Le ministère français de l’Education nationale a mis en avant le port de l’abaya qui sera désormais interdit. Masquant ainsi les autres soucis d’une rentrée compliquée.
Jeudi 31 août, à quelques jours de la rentrée scolaire, le ministre français de l’Education nationale, Gabriel Attal, a annoncé qu’une note de service serait rapidement envoyée aux chefs d’établissement concernant la règle d’interdiction du port de l’abaya à l’école. Pour les commentateurs, ce vêtement était une manière pour les jeunes collégiennes et lycéennes de contourner la loi de 2004 qui interdit tout signe religieux dans les établissements scolaires.
Vêtues de ces longues abayas, il leur suffisait dès l’entrée dans leur collège ou lycée de retirer leur foulard. Gabriel Attal, interrogé sur France Info a réitéré «qu’on ne peut pas porter l’abaya ou le qamis dans l’école de la République». Sa note donnera «un certain nombre de pistes, de guide, pour mettre en place un travail d’échange». Un courrier sera aussi envoyé au gré des chefs d’établissement aux familles des élèves concernées.
Pour le ministre, il s’agit, dès ce lundi 4 septembre, d’édicter des «règles claires», permettant de bien cibler quels sont les habits mis en cause. Huit enseignants sur 10 sont favorables à cette interdiction, selon un sondage IFOP de juin. Une étude avait indiqué que les atteintes à la laïcité ont augmenté de 120% entre 2022 et 2023, surtout dans les grandes agglomérations et les banlieues, mais aussi dans les villes moyennes.
Cette décision d’interdiction a fait s’élever une série de protestations dans une partie de la gauche. Ainsi, la France insoumise envisage de dénoncer cette interdiction devant le Conseil d’Etat. Le coordinateur du parti Manuel Bompard enferme les musulmans en généralisant la mesure gouvernementale d’interdiction qui, selon lui, va «se traduire encore une fois par des discriminations à l’égard des jeunes femmes et en particulier des jeunes femmes de confession musulmane (…).» «Quand on commence à réglementer les tenues, en particulier les tenues des femmes, on ouvre une boîte de Pandore de laquelle on ne sortira pas», a-t-il dit. Pourtant les associations cultuelles, comme le CFCM, ont clairement énoncé que «l’abaya n’est pas une tenue religieuse, c’est une forme de mode», comme l’a déclaré le vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Abdallah Zekri.
Pour le CFCM, «l’abaya n’est pas une tenue religieuse»
Toute la gauche n’est cependant pas sur le même pied. Ainsi le socialiste Jérôme Guedj déclare : «Dès l’instant où l’abaya ou le qamis sont portés dans une dimension ostentatoire, alors il faut les interdire comme la loi de 2004 le permet, sans difficultés majeures.» Il répondait à Clémentine Autain qui craignait une «police du vêtement». Pour Guedj : «Ce n’est donc pas une police du vêtement mais une police du prosélytisme à l’école.»
L’historien Fabrice Riceputi met dos à dos le gouvernement et une partie de la gauche qui soutient la mesure d’interdiction, parlant de «grossier piège tendu par le pouvoir», «au nom d’une laïcité dévoyée». Le gouvernement a ainsi réussi à fracturer la gauche, alors que des échéances électorales approchent avec le prochain scrutin européen.
Dans le même temps, il fédère les énergies dispersées dans son camp et à sa périphérie, tout en obligeant la droite et l’extrême droite à applaudir son opiniâtreté, alors que les thèmes à l’islam prolifèrent, sachant que les islamistes sont de plus en plus assimilés aux musulmans. Ainsi l’ancienne ministre Jeanne Boughrab écrit sur X : «La laïcité de valeur constitutionnelle n’est pas à géométrie variable.
Le ministre a le courage de décider d’interdire l’abaya, de ne pas laisser les chefs d’établissement seuls face à cet obscurantisme. L’école doit être préservée de tout prosélytisme religieux.»Toujours est-il que l’interdiction de cet habit, qui n’a rien d’une prescription religieuse, est soutenue par une majorité de Français (parmi lesquels figurent les musulmans).
Dans un sondage réalisé par YouGov par Le HuffPost du 28 au 29 août, plus de 7 sondés sur 10 (75%) se disent favorables à l’interdiction annoncée. Et ce thème est majoritaire même chez les électeurs de gauche.