Occupant des logements depuis plus de 50 ans dans le fameux immeuble de l’Hydraulique situé à la rue Bencharif Madani, au centre-ville de Constantine, neuf familles risquent de se retrouver à la rue du jour au lendemain au vu et au su de toutes les autorités locales.
Il s’agit précisément des retraités, des veuves et des enfants d’anciens cadres de la direction des ressources en eau (ex-hydraulique). Ces derniers ont été interpellés par la direction concernée, par le biais de la justice, pour libérer les lieux. L’estomac noué, ces familles passent un véritable Ramadhan cauchemardesque. «Nous avons bénéficié de ces logements de fonction de service et non pas d’astreinte, depuis 50 ans, tout en payant le loyer et les charges de l’appartement. Après tant d’années, nous avons déposé à maintes reprises des demandes de cession à notre profit, comme cela a été fait avec les autres appartements de ladite direction, en vain», ont rappelé des riverains ayant pris contact avec El Watan, documents à l’appui. Certains possèdent toujours des bons de loyer depuis 1973 et d’autres se sont même acquittés des bons de paiement de 2024, dont El Watan détient une copie.
Ce qui suscite la suspicion, d’après eux, est la partialité manifestée dans cette affaire, notant que sur un total de 18 locataires, seulement 9, dont 3 sont toujours en fonction, ont fait l’objet de cette mesure qualifiée «d’abusive». A-t-on ciblé le maillon faible dans cet immeuble? Pourquoi refuser les dossiers de cession déposés par les locataires, sachant que la direction concernée a été délocalisée à Ali Mendjeli et n’occupe plus l’immeuble en question depuis 2015 ? Selon le témoignage des concernés, ce bâtiment de l’époque coloniale avait toujours attisé les convoitises, vu son emplacement et la superficie des appartements. La preuve, d’après les plaignants, cette mesure n’a pas touché des cadres bien placés et qui ne font plus partie du secteur de l’hydraulique dans la wilaya de Constantine. Pis encore, ils affirment que le dossier déposé par ladite direction compte plusieurs erreurs, dont l’adresse exacte de l’immeuble et les noms des personnes occupant les lieux. Mais le dossier a été accepté au niveau de la justice.
Des requêtes restées sans suite
Perplexes, les plaignants affirment avoir saisi toutes les autorités, dont le wali de Constantine, Abdelkhalek Sayouda, et le ministère de tutelle. «Malheureusement, on n’a pas été reçu par le wali, mais par une autre personne. Nous avons été au ministère trois fois, sans résultat. Pourtant, des procédures machiavéliques ont été adoptées par la direction. Au lieu de déposer, par exemple, une plainte au nom de la veuve, on l’a déposée contre un des fils lui demandant de libérer les lieux avec les autres occupants. Il y a des femmes de 86 ans qui occupent ces logements. Vont-ils les jeter à la rue ?», a martelé une des riveraines. Et de poursuivre que toutes les lois sont à leur faveur. Elle cite, entre autres, les articles 2 et 5 du décret exécutif n°06-208 du 13 juin 2006 fixant les modalités de transfert du droit de bail des logements à caractère social ; le décret exécutif n°18-153 correspondant au 4 juin 2018 fixant les conditions et les modalités de cession des biens immobiliers appartenant à l’Etat et des biens gérés par les officies de promotion et de gestion immobilière ; et le décret exécutif n°03-269 du 07 août 2003 fixant les conditions et modalités de cession des biens immobiliers appartenant à l’Etat et aux OPGI réceptionnés ou mis en exploitation avant le 1er janvier 2004. Comme une dernière issue, les familles ont adressé une correspondance au président de la République, sollicitant son intervention pour mettre un terme à leur calvaire.
Pour sa part, la directrice des ressources en eau de la wilaya de Constantine, Amina Bougoffa, affirme qu’aucune injustice ou un abus n’a été exercé à l’encontre de ces familles. «Il s’agit de logements de fonction octroyés à d’anciens cadres de l’hydraulique. Actuellement, ils sont occupés par leurs enfants et petits-enfants. Ils ont été saisis par d’anciens directeurs de ce secteur pour libérer les lieux, mais ils ont refusé. Ils ont même demandé un désistement. Est-ce logique de faire d’un logement de fonction un héritage. Ces familles devaient libérer ces logements après le départ de leurs pères à la retraite», a-t-elle déclaré à El Watan. Et de poursuivre que certains chefs de service trouvant des difficultés de déplacement à leur travail sont prioritaires. «Le verdict a été rendu en faveur de la direction, pour que ces gens quittent les lieux. Mais, par humanisme et par respect à ces familles, nous n’avons pas appliqué la réglementation et les faire sortir durant l’hiver et le mois de Ramadhan. Mais la mesure judiciaire sera appliquée par la voie réglementaire. Il doivent comprendre que c’est un bien de l’Etat», a-t-elle conclu.