Pour Sofiane Si Merabet, fondateur de l’agence de marketing culturel Karta basée à Dubaï, toute la difficulté est de trouver le juste équilibre «entre commercialisation croissante du Ramadhan et appréciation culturelle de ce moment-clé».
Vêtements amples et couvrants, tons neutres ou pastel : les collections spéciales Ramadhan sont devenues incontournables pour nombre de grandes maisons de luxe occidentales, qui cherchent à cibler un marché du Moyen-Orient en plein essor.
Dior, Gucci, Vuitton, Versace, Prada, Fendi, Armani, Dolce&Gabbana, Louboutin... ces séries «capsules» exclusives pour le Ramadhan 2023 (23 mars-21 avril) sont pour la plupart vendues uniquement dans les pays du Golfe et s’adressent aux femmes, seules quelques maisons ayant dessiné une collection homme.
Si les sacs et chaussures se parent d’or et d’argent, la sobriété prime dans la majorité des vêtements proposés, comme chez Loro Piana, dont les caftans amples, tuniques longues et pantalons flottants en soie et lin se déclinent dans des tons neutres ou pastel.
Plus rares sont les marques à opter pour des couleurs vives, des tissus fleuris ou des motifs géométriques, comme Gucci avec sa capsule «Nojum» («étoiles» en arabe). «Les marques de luxe en savent plus maintenant sur notre culture locale, notre islam.
Dans leurs vitrines, on peut voir des abayas et des djellabas, des collections pour le Ramadhan et l’Aïd el-Fitr», la fête de la rupture du jeûne, apprécie Moza El Katbi, Emiratie de Dubaï, vêtue d’une abaya noire (tenue traditionnelle portée au-dessus des habits) rencontrée par l’AFP au Mall of the Emirates, un des plus grands centres commerciaux de Dubaï aux nombreuses enseignes de luxe.
«C’est bien d’encourager ces achats si on en a les moyens. Le style oriental est beau aussi, il n’y a pas que la mode occidentale», renchérit Feriale Faraj, la soixantaine, tête couverte d’un hijab coloré.
Plus loin, Tamara, Russe aux cheveux blonds et jupe courte, dit «aimer porter des abayas» et se réjouit que «Dior cette année ait fait quelque chose de musulman, c’est très intéressant».
Le mot «Ramadhan» ne figure pas systématiquement dans les présentations de ces collections spéciales : certaines marques évoquent plutôt la «saison sacrée» ou cette «période spéciale de l’année» ; d’autres font seulement allusion au «Moyen-orient» voire aux «mille et une nuits» ou encore aux «cieux étoilés».
Attention aux «clichés»
Pour Sofiane Si Merabet, fondateur de l’agence de marketing culturel Karta basée à Dubaï, toute la difficulté est de trouver le juste équilibre «entre commercialisation croissante du Ramadhan et appréciation culturelle de ce moment-clé».
«Certaines marques s’engouffrent en mettant tous les clichés : la lune, le chameau, la femme dans le désert, les moucharabiehs... on peut jouer avec les codes mais cela dépend vraiment comment c’est fait : ce qui est fondamental quand on parle de Ramadhan, c’est l’authenticité, l’être-ensemble et non pas l’hyper-commercialisation.
Les marques doivent s’appuyer sur les communautés locales et les artistes locaux et non pas tout importer de Paris», estime Sofiane Si Merabet qui a travaillé pour de grands groupes de luxe.
Selon lui également, «de plus en plus on sort du cliché qu’au ramadan il faut avoir un modèle avec un voile : dans la plupart des campagnes» imaginées par les marques pour mettre en scène leurs séries spéciales Ramadhan, «les femmes ne sont pas voilées».
«Boom du tourisme, changement de comportement des consommateurs, nouveaux intérêts locaux pour la santé et le fitness, perspectives économiques en croissance, inflation relativement faible : la région est particulièrement attirante pour les marques internationales», résume Marguerite Le Rolland, analyste pour le cabinet d’études Euromonitor.
Selon elle, les groupes de luxe sont «d’autant plus enclins à capter les nouvelles opportunités offertes» par les Emirats, l’Arabie Saoudite, le Koweït ou encore le Qatar «maintenant qu’ils ont besoin de se diversifier et de réduire leur exposition en Europe, où l’économie est vulnérable avec la guerre en Ukraine, et alors que les incertitudes demeurent en Chine», premier marché du luxe qui a été secoué par les restrictions liées au Covid.