Des hurlements stridents au lieu de discours policés, une salle de conférences transformée en dancefloor : le groupe de K-pop Seventeen, qui s’est produit mardi soir au siège parisien de l’Unesco, a défrisé la vénérable institution onusienne, au nom de la défense de l’environnement et l’éducation. L’on peinait à reconnaître durant le concert le grand auditorium de l’Organisation de l’ONU pour la science, la culture et l’éducation, où les joutes verbales brillent généralement par leur mesure.
Et où seule une pendule électrique décomptant les temps de parole produit parfois quelques décibels lorsqu’une intervention vient à excéder le délai imparti. Là où des diplomates tirés à quatre épingles sont habituellement assis, des centaines de fans, à très grande majorité féminine, ont le temps de quelques chansons produit des cris d’un aigu rarement atteint.
Puis ils ont sauté en rythme, extatiques, quand le boys band coréen est descendu de scène pour les rejoindre dans les travées. «Il y avait une ambiance de folie, c’était vraiment cool», sourit un communicant de l’Unesco. «Tout le monde était heureux. Nos photographes n’arrivaient même plus à faire de photos tellement ça bougeait.» La page YouTube de l’Unesco a connu un pic de fréquentation de 145 000 vues durant le concert, se réjouit-il. Soit cent fois peut-être les meilleures audiences de l’organisation onusienne.
Et 57 000 messages ont été postés en live. Les 500 places disponibles se sont arrachées. «Des gens ont réussi à trouver un lien pour s’inscrire qui n’était même pas encore public. En une heure, on avait déjà mille inscrits», rapporte ce communicant. Beaucoup ont patienté mardi des heures durant, sous la pluie, pour s’assurer d’entrer à l’Unesco. Une ferveur exceptionnelle pour cette organisation, à laquelle Seventeen est toutefois accoutumé. Le groupe, fondé en 2015 autour de treize jeunes artistes, a en effet vendu 15 millions d’albums cette année, selon l’un de ses membres. Dans le sillage d’une K-pop toujours plus écoutée dans le monde, son boys band masculin BTS et son pendant féminin Blackpink en chefs de file.
«Message positif»
Les chansons de Seventeen ne sont pas politiques, encore moins polémiques. Leur communication, pétrie de bonnes intentions, est réglée au millimètre. Quel que soit le problème, le groupe assure vouloir «transmettre un message positif». En préambule du concert, Seungkwan, narre, un brin lyrique, la «merveilleuse mais néanmoins petite île de Jeju», inscrite au patrimoine de l’humanité de l’Unesco, où il a grandi en rêvant de «monter sur scène et se produire devant une mer de fans». «Je voudrais prendre un moment pour partager avec tous les jeunes du monde l’importance de la nature, la valeur de rechercher un avenir meilleur», lance-t-il ensuite.
Son collègue Mingyu raconte, lui, sans ciller, comment le premier argent gagné par Seventeen a servi à acheter «treize chèvres», «portant le nom de chacun des membres» du groupe, et qui ont été «offertes à des enfants en Tanzanie» car «le lait de chèvre frais est une source importante de nutriments pour les enfants, et les bébés chèvres peuvent être vendus pour payer les frais d’éducation».
Seventeen, depuis 2022, a lancé une campagne destinée à promouvoir l’éducation, réunissant des dons «utilisés pour bâtir une école au Malawi», affirme Joshua, autre sociétaire d’un boys band désireux de «travailler en tant qu’ambassadeur auprès de l’Unesco, pour sensibiliser davantage aux défis cruciaux de notre époque». «Ils font cela avec plaisir», se réjouit le communicant de l’Unesco, qui dit n’avoir pas retrouvé cette sincérité chez d’autres stars ayant précédemment collaboré avec l’organisation. «Nous n’avons pas invité n’importe quel groupe, mais un groupe qui a un message de solidarité», a assuré Gabriela Ramos, une sous-directrice générale à l’Unesco, par ailleurs ravie que la notoriété de Seventeen rejaillisse sur l’organisation onusienne, où un forum de jeunes se déroule actuellement. Rencontrée après le concert par l’AFP, Siam, 24 ans, semble valider cette stratégie. Outre le message «impactant, engageant» de Seventeen, assure-t-elle, «on a vu une autre face de l’Unesco.
En-dehors de la performance, on a tous été un peu inspirés par les personnes qui ont pris la parole ce soir.