La chercheuse marocaine Ihssane El Omri a affirmé que la corruption au Maroc est une pratique répandue depuis plusieurs années et devenue au fil du temps une «idéologie collective», soulignant que le makhzen ne ratait aucune occasion pour distribuer des pots-de-vin. Dans une tribune sur le site «Le monde arabe» parue lundi, Ihssane El Omri a indiqué que la corruption au Maroc n’est pas récente ou étrange. «Avant qu’elle soit une pratique elle est une attitude qui émane de l’éthique individuelle, pour devenir au fil du temps une idéologie collective résultant de la normalisation avec ces pratiques qui couvrent la société toute entière», a-t-elle écrit. La chercheuse a expliqué que la corruption au Maroc représente un état d’ordre normal, et non seulement un aléa qui intervient pour perturber les rapports de pouvoir au sein de la société, reprenant le témoignage de John Waterbury en 1973 qui a affirmé qu’au Maroc, «la corruption flotte en liberté et est manipulée, guidée, planifiée et désirée par le régime lui-même». Elle a expliqué que du tout petit policier de la route, aux fonctionnaires de l’administration publique en passant par les professeurs, grands marchés publics de l’Etat, responsables étrangers et députés du Parlement européen, «le Marocain donne du bakchich de façon automatique». Selon El Omri, l’affaire de corruption, qui a éclaté au Parlement européen le mois de décembre dernier, a jeté une lumière crue sur une autre dimension des relations corrompues du Maroc avec les pays étrangers, citant l'exemple des trafiquants marocains de drogue et leurs réseaux aplanissant le chemin d’exportation du cannabis marocain et même d’autres drogues dures vers la France et l’Espagne. Ces sorties illégales, dit-elle, sont une entrée importante de devises vers une «caisse noire» se servant des réseaux de corruption et de clientélisme, allant de l’agriculteur jusqu’à la grande échelle du pouvoir de l’Etat marocain. «Le Maroc ne rate aucune occasion pour distribuer des pots-de-vin, même pour acheter le silence des étrangers aussi, que ce soit des journalistes, des parlementaires, des responsables d’Etat ou autres, en vue de préserver son image de marque déjà gâchée par son attitude corrompue», a-t-elle écrit. Enfin, Ihssane El Omri a souligné que les médias marocains, et pour «protéger leurs ordonnateurs», continuaient dans leur stratégie médiatique, à savoir nier et ressasser les mêmes déclarations et les vieux arguments. «A cet égard, et tenant compte des services rendus par ce qui reste de la presse, toute personne sensée qui se respecte s’interroge légitimement : ''Combien coûte la presse marocaine à l’économie ?'' Et dans quel cadre les pots-de-vin sont injectés dans le secteur des médias ?» a-t-elle conclu.