que les (violations des) droits de l’homme», a-t-il constaté. Et d’affirmer : «S’ils ne nous traitent pas aussi mal, les Européens, eux aussi, feront partie de nos priorités.» M. Pezeshkian est en faveur de «relations constructives» avec les Etats-Unis, ennemi de l’Iran, et les pays européens pour sortir le pays de son «isolement».
Négocier avec Washington
Mais le président en Iran a des pouvoirs restreints : il est chargé d’appliquer, à la tête du gouvernement, les grandes lignes politiques fixées par le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, chef de l’Etat et ultime décideur sur les dossiers stratégiques.Les élections iraniennes se sont déroulées dans un contexte de tensions régionales accrues, au moment où la République islamique, poids lourd du Moyen-Orient, est au cœur de plusieurs crises géopolitiques, de la guerre à Ghaza au dossier nucléaire, dans lesquelles elle s’oppose aux Occidentaux.
Le nouveau Président a promis de négocier avec Washington pour relancer les pourparlers sur le nucléaire iranien, au point mort depuis le retrait américain en 2018 d’un accord international conclu en 2015. Lors de la campagne électorale, il a promis de «sortir l’Iran de son isolement» en établissant des «relations constructives» avec le monde, notamment les pays européens, pour atténuer les effets des sanctions économiques que lui a imposées l’Occident. Ces sanctions ne ciblent pas seulement son pétrole. Les premières ont été décrétées il y a près de 45 ans. Les Etats-Unis ont imposé un embargo sur les biens de consommation iraniens et gelé 12 milliards de dollars d’avoirs iraniens après la prise d’otages à l’ambassade américaine de Téhéran, qui s’est étalée du 4 novembre 1979 au 20 janvier 1981. D’autres ont par la suite été prises au fil des décennies, principalement par Washington et l’Union européenne. Fin avril. Les Etats-Unis ont encore renforcé leurs sanctions contre l’Iran, ciblant de nouveau l’industrie des drones militaires, en parallèle à des sanctions similaires prises par le Canada et le Royaume-Uni.
Ces mesures font suite à l’attaque de Téhéran contre Israël le 13 avril, avec 350 drones et missiles, en riposte à une attaque qui a détruit son consulat à Damas, en Syrie, que l’Iran attribue à Tel-Aviv. Nul n’aurait parié cependant sur ce député de Tabriz (nord-ouest), lorsque sa candidature a été validée avec celles de cinq autres candidats, tous conservateurs, pour cette présidentielle avancée en raison du décès accidentel du président Raïssi. Massoud Pezeshkian n’est, en effet, pas l’une des figures de proue des camps réformateur et modéré, qui ont nettement perdu en influence face aux conservateurs ces dernières années.
Ce chirurgien de profession a une expérience gouvernementale limitée, qui se résume à un poste de ministre de la Santé de 2001 à 2005 dans le gouvernement réformateur de Mohammad Khatami. Il s’est fait connaître pour ses critiques envers le pouvoir, notamment le recours de la police à la force pour appliquer l’obligation du port du voile par les femmes.
«Nous nous opposons à tout comportement violent et inhumain (...) notamment envers nos sœurs et nos filles, et nous ne permettrons pas que de tels actes se produisent», a-t-il déclaré. Un vaste mouvement de protestation a été déclenché par la mort en détention de Mahsa Amini en septembre 2022.
Cette jeune Kurde a été arrêtée par la police des mœurs qui lui reprochait d’avoir enfreint le code vestimentaire strict pour les femmes. Massoud Pezeshkian s’est élevé contre le manque de transparence des autorités dans cette affaire. Aussi, il s’est présenté comme la «voix des sans-voix». Il a promis d’œuvrer pour améliorer les conditions de vie des plus défavorisés.