Hadjout : La mort d’un champion du monde dans l’indifférence

En demandant des nouvelles de son père, «il a été enterré au début du mois de décembre dernier», me répond l’une des filles de Si Ahmed Ferrah. Il était difficile pour votre serviteur d’encaisser le choc, suite à la brutale annonce. Ferrah Ahmed né à El Amra (Aïn Defla) le 10 octobre 1934 est décédé le 6 décembre 2022 à Hadjout (Tipasa).Il habite à quelques mètres de la salle omnisports du stade communal de Hadjout. «Williams» pour les intimes avait débuté son métier de photographe en 1963 à la revue Révolution africaine, dirigée à cette époque par Mohamed Harbi. La triplette algérienne constituée d’Ahmed Ferrah, Ghorab Boualem et Senia Ahmed a été championne du monde de pétanque en 1964, disputé à Genève (Suisse), sous les couleurs nationales (Algérie, ndlr). Non seulement photographe, «Williams» a pratiqué le football à l’OM (Olympique de Marengo, ndlr). Pour se rapprocher de sa famille, il quitte Alger pour s’installer définitivement à Hadjout. En dépit de mes multiples rencontres avec l’ex-photographe officiel de la wilaya de Tipasa depuis sa création, l’ex-champion du monde de pétanque ne m’a jamais révélé ses secrets. Son fils Sidoum exhibe des documents inhérents à son militantisme durant la guerre de Libération nationale. Il avait déposé son dossier portant le n°006343 auprès de la commission spéciale de l’ANP ; de la commission spéciale de reconnaissance de la qualité de membre de l’ALN, toujours avec le même numéro de son dossier (006343, ndlr), portant la référence L/923, document signé le 23 février 1971 par Tebib Tayeb, relatif à la décision de la commission spéciale de l’ANP prise le 20 février 1971.  Ferrah Ahmed était absorbé par le volume de son travail de photographe. Il immortalisait chaque instant de vie, chaque mouvement, des quotidiens. L’ex-photographe de la wilaya lui est arrivé discrètement de «faire» le protocole, quand une délégation officielle venait dans la wilaya de Tipasa, ou bien lors des déplacements des chefs de l’exécutif de la wilaya. Petit de taille, agile, une bandoulière accrochée à son épaule et son appareil photo dans ses mains, il ne ratait pas le premier geste. Ahmed Ferrah est devenu la silhouette incontournable dans le territoire de la wilaya. Quand le temps le lui permettait, il se rendait à la place de Hadjout, pour assister aux rencontres des triplettes, avec leurs boules dans leurs mains. Chacune est concentrée dans son match. Ahmed Ferrah quitte la «scène» dès l’arrivée de la wali de Tipasa, installée par le défunt président Bouteflika. Tipasa accueille la première femme wali algérienne depuis l’indépendance. Sa manière de commander ne lui plaisait pas, lui qui avait dans le passé travaillé avec plusieurs walis. Sans faire de bruit, comme à son habitude, déjà sous le poids de son âge, il quitte les activités officielles de la wilaya de Tipasa. C’est dans son jardin qu’il passe ses journées, jusqu’à la fin de sa vie. «Je fais du sport grâce au jardinage, j’entretiens ma santé, je suis tout proche de ma famille, rahmate Rabi soubhanou, machi khir», me disait-il. Ses enfants m’informent sur le dernier soir passé en sa compagnie. «Nous ne l’avons pas cru quand il discutait avec nous à voix basse, il toussait beaucoup», m’expliquent-ils. Ferrah Ahmed, l’oublié, déclarait : «Je sens que je vais mourir disait-il à ses enfants, je suis très heureux et apaisé que vous soyez avec moi, il priait Dieu et lisait quelques versets du Coran», jusqu’à son ultime souffle. Selon les confirmations de son fils, 6 mois avant sa mort, Ferrah Ahmed commençait à nous révéler des documents en sa possession. Il est parti sans bénéficier d’une assurance sociale, ni d’une pension de retraite. Le jour de son enterrement, dans son cercueil, il quitte sa maison entouré par les membres de sa famille, des amis, le président de la FASB (Fédération algérienne des sports boules) était présent à son enterrement. «Williams», moudjahid, champion du monde de pétanque, photographe de wilaya, mort et enterré dans l’indifférence. Il suffit de consulter les archives pour le connaître.