Le principal dirigeant vietnamien Nguyen Phu Trong est décédé hier à l’âge de 80 ans des suites d’une maladie, après treize ans à la tête du parti communiste qu’il a refaçonné par une campagne anticorruption d’ampleur historique.
«En raison de son âge avancé et de la maladie, il est décédé à 13h38 (6h38 GMT) le 19 juillet 2024» dans un hôpital militaire de la capitale Hanoï, selon un communiqué du parti communiste vietnamien (PCV), repris dans les médias d’Etat. «Il y aura un communiqué spécial sur l’organisation des funérailles au niveau national pour Nguyen Phu Trong», est-il écrit. Au moment de l’annonce du décès, plusieurs sites d’information vietnamiens ont affiché un bandeau noir, prélude à une période de deuil national qui devrait voir l’annulation de certaines festivités.
La veille, le PCV avait annoncé sa mise en retrait temporaire pour des raisons de santé et désigné l’actuel président de la république socialiste, To Lam, 67 ans, pour assurer l’intérim. Le secrétaire général du PCV est le personnage le plus important de l’Etat, devant le Premier ministre, le président et le président de l’Assemblée nationale. Nguyen Phu Trong est le premier secrétaire général à décéder au pouvoir, depuis Le Duan, un frère d’armes du père de l’indépendance Ho Chi Minh, en 1986. Il est aussi le premier à avoir effectué trois mandats consécutifs à la tête du parti, après la libéralisation de l’économie en 1986.
Les réactions n’ont pas tardé. «Le Comité central du Parti communiste chinois a envoyé un message de condoléances à son équivalent au Vietnam après le décès du secrétaire général Nguyen Phu Trong», a indiqué la chaîne chinoise d’Etat CCTV dans un bref communiqué. «Nous pleurons la perte d’un leader visionnaire qui, pendant des décennies, a servi de pont entre le Vietnam et les Etats-Unis, comme il l’a fait avec le reste de la communauté internationale», a commenté de son côté l’ambassadeur américain au Vietnam, Marc E. Knapper, dans un communiqué.
Avec ses partenaires étrangers, Nguyen Phu Trong a appliqué les principes pragmatiques de sa «diplomatie du bambou» qui a placé Hanoï comme un interlocuteur de Washington comme de Pékin, dans un souci de maintenir une autonomie face aux deux superpuissances. Il s’était aussi entretenu avec Vladimir Poutine en juin, lors de la visite du président russe dans la capitale vietnamienne. En fonction depuis 2011, la longévité remarquable de M. Nguyen à son poste a coïncidé avec une dérive autoritaire du Vietnam, selon les groupes de défense des droits humains. Ses politiques ont contribué à étendre l’emprise de l’appareil communiste sur le pays, dans une période de boom des échanges commerciaux, mais au détriment des libertés fondamentales. Technocrate, réputé discret, il a été l’architecte de la campagne XXL qui a traduit en justice plus de 4400 personnes dans plus de 1700 affaires de corruption et de fraude depuis 2021, à un rythme spectaculairement élevé pour le pays, habitué à des tractations sans fracas.
Cette opération, considérée comme la plus importante de ce type qu’ait connu le Vietnam, a renforcé le pouvoir autour de sa personne, selon les experts. C’était «un homme à poigne incarnant cette obsession du parti de se maintenir au pouvoir peu importe les soubresauts internes et l’ouverture du pays», estime Benoît de Tréglodé, directeur de recherches à l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire, à Paris. To Lam, l’ancien ministre de la Sécurité publique, était pressenti comme le mieux placé pour succéder à Nguyen Phu Trong, dont l’état de santé alimentait depuis quelques temps les spéculations sur sa capacité à diriger jusqu’au prochain congrès prévu en 2026.