En présence de sa réalisatrice, Jacqueline Gozland, le film documentaire revenant sur la vie et la musique de Reinette l’oranaise, «Port des amours», a été projeté mardi dernier à l’Institut Français d’Oran en présence d’un public nombreux. Réalisé en 1992, soit il y a de cela 31ans, ce documentaire, réalisé pour le compte de la chaine ARTE, a déjà été projeté à Oran, il y a quelques décennies de cela.
Néanmoins, il a bénéficié, depuis, d’un travail de restauration ce qui nous permet aujourd’hui de le revoir en haute définition et permet surtout sa conservation pour les générations à venir, avec, à la clef, des images précieuses témoignant de toute une époque musicale dont le souvenir a tendance parfois à s’amenuiser dans la mémoire collective. Jacqueline Gozland, la réalisatrice, elle-même native de Constantine, a dit vouloir, par le tournage de ce film, lutter contre «une amnésie traumatique» de son enfance, elle qui a quitté l’Algérie à l’âge de 8ans et dont le père est enterré au cimetière de Constantine.
Au départ, l’idée était de faire un long-métrage, une fiction en bonne et due forme sur l’histoire de Reinette dans les années 30 et 40 et la naissance, par ricochet, de cette musique judéo-arabe, qui a connu un engouement sans pareil. L’acteur Richard Berry devait même jouer le rôle de Saoud l’oranais, son maître de musique.
Cela dit, avoue-t-elle, faire un film de fiction sur l’Algérie des années 40 en 1988 n’était pas une sinécure, loin s’en faut ! Il fallait tout un travail de restitution nécessitant, on le devine aisément, un budget conséquent. Si les gens du métier étaient plus ou moins partants, l’enthousiasme ne semblait pas être au rendez-vous. Ne lâchant pas le morceau pour autant, Jacqueline Gozland a néanmoins fait jouer Reinette dans «Amours éternelles» un de ses courts-métrages sélectionné au festival de Cannes, et qui prend les allures d’un poème musical avec les deux artistes que sont Reinette et son acolyte de toujours Mustapha Sandrani ainsi que sur le piano, des photos de Samia Gamal et Farid El Atrache.
Ce n’est que par la suite, soit en 1992, que «Le port des amours» a été réalisé. Le film, qui interviewe longuement Reinette l’oranaise, et beaucoup de ses amis et admirateurs (notamment Safy Boutella) a été tourné principalement à Marseille, que ce soit sur un bateau ou dans les petits cabarets où Reinette, avec ses musiciens, se produisait alors. Si la réalisatrice était venue en Algérie, en amont, pour un travail de repérage, notamment à Tiaret, ville de naissance de Reinette, le début de la décennie noire, malheureusement, a empêché qu’une partie du tournage se fasse dans les rues d’Alger et d’Oran. Si, dans «Le port des amours», Reinette s’était montrée souvent très enjouée face à la caméra, revenant sur son enfance, sa cécité, ses anecdotes, le café musical du 5 de la rue de la révolution à Oran et d’une manière plus générale de la musique judéo-arabe qui a embelli sa vie, à une question de la réalisatrice sur un éventuel retour en Algérie, l’artiste s’était braquée, ne voulant piper mot.
Institut français d’Oran : Pleins feux sur Reinette l’Oranaise
La réalisatrice a néanmoins expliqué à l’assistance, lors du débat qui a suivi la projection, que le président Chadli, à cette époque, lui avait envoyé une missive officielle l’invitant à venir chanter en Algérie, mais cela ne s’était pas fait. «Bien sûr, c’était le début des années noires, mais certaines personnes (nldr : dans son entourage) n’ont peut être pas insisté pour qu’elle puisse franchir le pas. Il fallait qu’il y ait des gens qui poussent, insistent, s’il y avait eu ce pas, il y aurait eu autre chose», dit-il. Reinette l’oranaise, rappelons-nous, est décédée en 1998 à l’âge de 83ans. Elle repose, depuis, au cimetière juif de Pantin, près de Paris.