La région de Deboussa, située entre les communes de Sabha et Aïn Merane (nord-ouest de Chlef), a été témoin, le 12 août 1845, du crime le plus odieux commis par la France coloniale, «les enfumades de Sebih», qui ont coûté la vie à des milliers de citoyens désarmés.
Selon des historiens, cette étape historique douloureuse requiert un travail de recherche et de documentation pour authentifier les crimes abjects du colonisateur en Algérie, en signe de fidélité aux sacrifices de la résistance populaire. Dans un entretien à l’APS à la veille du 178e anniversaire des enfumades de Sebih, des historiens spécialistes de l’histoire de la région du Bassin de Chlef ont indiqué que ce crime commis par le colonisateur français en réponse à la résistance des populations de la région de Deboussa n’a pas fait l’objet d’une collecte d’informations suffisantes, notamment par rapport au nombre de victimes estimé à des milliers.
Le président de l’association Majd Al Thaqafiya Al Tarikhiya, Maâmar Doumi, a fait savoir que tous les détails des enfumades de Sebih, qui constituent «un pan important de l’histoire locale et de la mémoire collective», doivent être révélés, notamment sur les auteurs, le déroulement des faits et le nombre exact des victimes longtemps dissimulé par l’administration coloniale.
M. Doumi a insisté sur la nécessité pour les historiens de conjuguer les efforts en vue de dévoiler les détails de ce crime odieux, un parmi tant d’autres crimes commis par la France coloniale à l’époque des résistances populaires dans la région de Dahra située entre les wilayas de Mostaganem et de Chlef.
Pour sa part, Tayeb Ibrahimi, qui s’intéresse à l’histoire de la région, a mis l’accent sur l’importance de faire davantage de recherches historiques en la matière en collectant les témoignages des moudjahidine et des enfants de la région, qui se relaient les faits de ce massacre abject, soulignant que la France avait alors fait montre d’une barbarie sans pareille.
Mohamed Bachouchi, président de l’académie de la mémoire nationale à Chlef, a indiqué pour sa part, que les autorités locales et la famille révolutionnaire commémorent chaque année ce massacre en reconnaissance aux sacrifices des natifs de la région, appelant à l’organisation de séminaires et de journées d’études sur ce thème.
S’exprimant dans ce contexte, le professeur en histoire moderne et contemporaine à l’université Ibn Khaldoun (Tiaret), Mohamed Bellil a rappelé que la France coloniale avait recouru aux enfumades et génocides pour réprimer les résistances populaires, notamment dans la région de Dahra, ajoutant que «c’est un crime contre l’humanité qui a fait des milliers de victimes».
Le même spécialiste a expliqué que les soldats de l’occupant français ont attiré la population de la tribu Sebih, durant la période allant du 12 au 16 août 1845, dans une des grottes de la région avant de l’assiéger, de bloquer toutes les issues et d’y mettre le feu.
Le bilan des victimes s’élèverait, selon des sources algériennes, à plus de 1500 morts. M. Bellil a, également, indiqué que les tentatives du colonisateur de taire ces crimes ont été mises à nu par des correspondances entre des responsables français, à l’instar de celle du maréchal Bugeaud adressée au colonel Pelissier dans laquelle il lui intimait l’ordre de poursuivre et d’assiéger la tribu d’Ouled Riah, dans les montagnes de la Dahra, à Mostaganem, et de les enfumer, comme l’avait fait Cavaignac, en juin 1844, avec la tribu Sebih de Aïn Mrane, ce qui signifie, selon lui, que les enfumades de Sebih ont eu lieu deux années successives (1844-1845).
Parallèlement aux efforts des associations de la société civile, de la famille révolutionnaire, des chercheurs et des enseignants d’histoire pour collecter les références historiques sur les enfumades de Sebih, les habitants de la nouvelle génération souhaitent voir un monument commémoratif se réaliser dans la région en reconnaissance des sacrifices de leurs ancêtres, de leur courage et de leur dévouement dans la défense de leur patrie, un monument qui servira de passerelle entre les générations, un gage de fidélité au serment des chouhada.
Dans ce cadre, la direction des moudjahidine a précisé que les procédures administratives sont en cours pour entamer la réalisation d’un monument commémoratif dans la région, ajoutant qu’une enveloppe financière a été dégagée par la wilaya pour la concrétisation du projet dans les jours à venir.