Une majorité écrasante des 2,7 millions de Tunisiens, ayant participé au scrutin pour la présidentielle du 6 octobre, a opté pour le président Kaïs Saïed. Ce choix signifie le soutien à la rupture avec le système politique installé durant la décennie 2011/21, auquel leur Président a mis fin un certain 25 juillet 2021. Le Président sortant a été plébiscité par une population vivant pourtant en pleine crise socioéconomique.
Les Tunisiens ont enterré, le week-end dernier, le système politique né le 14 janvier 2011, en exprimant leur soutien à l’homme qui a changé le régime politique issu de ce système. Le président Kaïs Saïed a été reconduit avec une majorité très confortable, dépassant les 80% et, surtout, un nombre d’électeurs frôlant les trois millions.
Le corps électoral tunisien a connu le 6 octobre courant une mobilisation similaire à celles de novembre/décembre 2014 et septembre/octobre 2019, lors des précédentes présidentielles plurielles. Le rendez-vous présidentiel a mobilisé la population tunisienne encore clairement attachée au régime présidentiel et à l’image symbolique du Président. Le scrutin d’avant-hier confirme par ailleurs l’idée que les Tunisiens voient encore en Kaïs Saïed l’homme-providence qui va améliorer leur destin maintenant qu’il a accaparé tous les pouvoirs entre ses mains et qu’il n’y aura plus de freinage, selon eux.
Ce plébiscite a réussi malgré les dizaines d’analystes qui n’ont cessé de se relayer durant ces trois dernières années, sur les plateaux de radios et de télés locales et étrangères, pour affirmer que la faillite de la Tunisie est proche, puisqu’elle n’a pas accepté les conditions du FMI. Et, même lorsque l’agence de notation Mody’s a récemment légèrement amélioré la note souveraine de la Tunisie, ces mêmes spécialistes ont trouvé l’angle adéquat pour rendre le constat caduc. Ces analystes ont même critiqué les pays frères, et à leur tête l’Algérie, pour avoir prêté main-forte à la Tunisie pour éviter le pire.
Une alliance objective s’est ainsi installée, la veille du scrutin, entre toutes les forces actives de l’opposition (lobbies, certains partis politiques, médias, syndicats, etc.) qui ont dirigé le pays de 2011 à 2021, pour soutenir le candidat Ayachi Zammel et c’est ce qui explique que son score est meilleur que celui de Zouhair Maghzaoui.
Toutefois, la réalité du terrain a montré que les diverses manifestations organisées depuis le coup de force du président Saïed, le 25 juillet 2021, et jusqu’au vendredi 4 octobre 2024 n’ont réuni que quelques centaines de personnes et n’ont pas eu d’écho auprès de la large population malgré les bras médiatiques puissants comme France 24, Al Jazeera, Jeune Afrique, ainsi que des dizaines de pages sur les réseaux sociaux et des sondages fabriqués de toutes pièces.
Les raisons d’une victoire
Les observateurs s’interrogeaient ces derniers mois sur le potentiel actuel de sympathie populaire du président Saïed après un quinquennat 2019/24 difficile avec la pandémie de Covid et une crise socioéconomique persistante. Le coup de force politique du 25 juillet 2021 et la Constitution, agréée par référendum populaire le 25 juillet 2022, n’ont pas encore eu d’impact sur le vécu quotidien des citoyens malgré l’élection et l’installation de deux Chambres, l’Assemblée des représentants du peuple et le Conseil national des régions et des districts.
Et si 95% des 2 830 000 électeurs présents ont approuvé par référendum la nouvelle Constitution, l’affluence s’est limitée aux alentours de 10% lors de l’élection des deux Chambres. Plusieurs voix n’ont cessé d’affirmer depuis, sur les divers plateaux de radios et de télés locales et étrangères, que la popularité du président Saïed n’a cessé de se rétrécir et que les Tunisiens ont en marre de patienter pour un meilleur avenir qui ne se concrétise pas. «Plusieurs analyses choisissent l’angle négatif pour présenter toute information positive concernant l’évolution économique de la Tunisie», n’a cessé de répéter Khalil Rekik, chroniqueur sur Radio Mosaïque Fm.
C’est dans ce contexte que s'est déroulée l'élection présidentielle de dimanche en Tunisie. Il s’agit surtout d’un test de popularité pour le président Saïed. Tous les regards étaient braqués sur le taux de participation pour savoir s’il s’agit d’une désaffection autour de Saïed ou, plutôt, d’une confiance totale confirmée. «Les Tunisiens ont approuvé la Constitution par référendum le 25 juillet 2022, avec la participation de 30% du corps électoral, et ils ont accordé le plein pouvoir à Saïed ; les élections des deux Chambres sont de moindre importance pour eux, c’est pour cela que la participation était faible», a expliqué Khalil Rekik, sans qu’on le prenne réellement au sérieux sur des plateaux dominés par les anti-Saïed.
L’enjeu était donc de taille pour les deux camps en Tunisie, qu’il soit celui du Président, englouti dans la recherche de solutions pour la crise socioéconomique et politique en Tunisie, ou pour l’opposition, très mobilisée et bruyante, notamment ces derniers jours. L’opposition réunie a lancé divers appels à manifester, dont le dernier fut le vendredi 4 octobre.
Plusieurs centaines de manifestants sont descendus dans la rue, protégés par les forces de l’ordre, qui ont reçu des consignes claires pour éviter la confrontation. Finalement, le verdict des urnes a montré que le président Saïed bénéficie encore et toujours de la confiance d’une majorité consistante du corps électoral tunisien. Le peuple lui accorde une nouvelle opportunité pour améliorer la situation du pays.