Investi officiellement après sa réélection le 24 avril : Quel partenariat avec l’Algérie durant le second mandat d’Emmanuel Macron ?

09/05/2022 mis à jour: 01:14
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Réélu le 24 avril dernier pour un second mandat, le président français, Emmanuel Macron, se succède officiellement à lui-même, après la cérémonie d’investiture qui a eu lieu ce samedi 7 mai au palais de l’Elysée. Alors qu’il a fait avancer le travail de mémoire sur la Guerre d’Algérie depuis 2017, avec son choix de «politique des petits pas», la question se pose désormais sur sa stratégie future à ce sujet en particulier, et concernant les relations bilatérales de manière générale. 

Pouvant être libéré de tout enjeu électoral personnel et partisan à partir des législatives de juin prochain, contrairement à ses prédécesseurs subissant la pression permanente de leurs partis traditionnels, le 8e président français depuis la Ve République pourrait avoir envie d’aller au bout de ses «convictions personnelles» sur de nombreux dossiers auxquels il a renoncé, contraint, dans la perspective de sa réélection, désormais acquise. On pense notamment à la réforme des retraites, au renforcement du parc nucléaire, à la réduction de la dette publique, etc. 
 

Or, il y a aussi ce qu’il pense «intimement», selon de multiples témoignages de ses proches, des crimes coloniaux commis par la France en Algérie, et d’un possible meilleur avenir des relations entre les deux pays si la question mémorielle venait à être définitivement réglée. Voudra-t-il donc aller plus loin dans sa condamnation de la colonisation ? Quel partenariat pourrait-il proposer à notre pays ?
 

Pour avoir quelques indices sur les volontés du «Président nouveau», comme il se qualifie lui-même, il faut lire entre les lignes de son discours marquant le début de son nouveau quinquennat. En effet, il y a réaffirmé sa résolution à faire de trois thématiques le triptyque de son action durant les cinq prochaines années : l’écologie, les réformes socioéconomiques et la politique étrangère. 
 

Évoquant l’«urgence écologique», il s’est engagé à transformer la France en une «puissance écologique», faisant le «serment de léguer une planète plus vivable». Conscient aussi de la défiance d’une majeure partie de la société française envers sa mandature renouvelée, au moins deux tiers de la population, à en croire les résultats du premier tour de l’élection présidentielle, il a promis de «réformer autrement avec l’association de tous» et d’agir pour «faire du pays une puissance agricole, industrielle, scientifique et créative plus forte, en simplifiant les règles et en œuvrant pour le plein emploi». 
 

A l’entame de son deuxième et dernier mandat, Macron n’a pas omis de souligner les crises internationales majeures de ces dernières années et leurs conséquences, particulièrement la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, qui ont engendré, selon lui, «un monde déstabilisé», où de nombreux pays choisissent le nationalisme et le repli sur soi. C’est pourquoi il a appelé les partenaires de la France, d’abord en Europe, à bâtir «une paix européenne et une nouvelle autonomie sur le continent», et, ensuite, dans le reste du monde, à poursuivre «la lutte contre le terrorisme international qui sévit toujours», en sachant que l’armée française n’arrive toujours pas à sortir seule du bourbier djihadiste du Sahel, surtout avec la crise diplomatique avec le Mali qui dure depuis des mois et qui ne cesse de s’aggraver. 
 

On tient là le premier élément qui peut constituer le fer de lance d’un projet de renouveau du partenariat entre Paris et Alger, qui ont toujours exprimé leur engagement à construire un axe stratégique gagnant-gagnant. Dans ce sens, Emmanuel Macron a eu un entretien téléphonique avec le président Tebboune, qui lui a adressé ses «félicitations pour sa réélection», à la veille de son investiture. «Les deux chefs d’Etat ont réaffirmé leur volonté de poursuivre la dynamique positive dans la relation bilatérale entre la France et l’Algérie. Ils ont discuté de la guerre en Ukraine et de ses conséquences. Ils ont, par ailleurs, évoqué les crises régionales, notamment au Mali, et sont convenus de renforcer la coordination entre les deux pays sur ces questions», lit-on dans un communiqué de l’Elysée. 
 

Les Algériens ont effectivement le pouvoir d’influer sur leurs voisins du Sud, comme ils l’ont fait dans le passé, afin de trouver des solutions pragmatiques qui arrangent toutes les antagonistes. Concernant la guerre en Ukraine, il est certainement exclu qu’ils s’opposent aux Russes diplomatiquement. Notre pays pourrait néanmoins trouver un intérêt, avec de bonnes contreparties, à s’impliquer davantage sur un plan économique avec ses partenaires européens, et singulièrement français, qui sont à la recherche d’alternatives pour réduire leur dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Le gaz et le pétrole algériens sont en vue. 
 

La question énergétique est de surcroît un enjeu interne en France tant il y a une volonté manifeste des différentes forces politiques, particulièrement écologiques, de se passer des énergies fossiles dans les quelques décennies à venir, mais aussi du nucléaire. Là encore, le gigantesque potentiel du solaire algérien peut représenter l’une des pistes sérieuses pour solutionner cette équation.
 

Vu la relation personnelle, plutôt bonne, qui existe entre les deux chefs d’Etat depuis l’arrivée au pouvoir de Abdelmadjid Tebboune, en décembre 2019, soutenu par son homologue français qui le qualifie d’«homme courageux», ces dossiers peuvent être la base de départ de nouvelles négociations pour une plateforme d’accord. Cela pourrait même relancer le fameux projet mort-né du «traité d’amitié entre l’Algérie et la France», de 2003, à condition que les facteurs historiques bloquants soient levés, en l’occurrence ceux en lien avec le dossier mémoriel qui a été systématiquement la cause des froids diplomatiques entre les deux rives de la Méditerranée. 
 

Le «devoir de mémoire» et la reconnaissance des crimes de la colonisation seront donc décisifs pour établir des relations apaisées et normalisées, voire excellentes, entre les deux pays. Pour ce faire, le président Macron devrait se démener pour régler les dossiers les plus épineux : excuses officielles pour tous les crimes coloniaux, indemnisation des victimes algériennes des essais nucléaires, etc. Au bout, la consécration serait une réconciliation algéro-française, de la même importance que la réconciliation franco-allemande de 1963, qui serait significative d’une coopération exceptionnelle et cruciale d’un point de vue géopolitique dans la région méditerranéenne, sur plusieurs volets, économique et énergétique, sécuritaire et militaire, migratoire, etc.

Paris
De notre bureau Samir G.

 

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