Le gouvernement mexicain mise sur les retombées de ce projet ferroviaire, piloté par le consortium Bombardier-Alstom. Mais la grogne à l’endroit du projet est au plus haut point.
Un premier tronçon du train Maya, projet touristique controversé du président Andrés Manuel Lopez Obrador, a été inauguré vendredi dans la péninsule du Yucatán avec la promesse de développer l’une des régions les plus pauvres du Mexique, malgré l’opposition des défenseurs de l’environnement.
Le premier tronçon de ce projet colossal relie sur 473 km la ville coloniale de Campeche et la station balnéaire de Cancun, principale destination touristique du pays avec 34 millions de visiteurs étrangers entre janvier et octobre, selon les chiffres officiels.
Au total, les sept tronçons du projet couvriront 1554 km autour de la péninsule, une région riche en flore, faune et sites archéologiques maya comme celui de Chichén Itza. Les autres devraient être opérationnels au premier trimestre 2024. «C’est un chantier gigantesque», s’est félicité le président Lopez Obrador en soulignant que les travaux avaient été terminés «en un temps record» de cinq ans avant la fin de son mandat (2018-2024).
Cette inauguration intervient six mois avant l’élection présidentielle, pour laquelle, selon les sondages, la gauche part favorite avec la candidature de l’ancienne maire de Mexico Claudia Sheinbaum, qui affrontera l’ancienne sénatrice de l’opposition Xochitl Galvez. Le train Maya est «une œuvre stratégique qui représente la renaissance du Mexique profond», s’est félicitée Claudia Sheinbaum sur X (ex-Twitter) en soulignant que les gouvernements antérieurs avaient «privatisé les trains et fait disparaître les trains de passagers». Des billets ont été mis à la vente.
Un trajet Cancun-Merida (300 km) coûte entre 735 et 1173,50 pesos (soit entre 43 et 68 dollars). Le gouvernement avait initialement prévu pour ce chantier débuté il y a cinq ans un budget de près de neuf milliards de dollars, mais l’Institut mexicain de la compétitivité (IMCO) estime qu’il est passé a 30 milliards de dollars.
La première fois en 70 ans
Des dizaines de personnes ont participé à la cérémonie à Campeche, où le train a été ouvert hier au public. «Ça nous permet de nous rendre à Campeche afin de poursuivre nos études», a fait valoir Lisandro Belén, originaire de la commune de Calkini, expliquant que beaucoup de ses camarades de classe «n’ont aucun moyen de transport». Venu de l’Etat de Mexico (centre), voisin de la capitale, Cresencio Rosales était ému. «C’est la première fois en 70 ans que je vois un train être inauguré», a-t-il dit.
L’administration du train a été confiée au secrétariat (ministère) de la Défense par le président qui compte sur l’armée pour lutter contre la corruption dans le financement de ces grands projets qui incluent également un nouvel aéroport inauguré en 2022 dans le nord de Mexico. Le train, dont les wagons ont été construits par l’entreprise française Alstom dans son usine du centre du Mexique, à Ciudad Sahagun, représente l’un des principaux projets d’infrastructure du gouvernement de Lopez Obrador.
Le premier président de gauche du Mexique affirme que le projet qui, dans une deuxième phase, inclura des wagons de marchandises, stimulera l’économie du sud-est du pays, une région à la traîne par rapport au nord industrialisé, à la frontière des Etats-Unis. Avant l’inauguration, le président a déclaré que le projet, qui combinera des trains électriques et au biodiesel, aura un effet multiplicateur sur le reste du Mexique, notant que plusieurs intrants ont été fabriqués localement.
L’itinéraire du train comprend des parties dans la paradisiaque Riviera Maya, qui englobe une région de jungle considérée comme la deuxième plus grande réserve forestière d’Amérique latine après l’Amazonie, ainsi que des rivières souterraines et des cénotes, ces réseaux de puits d’eau douce souterrains d’une grande valeur historique et touristique. Les défenseurs de l’environnement estiment que le projet endommage l’écosystème et menace d’un «écocide».
Ils ont saisi la justice qui a suspendu un temps les travaux, réalisés par l’armée et des entreprises privées, sur un tronçon de 130 km reliant Cancun à Tulum. Greenpeace et d’autres ONG ont notamment averti que le train menaçait de contaminer les cénotes et les rivières souterraines et d’affecter la flore et la faune.
Le président Lopez Obrador a répondu à ces accusations par un décret déclarant que ces travaux d’infrastructure relevaient de la «sécurité nationale», et le chantier a repris. Il a aussi promis de planter des millions d’arbres dans les zones concernées, alors que le site Animal Politico a dévoilé en février que 3,4 millions d’arbres avaient été abattus.