Quatre années se sont écoulées depuis l’apparition de la pandémie de la Covid-19 et ses effets aux conséquences graves sur la santé publique. Si la vie quotidienne a tant bien que mal repris son cours, les comportements et les habitudes sociales ont subi des transformations profondes, engendrant une recrudescence des troubles psychologiques, particulièrement chez les professionnels de la santé.
En effet, selon les experts, ces derniers continuent de souffrir de stress, de perte de contrôle, de dépression et d’autres maux. C’est pour sensibiliser à cette problématique cruciale que le Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (Snapap) a organisé, hier, une journée scientifique à l’Institut national de la formation supérieure paramédicale de Constantine.
L’événement, placé sous le thème «Impact de la pandémie Covid-19 sur les praticiens de la santé», a réuni des spécialistes venus débattre des défis auxquels font face les acteurs de la santé publique. «A travers le monde, 1,6 million de professionnels de la santé auraient contracté le virus de la Covid-19, et entre 80 000 et 180 000 en seraient décédés, selon les statistiques de l’OMS. Ces chiffres sont certainement sous-estimés en raison du manque de données», a révélé Halima Kebbabi, coordinatrice de la journée. L’intervenante a également souligné que les complications et les séquelles de la Covid-19 posent un réel problème de prise en charge.
Un constat alarmant
Le premier pas à franchir, selon Mme Kebbabi, consiste à évaluer la qualité de vie post-Covid-19 et l’impact de la pandémie sur les professionnels de la santé. L’objectif de cette journée scientifique était d’apporter un éclairage approfondi sur les bouleversements vécus pendant la crise, en analysant les situations de management auxquelles les professionnels de santé ont dû faire face, en tenant compte de la dimension humaine.
Dans le même cadre, la psychologue clinicienne Zennouba Ben Mechirah a livré une analyse éclairante des répercussions physiques et mentales subies par cette catégorie de personnes qui se trouvaient en première ligne face à la crise sanitaire. Elle a brossé un tableau alarmant des troubles auxquels sont confrontés les soignants. Selon ses estimations, 80% des cas Covid-19 parmi les professionnels de la santé présentent des troubles de l’activité électrique cérébrale, 77% des problèmes de mémoire, 50% des AVC cérébraux, 43% des troubles de santé mentale, tels que le stress et la dépression, et 42% des troubles du mouvement comme le tremblement et 35% des migraines. Ces troubles, d’une gravité préoccupante, découlent de plusieurs facteurs. Le port prolongé de la combinaison de protection, contraignant et étouffant, a eu des effets graves sur la santé des soignants.
Le confinement, loin d’apporter un répit, a exacerbé le stress et la dépression chez les individus déjà fragilisés psychologiquement. De plus, certains professionnels de la santé ont été rongés par l’auto-culpabilité, hantés par la peur d’avoir transmis le virus à leurs proches, voire à leurs patients, avec des conséquences parfois dramatiques. Pour sa part, Dr Aïssa Filali, du service des maladies infectieuses de la faculté de médecine de l’université Salah Boubnider - Constantine 3, a mis en lumière les séquelles persistantes de la Covid-19, phénomène désormais connu sous le nom de «Covid long». Ce syndrome post-aigu de Covid-19 s’impose comme une «réalité absolue» nécessitant une prise en charge et un suivi rigoureux.
Lors d’une intervention remarquée, le Dr Filali a plaidé pour une collaboration impérative, étroite et multidisciplinaire. Cette synergie d’expertises médicales, psychologiques, professionnelles et sociales est indispensable pour appréhender la complexité des manifestations du Covid long et proposer des réponses adéquates aux patients. La pandémie a, en effet, fragilisé les professionnels de santé à tous les niveaux, tant sur le plan relationnel qu’organisationnel et professionnel.
Notons à titre d’exemple, des conséquences relationnelles caractérisées par les conflits, l’agressivité et la tension. A cela s’ajoutent les conséquences organisationnelles perçues dans l’absentéisme, la défection des moyens et la faillite du circuit du personnel.
Les conséquences professionnelles étaient également mises en avant d’où il a rappelé la charge de travail, la baisse du rendement, et les fautes professionnelles. Certains parmi le personnel médical ont démissionné.
Une situation difficile à gérer
Dans le même sillage, l’enquête établie durant une année par Mohamed Adil Daas, Professeur de l’enseignement paramédical à Constantine, a révélé que la situation était difficile à gérer, où le personnel n’était pas formé sur le management situationnel, notamment les protocoles et les procédures ainsi que la gestion de l’émotion, à l’instar de la peur et du stress.
C’est pourquoi il a suggéré, entre autres «la capitalisation de l’expérience de la crise sanitaire Covid-19, en pérennisant les pratiques issues de la crise sanitaire. Actualiser les procédures et les dispositifs relatifs à la gestion des situations sanitaires exceptionnelles (SSE). Intégrer dans la formation complémentaire préalable à la promotion dans le grade de paramédical spécialisé et principal de santé publique un contenu spécifique à la gestion des situations sanitaires exceptionnelles et situations de crises sanitaires». Il a mis en exergue l’importance du management situationnel spécifique, pour permettre une acquisition des compétences sur les stratégies d’action sanitaire.
Ceci, sans oublier la communication formalisée en situation de crises entre inter-intervenants et externes de l’institution. La démarche méthodologique et de planification pour une meilleure interaction avec le dispositif du plan Orsec (Module santé) a été particulièrement évoquée pour une meilleure définition des concepts et de la dynamique de crise, analyse et diagnostic.
En conclusion, il a réitéré «l’importance de la formation dans la gestion des crises sanitaires par les aspects liés au management situationnel spécifique, pour permettre une acquisition de compétences sur les stratégies d’action sanitaire des intervenants face à des situations assez complexes.»