Guerrouma (Lakhdaria) : Les villages reprennent vie

28/02/2022 mis à jour: 19:07
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Les habitants veulent redonner vie à leur village / Photo : D. R.

Thirika est un village typiquement ancien que ses habitants gardent jalousement comme un héritage des ancêtres.

Nichés sur les hauteurs de la commune de Guerrouma, dans la région de Lakhdaria à l’ouest de Bouira, Ath Annane et Thirika ont su conserver leur âme montagnarde vigoureuse. Leur cachet architectural confère à ces habitations une couleur unique. Fortement touchée par le terrorisme durant la décennie noire, la population était poussée à un exode vers des villes plus sécurisées, abandonnant leurs maisons et leurs biens. D’autres ont résisté. La vie reprend petit à petit dans ces zones rurales qui, il y a quelques années, étaient considérées comme fiefs des groupes islamistes armés.

En effet, malgré les conditions de vie difficiles dans ces localités de haute montagne, qui ont échappé à la transformation architecturale sont encore habitées. Une trentaine d’années après que la région ait retrouvé son calme habituel, des villageois y retournent en cultivant leurs terres mais aussi en entretenant leur maison.

«J’habite la ville de Khemis El Khechana dans la wilaya de Boumerdès. Les groupes armés nous ont obligés à fuir notre village en laissant tout. Notre localité d’Ath Anane est privée de toutes commodités pouvant faciliter le retour des villageois. Hormis le réseau électrique qui reste toujours fonctionnel, l’accès au village est difficile. Aucun établissement scolaire, de santé ou de loisirs n’a été réalisé. Nos enfants sont scolarisés ailleurs…», dit Ahmed, la soixantaine passée, rencontré samedi dernier, à l’occasion de notre virée dans la région.

Pour lui, y retourner vivre nécessite la mise en place de conditions de vie adéquates. «Les autorités locales n’ont jamais pensé à inclure notre village dans les programmes de développement prétextant que personne n’y habite», dit-il, désolé.

Non loin d’Ath Anane, à Thirika, un autre hameau qui n’a pas échappé à l’insécurité est toujours habité. Adossé à un mur d’une école primaire en ruine, un villageois est prudent dans ses déclarations. «Cela m’a fait rappeler les dures moments vécus durant la période de terrorisme», dit-il, portant un sécateur servant pour le greffage et la taille des arbres fruitiers. «L’école primaire saccagée est abandonnée depuis des années. Les dossiers scolaires et autres documents administratifs jetés par terre ne sont pas ramassés à ce jour», dit-il désolé, tout en soulignant que les enfants du village sont scolarisés dans d’autres établissements de la commune de Guerrouma.

«Mais on habite toujours Thirika. On résiste. Le seul projet réalisé au village est la réhabilitation d’une route», a-t-il déclaré. Thirika a su quand même conserver son authenticité. Les villageois qui y viennent cultiver leurs terres ne ratent pas aussi l’occasion d’effectuer la réfection de leurs maisons. «Le peu d’habitations restantes et qui ont gardé presque leur architectures gardent toujours leur état original, parce qu’elles sont tout bonnement habitées.

Leurs occupants, qui n’ont pas pensé un jour à quitter leurs maisons même en période de terrorisme, n’ont pas suffisamment de moyens pour les restaurer. Les pouvoirs publics doivent leur apporter l’aide nécessaire. C’est aussi un patrimoine», dit Zinedine, architecte. Et d’ajouter : «C’est rare de rencontrer des maçons capables de construire une habitation sur le modèle ancien avec notamment de la pierre taillée et du mortier. Nos maçons ne sont plus spécialisés dans la mise en place des charpentes en bois et de la tuile romaine.

C’est pratiquement le même modèle qu’on trouve ailleurs dans nos villages en Kabylie. Le béton a complètement la région», dit-il. Penser et d’une manière sérieuse à la réhabilitation du reste de ce patrimoine en mobilisant des moyens mais surtout en lançant des formations spécialisées dans les centres d’apprentissage est une nécessité, pas pour concurrencer les nouvelles constructions actuelles réalisées certes sans défaut, mais dénuées du cachet ancestral.

 


 

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