Guerre d’Ukraine ou guerre mondiale ?

20/02/2023 mis à jour: 00:16
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La chute du mur de Berlin avait, d’une manière générale, atténué les tensions et suscité un espoir collectif planétaire quant à une meilleure convergence vers un monde moins violent, moins arrogant et plus équitable. La réalité est que l’histoire a démenti les projections, puisque les inimitiés et les tensions, au contraire, se renforceront entre les grandes puissances, car jusqu’à cette date de la rupture, en 1989, l’opposition  entre les deux modèles, capitalisme et socialisme, prévalait dans l’analyse économique, même si les deux blocs, sans s’apprécier, se regardaient en chiens de faïence, se jetant quelques «joyeusetés», en dépit du fait que cette chute historique du mur a consacré l’apparente victoire du modèle capitaliste, tel qu’il ressortait des préconisations du «consensus de Washington». Place était à l’économie de marché, définitivement adoptée, qui allait ouvrir, grande, la voie du capitalisme mondial. Mais celui-ci pouvait-il prospérer, dès lors qu’il compte en son sein plusieurs variantes nourries par la concurrence, et qui sont autant de différences par leur nature, que par le contrôle des Etats dans la conduite des affaires. Cette coéxistence, loin d’être pacifique, va être parasitée par les concurrences, donnant lieu à des luttes fratricides dans le même système économique. Au plan politique, la cohabitation entre les deux blocs est consommée, devra-t-on, au plan économique, considérer que c’est la fin du monopole, de la puissance de l’Occident européen et américain, qui dure depuis quatre siècles et qui a imposé sa conduite à tous les autres. Qui dit ce qu’il est convenu de faire, qui s’approprie l’histoire, sans ménagement, qui désigne, arbitrairement et unilatéralement, l’axe du bien et celui du mal. Cette conduite des affaires est corroborée par l’attitude de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), qui trace les contours de la stratégie favorable aux influents, mais dont la puissance va se trouver amoindrie. En raison de sa propre conduite et celle exogène liée à l’apparition de pays émergents, Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique de Sud, les initiateurs d’un convoi encore plus étoffé dans le futur, si l’on en juge par les nouveaux postulants soucieux de conquérir une place sur cet échiquier longtemps accaparé. La Chine, notamment humiliée pendant un siècle et demi, renaît au monde, au même titre que ses compagnons du BRICS, qui veulent être des partenaires à part entière, de plein droit, avec les mêmes missions et les mêmes exigences, offrant à la planète une diversité qui a mis du temps à s’imposer. L’essentiel est que cette multipolarité est là, qui s’annonce rude, compétitive, concurrentielle. Où il est difficile de savoir si les règles du jeu seront respectées, ou au contraire devrait-on assister à une guerre larvée, pleine de risques, où tous les procédés seront utilisés. Désormais de nouvelles cartes sont mises sur la table.

Le capitalisme a succédé à la société féodale à la fin du xviiie siècle. L’économie de marché et le capitalisme financier ont triomphé au xxe siècle. Le monde flirte, aujourd'hui, avec la résurgence d’un capitalisme d’Etat, d’une nouvelle philosophie et de nouvelles pratiques du commerce mondial. Actuellement, le monde est en lutte pour les ressources rares. C’est ce qui a fait dire à Christophe de Margerie, ancien patron de Total : «Les hydrocarbures sont aujourd’hui au centre, en tant que base de l’énergie, l’un des débats majeurs de ce siècle. Nous devons d’abord amener l’énergie au consommateur, c’est un devoir, ce n’est pas simplement du capitalisme. Ensuite, le changement climatique n’est plus simplement, aujourd’hui, de l’ordre de la communication, c’est aussi un devoir, et j’aimerais bien que ceux qui sont chargés de diriger notre belle planète écoutent, un peu, ceux qui ont quelque chose à dire, non pas sur le plan politique, mais sur le plan pratique.» C’est lui, qui lors de l’embargo imposé par Washington en 1996 contre l’Iran, avait contourné l’interdiction en poursuivant son business avec les Iraniens. Un coup de maître commercial, qui n’a pas été du goût des Américains. Dans la crise de Crimée (20 février 2014), il a été le seul boss occidental du monde à se positionner publiquement contre les sanctions prises contre la Russie, puis peu avant son décès, il a ouvertement critiqué l’hégémonie du dollar dans le secteur pétrolier, suggérant l’achat du pétrole dans une autre devise, faisant, encore une fois, Washington grincer des dents. La mort mystérieuse le 20 octobre 2014 de de Margerie, suite au crash de son avion privé sur l'aéroport de Moscou, après avoir heurté un chasse-neige sur la piste, conduit par un agent ivre, soulève toujours autant d’interrogations que de zones d’ombre, que même le procès, peu mis en évidence, n’a réussi à élucider.

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