Hadef Abderrahmane. Expert en géoéconomie : «L’effort de guerre coûte 260 millions de dollars par jour à Tel Aviv»

21/11/2023 mis à jour: 05:23
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L’armée israélienne s’embourbe, de jour en jour dans la Bande de Ghaza, après avoir fait le choix de mener une offensive terrestre pour, dit-elle, «anéantir» le Hamas, et ce, après avoir bombardé intensivement des populations civiles meurtries. 

Son offensive post  7 octobre a nécessité la mobilisation de 360 000 réservistes, selon des chiffres officiels. L’économie de l’entité sioniste en prend un sérieux coup. L’agence de notation Standard & Poor’s prévoit une contraction de l’économie israélienne de 5% et s’attend à un déficit budgétaire de plus de 5% du PIB en 2023 et 2024, au lieu des 2,3% initialement prévus. Hadef Abderrahmane, expert en géoéconomie, nous explique dans cet entretien les implications de cette agression marquée par de nombreux crimes de guerre.

 

Entretien réalisé par  M. Abdelkrim

 

 

-Quel est le coût de l’agression israélienne dans les territoires occupés pour l’entité sioniste ?

Selon des estimations de l’agence Bloomberg, le coût de la guerre pour l’entité sioniste à Ghaza dépasserait les 260 millions de dollars par jour. Un montant qui risque de s’alourdir dans les jours à venir et, surtout, dans le cas où d’autres fronts viendraient à se déclencher, comme le front nord avec le Hezbollah. D’ailleurs, des coupes budgétaires sont faites sur plusieurs secteurs pour pouvoir apporter les ressources financières nécessaires à l’effort de guerre. Cet impact négatif peut même avoir des répercussions, sur le long terme, sur l’économie de cette entité. Même les partenaires occidentaux ne pourront pas allés trop loin dans leur soutien au risque d’être impactés, surtout que déjà les répercussions de la crise sécuritaire en Ukraine deviennent difficilement tenables. Aussi, la réaction des marchés financiers commence à aller dans la gestion prudentielle avec des désengagements des investisseurs de la destination de l’entité sioniste, compte tenu des risques élevés et aussi la dévaluation du shekel.
 

-Comment expliquer, selon vous, les hésitations des pays arabes à apporter un soutien franc à la résistance palestinienne à Ghaza, ne serait-ce qu’en agitant le levier des hydrocarbures ?

La position des pays arabes reste conditionnée par l’évolution des rapports de forces géopolitiques. Donc, l’appui à Ghaza dans toutes ses dimensions, humaine, sanitaire et économique, reste tributaire de la position des grandes puissances. Certains pays comme l’Egypte et la Jordanie, dont les économies sont fortement dépendantes des financements internationaux avec des dettes extérieures importantes – plus de 165 milliards de dollars pour l’Egypte et près de 40 milliards pour la Jordanie –  ainsi se retrouvent avec des marges de manœuvre extrêmement réduites. Cela sans oublier le fait que les aides américaines à ces deux pays sont régulières. 
 

-Sont-ils dans une logique d’un ensemble économique incluant Israël, d’autant que celui-ci était proche d’un accord de normalisation avec l’Arabie Saoudite ?

Je ne pense pas qu’ils soient dans une logique économique avec l’entité sioniste. C’est peut-être le cas de quelques-uns, mais c’est plus par calculs géopolitiques et aussi par cette incapacité à réagir proprement du fait qu’ils sont aussi surpris par cette guerre.
 

-Est-ce que les enjeux énergétiques peuvent expliquer la volonté d’Israël d’expulser les Palestiniens de Ghaza, récupérer les Territoires ainsi conquis et s’assurer de pouvoir mener sans risque des explorations offshore en Méditerranée orientale ?

Ça peut être ça du fait que la région est une zone riche en gaz, mais il y a aussi le projet du nouveau Corridor économique devant relier l’Inde à l’Europe, qui va directement concurrencer l’Initiative de la Ceinture et Route de la soie de la Chine. Il y a aussi la volonté de faire concurrence au canal de Suez en devenant un hub énergétique et logistique. D’ailleurs la destruction de toutes les infrastructures portuaires de la région (Liban, Syrie, etc.) n’est pas une coïncidence à tout cela pour laisser libre la position aux ports de l’entité sioniste comme seules voies d’issue vers la mer méditerranéenne et au-delà. Il ne subsiste actuellement que le port de Haifa, après le bombardement de Lattaquié (Syrie), l’explosion de celui de Beyrouth et récemment la prise en main par l’armée israélienne du port de Ghaza.
 

-Le chef du PNUD a estimé que les implications de la gigantesque crise économique à venir pour la Palestine seront «générationnelles».  Qu’en pensez-vous ?

Sans aucun doute que cette terrible guerre et cette tragédie auront des effets à long terme sur l’économie palestinienne. Déjà, la reconstruction de Ghaza serait un challenge énorme et par la suite la relance de l’économie se fera avec beaucoup de difficultés. Surtout que les opérations de colonisation se sont intensifiées ces derniers temps.

Le Washington Post a révélé dimanche que l’agression contre Ghaza ne pourra pas durer plus de trois mois. La raison : le nombre important de réservistes retirés du marché du travail fragilise une économie déjà désorientée. 

-Quel est votre avis ?

Effectivement, aller dans une guerre longue aurait des répercussions destructrice sur l’économie de l’entité sioniste, ce qui va causer un déséquilibre structurel sur les marchés du travail et aussi de la place financière. D’ailleurs, beaucoup d’investisseurs sont devenus réticents au marché et ne souhaitent pas, du moins à court terme, continuer à investir dans des projets en lien avec l’économie de l’entité sioniste pour le risque élevé d’une dégradation de la situation sécuritaire avec un impact direct sur la monnaie ainsi que sur les titres financiers. 
 

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