Industrie textile : Au Japon aussi, les vêtements d’occasion se démocratisent

20/12/2023 mis à jour: 07:42
AFP
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Des clients regardent des articles de seconde main de la marque japonaise Uniqlo vendus dans un pop-up store

Une boutique éphémère de vêtements de seconde main en plein Tokyo : un événement anecdotique de nos jours, si ce n’est qu’il s’agissait de la première expérience mondiale en la matière pour Fast Retailing (Uniqlo), le géant japonais du prêt-à-porter. 

Proposant des articles Uniqlo vendus au tiers de leurs prix d’origine et parfois reteints pour renforcer leur style «vintage», ce pop-up store avait été installé pendant une dizaine de jours en octobre près d’un magasin phare du groupe dans le quartier branché de Harajuku. 

Une initiative modeste, mais «une étape importante pour décider de la future stratégie de la marque sur un segment de plus en plus porteur», souligne auprès de l’AFP Aya Hanada, la responsable monde de RE. Uniqlo, l’entité chapeautant les divers projets de l’enseigne autour des vêtements usagés. «Je pense que le sentiment de résistance vis-à-vis des vêtements d’occasion a disparu au Japon, surtout parmi les jeunes car l’accès à ce type de produits est devenu plus facile, notamment grâce au commerce en ligne», ajoute Mme Hanada, 45 ans. L’irruption de Uniqlo «est le signe que la réutilisation des vêtements devient une tendance complètement grand public au Japon», estime Michael Causton, co-fondateur du cabinet d’études Japan Consuming. Son cabinet évalue la taille de ce segment à 650 milliards de yens (4 milliards d’euros), sur un marché total de l’habillement au Japon chiffré à 11 000 milliards de yens (plus de 67 milliards d’euros). 

Une part de marché encore relativement faible donc, mais en plein essor, «de l’ordre de 40% en dix ans, avec une forte accélération depuis cinq ans», relève M. Causton, interrogé par l’AFP.
 

«Une affaire de mode» avant tout 

Le textile est l’une des industries les plus polluantes au monde : seulement 13% de ses matériaux sont recyclés d’une manière ou d’une autre, selon un rapport de la Fondation Ellen MacArthur de 2017 faisant toujours référence. Au Japon, 34% des vêtements jetés sont recyclés ou réutilisés d’après le ministère nippon de l’Environnement. Mais cela inclut les exportations vers des pays en développement, où ces déchets finissent aussi souvent dans des décharges ou sont incinérés «Au Japon, c’était une affaire de mode avant de devenir également une question d’économie circulaire, à l›inverse peut-être d›autres pays comme la France ou le Royaume-Uni», relève M. Causton. «Je suis conscient du côté durable (des vêtements de seconde main, NDLR), mais j’en achète souvent simplement parce qu’ils sont stylés», confie Yamato Ogawa, 28 ans, croisé par l’AFP dans la boutique éphémère de Uniqlo. 
 

L’effet Mercari 

D’autres marques japonaises se sont déjà jetées sur ce marché. 
La chaîne 2nd Street, dont c’est la spécialité, a notamment connu un développement fulgurant dans l’archipel ces dernières années. Un autre catalyseur a été l’explosion de la vente en ligne entre particuliers, tirée essentiellement par la plateforme japonaise Mercari, sur laquelle environ un tiers des transactions (en valeur) concerne des articles de mode. 

L’hygiène est une préoccupation culturelle majeure au Japon, et c’était une barrière réelle  pour le consommateur moyen vis-à-vis des vêtements d’occasion, selon M. Causton. «Mais cela a changé avec Mercari, qui a rendu la vente entre particuliers digne de confiance, parce que le paiement n’est réglé qu’après réception du produit».
L’inflation, qui pèse depuis 2022 sur le pouvoir d’achat des Japonais, les inciterait aussi davantage à se tourner vers les vêtements d’occasion. «Dans une enquête que nous avons menée l’an dernier, les vêtements arrivaient en première position dans les achats sur Mercari comme contre-mesure face à la hausse des prix», explique à l’AFP une porte-parole de la plateforme.

 Les vêtements d’occasion au Japon sont par ailleurs populaires à l’étranger «parce que les gens savent que les Japonais prennent soin de leurs affaires», selon M. Causton. «J’ai l’impression qu’au Japon les vêtements usagés sont de bonne qualité (...) et s’il y a un défaut c’est clairement indiqué», déclare à l’AFP Charlotte Xu, une touriste australienne de 18 ans en train de flâner dans une friperie à Harajuku. «Dans mon pays, tout est empilé, il faut fouiller soi-même. Alors qu’ici tout est joli et soigné, et vous pouvez trouver ce que vous voulez», s’émerveille-t-elle. 
 

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